Depuis l'émergence du conflit avec Israël en 1948, un haut responsable arabe reconnaît le "droit" à un Etat-nation à l'Etat hébreu, qualifié jusque-là d'entité sioniste. C'est un changement radical dans les positions arabes sur cette question. Les Israéliens ont le "droit" d'avoir leur propre Etat-nation comme les Palestiniens, a estimé le prince héritier d'Arabie Saoudite, dans un entretien publié lundi par la revue américaine The Atlantic et réalisé au cours de sa longue tournée aux Etats-Unis, qui se poursuit encore. Mohammed ben Salmane, qui a assuré n'avoir "aucune objection" religieuse quant à l'existence de l'Etat d'Israël, a ajouté : "Je crois que chaque peuple, où que ce soit, a le droit de vivre dans sa nation pacifique. Je crois que les Palestiniens et les Israéliens ont le droit d'avoir leur propre terre". Le prince héritier saoudien a également souligné : "Mais nous devons avoir un accord de paix pour assurer la stabilité de chacun et avoir des relations normales". En d'autres termes, il veut une normalisation avec l'Etat hébreu, mais reste à savoir à quel prix et qui devra le payer ? Reste à savoir quelle sera la réaction des Palestiniens, qui rejettent désormais toute médiation américaine depuis que Donald Trump a annoncé le 6 décembre dernier la reconnaissance par les Etats-Unis d'al-Qods comme capitale de l'Etat hébreu ? Ceci étant, cette déclaration pour le moins surprenante, qui intervient à quelques jours seulement du Sommet de la Ligue arabe, qu'accueillera l'Arabie Saoudite le 15 avril, est qualifiée par certains analystes de nouveau signe de rapprochement avec Israël. Il n'en demeure pas moins que le fait est là et constitue une première dans le monde arabo-musulman, dont les positions vis-à-vis d'Israël n'ont que rarement varié. Faut-il s'attendre à sommet bouillonnant de la Ligue arabe ? Il ne fait aucun doute que ce sujet sera un point central de ce rendez-vous, en cette période où le processus de négociations entre Palestiniens et Israéliens est totalement à l'arrêt. Certes, Mohamed Ben Salmane n'est officiellement que le prince héritier du royaume d'Arabie Saoudite, mais dans les faits c'est lui qui détient les clés du pouvoir à Riyad comme l'attestent les nombreuses opérations qu'il a lancées dans le pays, dont l'incarcération pendant plusieurs semaines de nombreux émirs pour corruption. Pour le prince héritier saoudien les seules "inquiétudes religieuses" des Saoudiens concernent le sort de l'esplanade des mosquées à al-Qods, annexée par Israël, qui est le troisième Lieu-saint de l'islam, et "les droits des Palestiniens". Affirmatif, il dira : "Notre pays n'a pas de problèmes avec les Juifs." Sur sa lancée, il ajoutera : "Israël est une grande économie, en pleine croissance", "et bien sûr il y a beaucoup d'intérêts que nous partageons avec Israël", tout en réitérant ses attaques contre le numéro un iranien, le guide suprême Ali Khamenei, dont il compare les ambitions territoriales à celles d'Adolf Hitler au temps du nazisme. Pour contrecarrer Téhéran, Mohamed Ben Salmane donne l'impression d'être disposé à s'allier avec Israël. Et c'est sur ce rapprochement, jadis improbable, entre Israéliens et Saoudiens que semble miser Donald Trump pour redessiner les équilibres régionaux. Le président US s'est, par ailleurs, entretenu au téléphone avec le roi d'Arabie Saoudite, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, sur la nécessité pour la communauté internationale de faire avancer le processus de paix au Moyen-Orient, a rapporté hier l'agence de presse officielle saoudienne SPA. Merzak Tigrine