Une affaire déroutante met en ébullition le monde diplomatique international. En fait, un épais brouillard entoure l'«affaire Krispal» du nom de l'ex-agent double victime d'un empoisonnement à Salisbury au Royaume-Uni. Curieuse aussi est la réaction à tout le moins excessive des autorités britanniques et surtout la dimension mondiale donnée à un fait, douloureux certes, qui aurait dû rester dans les limites des milliers d'affaires similaires qui se déroulent chaque jour dans le monde. Dès lors, on n'est pas loin de penser que l'affaire Skripal ait été intrumentalisée pour des objectifs autres que la recherche de la vérité. Sinon, comment comprendre un bras de fer inusité pouvant aboutir à un conflit - qui pourrait être mondial - pour un fait divers? Or, ce qui frappe dans les accusations britanniques contre la Russie est l'absence de preuves alors que l'argument selon lequel «la responsabilité de la Russie est la seule plausible» est par trop manichéen pour être sérieusement pris en compte. C'est simplement illogique! D'autant plus que l'enquête policière ne fait que débuter et personne ne pouvait donc avancer des certitudes que rien ne vient étayer. Les Britanniques nous disent: «Croyez-nous sur parole.» Et comment! Non-dits, contradictions foisonnent dans ce mauvais scénario d'espionnage où tout est bancal et rien ne tient la route. D'abord, le black-out imposé autour de l'ex-agent double Sergei Skripal et de sa fille Ioulia. Ensuite, pour qu'il y ait homicide il fallait qu'il y ait crime. Où sont les cadavres? Or, à en croire les autorités de Londres - qui refusent que la Russie participe à l'enquête, ce qui aurait été logique si les Britanniques étaient de bonne foi - les deux patients seraient dans «un état critique, mais stable». Donc toujours vivantes. Dès lors, la question se pose: ces deux personnes ont-elles été réellement victimes d'un agent innervant mortel, présenté par Londres comme étant du Novitchok? Comment les Britanniques pouvaient-ils affirmer aussi rapidement la nature de cet agent innervant dangereux, s'ils n'en connaissaient pas la formule? Si oui, les Britanniques pouvaient le fabriquer eux-mêmes. En effet, alors que l'enquête est en cours, les autorités politiques de Grande-Bretagne ont déterminé avec «exactitude» qu'il s'agissait de Novitchok, que Moscou affirme avoir été détruit (par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) dans les années 1980. Ce qui étonne est le peu d'arguments apportés par Londres à ses accusations. D'autre part, faut-il prendre les Russes pour des débiles ou des niais pour qu'ils se lancent dans une aventure aussi invraisemblable? Or, l'Occident unanime persiste et signe, le seul «responsable possible» ne peut être que Moscou. Ainsi, la Russie commettrait un «crime» en laissant sur place sa signature. Un peu comme les «attentats» terroristes de ces dernières années où les «terroristes» laissaient derrière eux des cartes d'identité, empreintes digitales et tout ce qui permettait de faciliter la tâche des enquêteurs (cf; les attentats de New York du 11 septembre 2001, les attentats de Paris contre Charlie hebdo et le Stade de France en 2015 pour ne citer que ces spécimens]. Que dire du revirement du président français Emmanuel Macron qui, à propos de l'affaire Skripal, affirmait le matin que le dossier n'était «étayé par aucune preuve» pour dénoncer le soir les «comportements russes irresponsables». Il fallait le faire. C'est dire tout le sérieux de cette affaire qui, de fait, n'est qu'un prétexte pour revenir à la norme de Guerre froide, qui pourrait évoluer en guerre mondiale. Mais les Occidentaux ont-ils encore du crédit après les mensonges sur les armes de destruction massive (ADM) que l'Irak aurait détenues? Qui peut oublier le cinéma du chef de la diplomatie américaine de l'époque, Colin Powell qui, brandissait théâtralement une fiole, convainquant le monde d'une chose qui n'existait pas: les ADM irakiens. Plus tard - trop tard pour le peuple irakien martyrisé et l'Irak détruite - Powell avouait que tout cela était faux et qu'il a été induit en erreur par ceux qui voulaient (à tout prix) la guerre contre l'Irak. C'est encore Tony Blair, l'ex-Premier ministre britannique, qui proféra les mensonges les plus éhontés sur l'Irak, avouant plus tard que tout ça était faux. Aussi, la «solidarité» de 26 pays occidentaux avec le Royaume-Uni - qui ont expulsé plus d'une centaine de diplomates russes - est tellement démesurée, que rien ne justifie, s'inscrit en réalité dans la recherche d'un rééquilibrage, en faveur du bloc occidental, du rapport des forces prévalant. Placé sur ce terrain, plus explicite, l'affaire Skripal - prétexte surfait, mais idoine - devient un peu plus lisible, moins tortueuse. Par intimidation et chantage, l'Occident veut imposer à la Russie sa prépondérance et la contraindre à rentrer dans les rangs. Le jeu n'est-il pas quelque peu pipé et l'art de la guerre dévoyé?