Novembre 2003, plus de 40 ans après le déclenchement de la Guerre de Libération nationale, des descendants de harkis et de pieds-noirs se préparent à déposer plainte contre Pierre Mesmer, ministre des Armées à la fin de la Révolution algérienne. «Il a forcément des comptes à rendre, au même titre que Louis Joxe. Ils auraient pu sauver des vies. C'est pire que la non-assistance à personne en danger, car ils ont empêché le sauvetage de tous ces gens», déclarent les plaignants. Des associations de rapatriés rappellent régulièrement que des dizaines de milliers de harkis et de pieds-noirs ont été tués. S'adressant à notre rédaction, Emmanuel Altit, avocat des plaignants déclare que «cette plainte émane d'épouses et d'enfants de harkis». Les familles des victimes reprochent à l'ancien ministre de n'avoir pu prévenir et empêcher des crimes contre l'humanité. «Depuis quelques jours, notre démarche est devenue publique et nous recevons des documents et des archives d'autres personnes. Finale-ment, nous saisirons la justice la semaine prochaine» poursuit Me Altit. Il s'agit, pour l'instant, de seulement quatre personnes qui comptent attaquer l'ancien ministre. On note que la plainte concerne une période précise allant de mars à juillet 1962, les quelques mois faisant le lien entre la signature des accords d'Evian marquant la fin de la Révolution algérienne et l'Indépendance officielle du pays. Durant cette période, nous déclare Me Altit, l'Algérie est encore française. Or sur le sol de la République, près de 100.000 harkis ont été tués ainsi que des membres de leurs familles. «Près de 20.000 pieds-noirs disparaissent. Des soldats, des gendarmes et des policiers français sont présents et n'interviennent pas... Par des PV de police, nous avons la preuve qu'on savait où se trouvaient des personnes enlevées et rien n'a été fait», s'emporte l'avocat. Mais la question reste posée : que veulent les descendants de victimes? La première constatation est la revendication du crime contre l'humanité. Certains, d'entre les plaignants, évoquent même le délit de la purification ethnique à l'égard des pieds-noirs. Ce dépôt de plainte n'est pas une première. L'an dernier, une procédure pour crime contre l'humanité, visant l'Etat français et émise contre X, a été lancée. «Notre objectif est la Cour européenne des droits de l'Homme, car nous ne nous faisons aucune illusion vis-à-vis de la justice française», conclut l'avocat.