L'exemple d'Alep, Daraya et autres avait marqué les esprits et la crainte de se retrouver sous le joug de Fateh al Cham, alias al Nosra, branche syrienne d'El Qaïda, à Idlib, a fait le reste. La grande majorité des forces rebelles présentes dans la Ghouta orientale, en Syrie, a bénéficié de l'évacuation négociée avec les officiers russes, mais il existe encore une poche «irréductible», celle de Jaïch el Islam qui tente de demeurer coûte que coûte dans le réduit de Douma. Cette mouvance refuse de déposer les armes et de quitter les lieux en revendiquant, avec insistance, des pourparlers pour un accord qui lui permettrait d'échapper à l'exode vers Idlib. Contrôlant la zone et ses alentours, ce groupe en appelle aux négociateurs russes pour son maintien, prétextant que discuter d'une sortie de l'enclave est une option inacceptable qui consiste en une forme de «déplacement démographique contraint et forcé». C'est pourquoi, des combats sporadiques ont encore eu lieu en marge des discussions menées par les militaires russes, entre les soldats de l'armée syrienne et les éléments de Jaïch el Islam qui a tiré, comme à son habitude, des obus sur Damas. Argument du groupe extrémiste, «on est censé avoir convenu d'une trêve (à Astana - lors de la délimitation des quatre zones de désescalade), mais le régime continue de nous bombarder sans arrêt». Les officiers russes sont convaincus que le groupe Jaïch el Islam prendra, tout autant que ceux d'Ahrar el Cham et de Faylak el Rahmane, la direction d'Idlib et que, pour cela, le temps lui est compté. Déjà hier, un des négociateurs russes a annoncé que la formation extrémiste était prête à s'incliner, mais l'information a été aussitôt démentie par le chef de Jaïch el Islam, Mohamed Allouche, qui conduit le cercle des irréductibles et parle depuis des mois du «martyre» de ses partisans. Mais il n'a pas nié que les discussions se poursuivent toujours à un rythme soutenu, suggérant qu'en échange du désarmement de son groupe et du déploiement de la police militaire russe, la zone de Douma accueillerait aussitôt le retour des institutions du régime syrien, avec les services de base (eau, électricité), sans que l'armée syrienne elle-même ne puisse y pénétrer. Cette proposition se heurte à des dissensions dans le camp même des rebelles dont beaucoup doutent de sa faisabilité et elle suscite des menaces et des tentatives de sabordage des plus radicaux. Ces derniers ont déjà provoqué sciemment la mort de cinq soldats syriens samedi dernier, pour faire capoter les négociations. Au départ, tous les groupes extrémistes de la Ghouta orientale ne cessaient de proclamer leur détermination à se battre et mourir sur place, écartant toute velléité d'évacuation. L'exemple d'Alep, Daraya et autres avait marqué les esprits et la crainte de se retrouver sous le joug de Fateh al Cham, alias al Nosra, branche syrienne d'El Qaïda, à Idlib, a fait le reste. Mais au final, deux mois après l'offensive de l'armée syrienne, les rebelles du groupe Ahrar al-Cham ont été les premiers à faire volte-face, abandonnant la ville de Harasta, après avoir remis la localité aux forces pro gouvernementales. Vendredi passé, c'était au tour de Faylaq al-Rahmane qui contrôlait les villes de Arbine, Zamalka, Aïn Terma et Jobar, de se résoudre à négocier son départ. Et dimanche, ils étaient plus de 5000 rebelles, avec leurs familles, à quitter le secteur de Arbine pour embarquer à bord des 77 autobus affrétés par le régime syrien pour les emmener à Idlib. Au cours de l'offensive, en février dernier, l'armée syrienne avait coupé la Ghouta en trois parties isolées les unes des autres et c'est grâce à cette manoeuvre que les groupes extrémistes ont été réduits, tour à tour, à accepter les conditions de leur évacuation, tout en s'accusant mutuellement d'avoir favorisé la progression des forces gouvernementales et de leurs alliés, faute d'une stratégie de défense concertée. Pour Jaïch al Islam, le régime syrien a su jouer sur les rivalités des formations extrémistes qui géraient, chacune à sa manière, sa zone d'influence. On se souvient qu'en décembre 2016, à Alep, Jaïch al Islam et le groupe Nourredine Al Zinki proclamaient haut et fort que jamais ils ne quitteraient la ville d'Alep et qu'ils refusent toute idée de discussion aussi bien avec le régime syrien qu'avec les forces russe et iranienne qu'ils «combattront jusqu'à la dernière goutte de sang». Cette belle profession de foi ne dura qu'une dizaine de jours, au bout desquels les milliers de leurs partisans s'entassaient dans les autobus en partance pour Idlib. La grande peur de Jaïch al islam, soutenu fortement par l'Arabie saoudite, est de se retrouver face à face avec Fateh al Islam dont il a éliminé un grand nombre d'éléments dans la Ghouta. Si un repli sur la ville de Deraâ est exclu, les négociateurs russo-syriens pourront sans doute lui concéder un maintien à Douma, une fois délesté de son arsenal et assujetti, bon gré mal gré, à l'autorité de Damas.