Pour les diplomates des Nations unies, adeptes de la négociation et du compromis, l'impression que Washington s'éloigne du multilatéralisme s'est encore une fois renforcée avec la nomination par Donald Trump du «faucon» John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale. Depuis l'arrivée au pouvoir du milliardaire républicain, les Etats-Unis ont déjà réduit leur budget alloué au financement de l'ONU, annoncé leur départ de l'Unesco et leur volonté de se retirer de l'accord de Paris sur le climat. Maintenant, l'ONU doit faire avec le retour au premier plan de cet ancien ambassadeur aux Nations unies sous George W. Bush (2005-2006), un va-t-en guerre partisan du recours à la force dans les dossiers nord-coréen et iranien, notamment. Cet ultraconservateur à l'imposante moustache a multiplié tout au long de sa carrière les déclarations provocatrices à l'égard des Nations unies, expliquant notamment que si le siège de l'institution, haut de 38 étages, en perdait 10, «cela ne ferait pas de différence». «Il y a peu de personnes qui croient moins dans l'idée de la communauté internationale que Bolton», juge ainsi Richard Gowan, de l'European Council for Foreign Relations. «Bolton est l'un des plus radicaux dans cette administration. Il est viscéralement anti-ONU», explique pour sa part un diplomate du Conseil de sécurité, sous couvert d'anonymat. Sa nomination «devrait pousser les Européens à se mobiliser», estime-t-il. Son nom avait déjà circulé l'année dernière pour le poste d'ambassadeur aux Nations unies. Quand c'est finalement Nikki Haley qui a été choisie, les diplomates ont poussé un «ouf» de soulagement. La nomination de Bolton, comme celle du directeur de la CIA, Mike Pompeo, à la tête de la diplomatie américaine, pose maintenant la question de la marge de manoeuvre dont disposera Nikki Haley. Bolton «pourrait pousser Haley à démanteler des éléments du système des Nations unies», en usant de sa connaissance de l'organisation, ajoute Richard Gowan. Un premier test sera l'accord sur le nucléaire iranien, censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, mais jugé trop faible par le trio Bolton-Pompeo-Haley, et par le président lui-même. Donald Trump a donné jusqu'au 12 mai à ses alliés européens pour le durcir. Mais l'accord est entériné par une résolution du Conseil de sécurité et ardemment défendu par ses autres membres: la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, qui ont signé le texte avec l'Allemagne. Les agissements de Bolton seront observés avec attention par la Russie et la Chine, qui voient dans le retrait américain un moyen de se mettre en avant sur la scène internationale. A la tête des Nations unies, Antonio Guterres a pour sa part fait le deuil de H.R. McMaster. «Le secrétaire général a développé une relation très constructive et positive avec H.R. McMaster, l'ancien conseiller à la sécurité nationale, et il a hâte de prolonger cette relation avec John Bolton», a ainsi commenté son porte-parole Stéphane Dujarric. Les Etats-Unis restent le plus gros soutien financier des Nations unies, allouant 28% du budget prévu pour le maintien de la paix.