Une riposte graduée selon le Kremlin Les 60 diplomates américains expulsés (58 de l'ambassade et deux du consulat général des Etats-Unis, à Ekaterinbourg, dans l'Oural) «ont été déclarés 'personae non gratae'' pour leurs activités incompatibles avec leur statut diplomatique» et ont sept jours pour quitter la Russie... Une semaine après la série de mesures d'expulsion de diplomates russes, annoncées avec tambour et trompette par le Royaume-Uni, les Etats-Unis et les pays membres de l'Union européenne, les premières mesures de représailles arrêtées par Moscou sont tombées jeudi dernier. L'affaire Skripal, cet agent double russe retrouvé empoisonné avec sa fille et un agent chargé de sa sécurité, à Salisbury, non loin de Londres, n'a donc pas cessé d' affecter sérieusement les relations, déjà tendues, entre la Russie et les pays occidentaux. La réaction de Moscou était prévisible puisque les autorités du Kremlin n'ont pas fait mystère de leur intention de répliquer à ce qu'elles ont considéré comme une attaque coordonnée que les Etats-Unis ont «imposée» à leurs alliés. Ceux-ci avaient, on s'en souvient, placé la barre très haut, avec l'expulsion de 60 diplomates qualifiés d' «espions déclarés» et la fermeture d'un consulat russe à Seattle. Aussi, la déclaration du département d'Etat américain a-t-elle quelque chose de surréaliste quand la porte-parole, Heather Nauert, affirme qu'«il n'y a aucune justification à la réaction russe», avant d'ajouter que les Etats-Unis se réservaient «le droit d'y répondre», en examinant différentes «options». A croire que seuls les Etats-Unis ont la latitude d'expulser 60 diplomates russes sans que la règle de la réciprocité diplomatique ne conduise la Russie à en faire de même! Quant aux «différentes options», elles ne peuvent se soustraire au dit principe, celui-là même qui explique et justifie la décision prévisible de Moscou, tout en présageant d'un chassé-croisé ultérieur. Les ambassadeurs de nombreux pays de l'Union européenne, en particulier ceux des Pays-Bas, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie et de la Pologne, pour ne citer que ceux-là, ont été convoqués hier par le MAE russe pour se voir notifier les mesures réciproques décidées par le Kremlin avec un strict respect du nombre et de la nature des sanctions infligées à la diplomatie russe. C'est ainsi que Moscou a donné un mois au Royaume-Uni pour ramener son personnel diplomatique en Russie au niveau exact de celui des diplomates russes encore en poste sur le territoire britannique. Londres avait expulsé 23 diplomates russes et gelé les relations bilatérales voilà deux semaines. Pour la Russie, il ne s'agit pas de «nouvelle mesure de représailles» mais tout simplement d'une réponse appropriée: «La partie britannique doit, d'ici un mois, par le biais d'une réduction appropriée de son personnel, amener le nombre total de ses employés de l'ambassade britannique à Moscou et des consulats britanniques en Russie au même nombre que les diplomates, personnels techniques et administratifs russes au Royaume-Uni», a précisé, dans son communiqué, la diplomatie russe. Tous les pays visés par ces mesures avaient annoncé, la semaine dernière, l'expulsion de diplomates russes, dans une apparente solidarité avec le Royaume-Uni qui accuse Moscou d'être la source de l'empoisonnement, le 4 mars, de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia. Commentant le cadre de ces décisions, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait tenu à souligner, jeudi soir, qu'il s'agit rigoureusement de «mesures de représailles à l'identique». Plus largement, la Russie qui s'estime injustement mise en cause dans l'affaire Skripal et dénonce une politique de Guerre froide sciemment entretenue par le bloc occidental a rejeté toute responsabilité dans ce nouvel affrontement diplomatique dont tout porte à croire qu'il peut dégénérer en un conflit beaucoup plus alarmant. «Ce n'est pas la Russie qui a engagé une guerre diplomatique (...), ce n'est pas la Russie qui a initié un échange de sanctions ou un échange d'expulsion de diplomates», a argumenté devant les journalistes accrédités le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Les 60 diplomates américains expulsés (58 employés de l'ambassade à Moscou et deux du consulat général des Etats-Unis à Ekaterinbourg, dans l'Oural) «ont été déclarés 'personae non gratae'' pour leurs activités incompatibles avec leur statut diplomatique» et ont sept jours pour quitter la Russie, a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères qui a, en outre, ordonné la fermeture, dès hier, du consulat général des Etats-Unis à Saint-Pétersbourg. Réagissant à la déclaration de la porte-parole du département d'Etat, Mme Heather Nauert, Dmitri Peskov a affirmé: «Nous ne sommes pas d'accord avec cette appréciation....La Russie a été obligée de prendre des mesures de rétorsion en réponse aux actes inamicaux et illégitimes» de Washington. Il a cependant souligné que le président russe Vladimir Poutine «reste partisan du développement de bonnes relations avec tous les pays, y compris les Etats-Unis». En quelques jours, la semaine dernière, les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne, suivis de l'Australie, avaient décidé l'expulsion de plus de 160 diplomates russes, un fait sans précédent même aux heures les plus sombres de la Guerre froide. Sergueï Lavrov en a profité pour inviter les pays occidentaux à «une conversation honnête» avec la Russie tandis que Dmitri Peskov révélait que son pays entend «rétablir la vérité» sur l'affaire Skripal et qu'il a demandé pour cela une convocation du Conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (Oiac) en session extraordinaire devant lequel la Russie entend exiger «une enquête objective et impartiale». Moscou n'est «absolument pas d'accord avec les accusations l'impliquant dans cet incident» de l'ex agent double qui a servi de «prétexte» à une opération qui cache d'autres motivations et d'autres calculs, estime le Kremlin. Depuis plus d'un an, le retour en force de la Russie sur la scène internationale et principalement en Syrie s'est traduit par un net regain de tensions entre les pays occidentaux, d'une part, et le Kremlin accusé de volonté hégémonique, d'autre part. Les premiers sont pour la plupart embrigadés dans la coalition internationale et n'ont d'autre option que celle qui consiste à appuyer la stratégie du Pentagone nourrie par les appétits israéliens. Quant à Moscou, il s'agit de protéger ses intérêts stratégiques dans la région, menacés à la fois par un terrorisme international débridé et par de «savantes» mises en scène sous le vocable passe-partout de forces démocratiques...