Ni les harkis, ni les pieds-noirs, ni les terroristes impliqués dans des crimes de sang ne seront exonérés de leurs crimes. «Seul Dieu peut accorder le pardon général. Cela n'est pas du ressort de l'homme», a lancé jeudi le président de la République aux dizaines de milliers de personnes qui se sont déplacées au stade du 8-Mai 45 pour assister au premier meeting populaire du chef de l'Etat, dans le cadre de sa campagne pour le projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Afin de barrer la route aux spéculations, et elles sont «nombreuses», à en croire l'orateur, il a tenu à assurer, de prime abord, et sans équivoque: «Que les choses soient claires. Il n' y aura pas d'amnistie générale.» En fait c'est la première fois que le Chef de l'Etat aborde cette épineuse question avec autant de «clarté» dans le discours. Il vrai que, depuis sa présentation au peuple de son projet de charte, Bouteflika n'a cessé de réitérer que «les personnes impliquées dans les massacres, les viols, ou la pose d'explosifs dans les lieux publics ainsi que les instigateurs de la fitna ne seront jamais exonérés de leurs actes», mais force et de constater que le chef de l'Etat a beaucoup insisté, dans ses différentes sorties, que «la réconciliation nationale n'est qu'un premier pas dans un long processus qui vise à exterminer les germes de la crise». Il a même affirmé que «nous irons vers une réconciliation générale lorsque les rancunes se tasseront entre les Algériens». Des précisions qui ont amené certains observateurs à évoquer la possibilité d'aller, dans un futur proche ou lointain, vers une amnistie générale. «Il n'existe aucun document ni charte pour l'amnistie. Le peuple sera invité, le cas échéant, à répondre à une seule question. Vous êtes pour ou contre l'amnistie générale?» La responsabilité est tellement lourde que nul ne pourra assumer seul les retombées d'une telle démarche, a fait savoir le président. Concrètement, en écartant le recours à l'amnistie générale, M.Bouteflika a éliminé, de facto bien sûr, le retour de l'ex-FIS sur la scène politique. Mais cela n'est plus un tabou. Le plus important c'est qu'il a scellé définitivement le débat autour du sort des terroristes ayant commis des crimes de sang et de leurs chefs spirituels «qu'ils soient en Algérie ou à l'étranger» Ces derniers seront jugés et condamnés en vertu des lois de la République. Tôt ou tard. Logiquement, cela concerne les hauts dirigeants de l'ex-FIS qui sont à l'étranger. Certains d'entre eux, pour rappel, soutiennent la démarche du président. La précision de l'orateur touche aussi ceux qui ont menti sur leur passé dans le maquis, lesquels seront exemptés peut-être dans un premier temps à la faveur de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le président s'est attaqué jeudi, aux parties qui font «dans la confusion». «La réconciliation nationale ne concerne ni les harkis, ni les pieds-noirs. Je suis qui pour me permettre une telle décision?» s'est-il interrogé. A ceux qui veulent faire de la réconciliation «un fonds de commerce», il balaie d'un revers de main le recours à l'amnistie fiscale. «Moi je parle de paix et eux parlent d'amnistie fiscale. Moi je suis contre l'amnistie fiscale». L'occasion aussi pour tirer à boulets rouges sur ces parties qui discréditent son projet dans leurs réunions et devant des chaînes de télévision étrangères. Critiquant les alliances contre nature qui ont vu le jour au lendemain du 14 août, il a dans ce sens affirmé que la solution à la crise se trouve en Algérie «ni à Sant'Egidio, ni à Sidi Abou» Bouteflika qui «au nom du peuple a tendu sa main, blanche sans aucune rancune», a défini sa charte, devant une assistance, composée essentiellement de jeunes, comme étant un projet «plus précis, plus vaste et plus clément» que la loi sur la concorde civile. «Il propose des solutions aux problèmes que vit le pays en prenant en considération la volonté du peuple», affirmant que «toutes les tutelles sur le peuple ont été levées. Il est souverain et a le droit de voter et choisir en toute liberté.» Même s'il n' a pas caché son voeu de voir son projet plébiscité par la majorité des électeurs. Revenant sur les résultats de la loi sur la concorde civile, l'orateur a souligné que l'Etat a récupéré 6000 des 12.000 armes détournées aux maquis. Il est nécessaire, dans sa conception de renforcer ses fruits, car, a-t-il poursuivi , «il est impossible que perdure la haine entre les enfants d´une même nation», comme il est impossible d'incriminer les familles des terroristes pour les crimes qu'elles n'ont pas commis. «Ceux qui ont été touchés par la crise sont issus de nous et nous leur appartenons, il est important de traiter cette question en toute clémence, générosité, foi et civisme afin de dépasser la crise...» Concernant le dossier des disparus, il a reconnu la complexité du sujet. Après avoir relevé la difficulté de distinguer, «parmi les disparus, ceux qui ont quitté le pays, ceux qui sont dans les maquis et ceux qui sont morts», le président Bouteflika a souligné l´importance de traiter ce dossier avec délicatesse. Et pour la première fois aussi, il a assuré que «la loi sera sévère avec tous ceux qui se sont rendu responsables de dépassements». Ce qui s'interprète comme un signe positif à l'adresse des familles des disparus. Ces dernières étant également des victimes «de la tragédie nationale.» D´autre part, il a rendu hommage aux forces de l´ordre, à l´Armée nationale populaire (ANP) et à tous les citoyens «honnêtes grâce à qui l´Algérie est restée debout». Le président s'est attaqué aux «extrémistes» quelle que soit leur tendance: «islamistes ou laïcs».