Les chefs d'Etat ou de gouvernement présents au siège de l'ONU à New York auront à faire un premier bilan du Millénium. A quarante-huit heures du rendez-vous des quelque 150 chefs d'Etat ou de gouvernement, -attendus à New York pour un sommet qui s'annonce indécis-, une course contre la montre s'est engagée pour arriver à un consensus, du moins à sauvegarder l'essentiel de l'ambitieux projet de réforme du secrétaire général de l'ONU, dont le moins qui puisse être dit est qu'il est en train de se réduire en peau de chagrin sous les pressions d'intérêts contradictoires qui remettent en cause le patient labeur de cinq ans de Kofi Annan et son équipe. Le sommet extraordinaire de l'ONU doit en fait donner aux chefs d'Etat ou de gouvernement de parachever le lent travail de mise en forme et réitérer l'engagement de la communauté internationale à persévérer dans la lutte contre la pauvreté et pour le développement. Devant les divergences apparues lors des débats sur le développement et face à l'opposition des Etats-Unis à tout nouvel effort dans le cadre des ODM, il faudra sans doute avoir recours à une nouvelle (re)définition -au même titre que pour le terrorisme- du développement qui reste pris en charge sous l'angle des seuls pays riches, notamment les Etats-Unis, lesquels cherchent à imposer leur vision du développement. Un développement qui a laissé en marge du progrès de nombreux peuples en Afrique et en Asie notamment. Hier, les diplomates faisaient état d'un certain progrès dans les discussions, mais il semble qu'ils peinent à trouver un accord sur le document final qui sera présenté ce mercredi au sommet extraordinaire de l'Organisation des Nations unies. Devant l'absence de faits concrets, les diplomates veulent néanmoins garder le moral et se disent optimistes quant à une issue consensuelle d'ici à l'ouverture d'un sommet qui aura, entre autres, à faire un bilan du Millénium lancé en septembre 2000 par le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan. Aussi, un groupe restreint de 12 à 15 membres travaillait hier à réduire les désaccords pour permettre la production d'un texte représentatif au sommet mondial. Toutefois, même si un accord peut être trouvé en dernière minute, il risque fort de rester en deçà des ambitions nourries par Kofi Annan qui rêvait d'une organisation de Nations unies rénovée, ouverte au progrès, à la justice et capable de jouer un rôle stabilisateur dans le monde. Aussi, il est fort à craindre que l'ambitieux projet de réforme destiné à mettre l'ONU au diapason du troisième millénaire ne soit sérieusement écorné. Les oppositions, voire le veto des puissants, vont sans doute décider du sort d'une réforme pourtant cruciale pour le devenir de l'ONU. Le sommet de ce week-end, qui doit examiner les réalisations effectuées depuis l'an 2000, et la mise en oeuvre des objectifs de développement du Millénium, ODM, -dans l'optique de réduire de moitié, à l'horizon 2015, la pauvreté et les maladies dans le monde-, aura sans doute à constater les appréciations divergentes qui sont faites de la notion de développement. En fait, faisant cavalier seul, les Etats-Unis, s'ils ont fini par accepter la mention des ODM dans le document final, ne sont pas prêts pour autant à en accepter les contraintes, comme être liés par des objectifs chiffrés sur l'aide au développement public. Ce qui, en fait, remet en cause la stratégie du secrétariat général de l'ONU de parvenir à réduire, un tant soit peu, le gouffre séparant les pays industrialisés des pays en voie de développement. L'autre point de désaccord concerne l'élargissement du Conseil de sécurité, et notamment l'octroi du droit de veto aux nouveaux membres permanents, qui rencontre la ferme opposition les Etats-Unis qui veulent garder le Conseil de sécurité dans son statut actuel, -qui met les cinq Etats détenteurs du droit de veto au-dessus du droit et des lois internationaux-. Pour d'autres raisons, la Chine s'oppose également à l'élargissement du Conseil de sécurité, du moins tel qu'il est préconisé par des pays intéressés par un tel choix, que défend le G4 (Allemagne, Brésil, Inde et Japon). Ces oppositions ont renvoyé à plus tard la question de la réforme et de l'élargissement du Conseil de sécurité. De toutes les façons, la réforme du Conseil est liée à une autre réforme, tout aussi importante que nécessaire : la réforme du secrétariat général de l'ONU. Or, les divisions sont nettes entre une minorité d'Etats, en fait les grandes puissances, qui veulent renforcer les pouvoirs du secrétariat et du Conseil de sécurité, pouvoirs exécutifs de l'ONU, et la majorité des autres Etats, (africains, asiatiques et latino-américains), qui défendent l'idée de donner plus de prérogatives à l'Assemblée générale de l'ONU, qui en est dépourvue. Cette ambivalence se retrouve également dans la campagne pour la non-prolifération nucléaire et pour le désarmement. Alors que les pays en voie de développement militent pour un désarmement total, les grandes puissances (USA et l'UE -certains membres de cette dernière sont détenteurs des armes nucléaires-) dans un curieux distinguo privilégient la non-prolifération et relativisent le désarmement. Or, la campagne telle qu'elle est menée par l'Europe et les Etats-Unis est une manière d'interdire aux pays en développement d'accéder à la connaissance et à la maîtrise des technologies avancées et notamment nucléaires, au moment où ces puissances, singulièrement les Etats-Unis, renforcent leurs arsenaux d'armes de destruction massive (ADM). Aussi, réformer l'ONU pour lui rendre son label d'organisation mondiale, travailler pour un monde meilleur débarrassé du danger des armes de destruction massive risquent de rester des voeux pieux.