La déclaration du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, sur le «droit» d'Israël à son «Etat-nation» ne constitue pas une surprise. Elle entre de plain-pied avec la politique inaugurée par le roi Salmane Al Saoud depuis son avènement à la tête du Royaume wahhabite. Les bruits circulant ces derniers mois sur le rapprochement entre Riyadh et Tel-Aviv semblent ainsi avoir un début de confirmation. De fait, le prince héritier saoudien reprend à son compte et dans les mêmes termes l'antienne occidentale du «droit» d'Israël à son «Etat-nation». Or, a contrario, la question de l'existence d'Israël ne se pose pas de cette manière, mais bien par rapport au droit de la Palestine à son Etat-nation. Le contentieux est à ce niveau, pas plus, pas moins. Ce ne sont pas les Palestiniens - plus généralement les Arabes - qui s'opposent à l'existence d'Israël, mais ce dernier qui ne veut vivre en paix avec les Palestiniens et s'oppose à l'existence à ses côtés de leur Etat indépendant. C'est cela le noeud gordien du problème. Mohammed ben Salmane le «moderniste» (selon les médias occidentaux) ne fait que caresser dans le sens du poil l'Occident et dire ce qu'il veut entendre. Le prince héritier aurait eu beaucoup à gagner en écoutant ou en réécoutant les propos d'un ministre israélien, Beny Elon, qui assurait il y a quelques années: «Notre job, c'est de nous assurer qu'un Etat palestinien, qui représente par de nombreux aspects un danger pour Israël, ne soit pas créé.» Netanyahu et les leaders actuels du pouvoir en Israël ne disent pas autre chose. Dans ce contexte, un «Etat-nation» est perçu par Israël comme un «Etat-juif», ce qui exclut les citoyens israéliens (arabes chrétiens et musulmans) qui ne seront dans un tel Etat que des personnes de seconde zone n'ayant pas les mêmes droits que les juifs. En fait, ceux qui appellent à un tel Etat ne font que cautionner l'apartheid qu'impose (déjà) Israël à ceux qui ne partagent pas sa religion. En fait, l'enjeu est ailleurs pour l'Arabie saoudite, prête à s'allier avec le diable pour neutraliser son présumé ennemi numéro un: l'Iran. C'est connu, la maxime «l'ennemi de mon ennemi est mon ami» trouve toute sa signification dans le rapprochement inédit entre l'Arabie saoudite et Israël. Pas que l'Iran en fait. En 2014, Israël et l'Arabie saoudite ont exprimé les mêmes griefs à l'encontre des Etats-Unis qui n'ont pas concrétisé leurs menaces de frappes contre la Syrie. En outre, l'Etat hébreu et Riyadh avaient très mal pris, à l'époque de la présidence Obama, l'apaisement intervenu dans les relations entre Washington et Téhéran. Cette convergence entre les sionistes et les Saoudiens est plutôt bizarre et détonante eu égard aux réactions courroucées des uns et des autres. En fait, l'acharnement d'Israël - par Américains interposés - à vouloir frapper les sites nucléaires iraniens n'a d'égale que la haine que les Saoudiens vouent à Téhéran, lui contestant son leadership sur le Moyen-Orient. Il n'est donc pas surprenant que Mohammed ben Salmane endosse cette imposture du «droit» d'Israël - seule puissance nucléaire de la région moyen-orientale - à son «Etat-nation» alors que c'est de la Palestine qu'il est question. De fait, afin de nuancer ou d'atténuer les propos de son fils, le roi Salmane Al Saoud a réaffirmé mardi «son soutien au droit des Palestiniens d'avoir un Etat». Cela ne change en rien le fond du problème qui est et reste la création de l'Etat palestinien: or par l'expansion des colonies, par son occupation militaire de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, par le blocus inhumain imposé à la bande de Ghaza - depuis 11 ans - Israël refuse de fait à ses côtés un Etat palestinien. C'est celle-là la réalité. Ce ne sont pas les Palestiniens - encore moins les Arabes qui ont présenté maints plans de paix uniment rejetés par Israël - qui s'opposent à l'existence d'Israël, c'est Israël qui s'oppose à l'existence de la Palestine. Pas plus, pas moins!