Pour attaquer l'Irak, le président Bush avait aussi agité la «menace» des armes chimiques Lorsqu'il y eut l'attaque présumée de Khan Cheikhoun, en avril 2017, le président américain Donald Trump était encore nouveau venu à la Maison-Blanche et il se devait de démontrer à l'opinion américaine et internationale sa détermination à jouer son rôle de leader. Malgré les démentis catégoriques de la Syrie et de la Russie, les pays occidentaux et à leur tête les Etats-Unis maintiennent les accusations selon lesquelles Damas aurait utilisé des armes chimiques lors de son offensive, la semaine dernière, dans la Ghouta orientale, contre le dernier groupe extrémiste présent à Douma, Jaïch al Islam. Un affrontement homérique se déroule d'ailleurs depuis quarante-huit heures au siège des Nations unies où le même bloc occidental tente d'imposer une résolution condamnant le régime syrien sans même attendre d'avoir des preuves «irréfutables» de sa présumée implication dans l'usage de ces armes chimiques. Moscou a beau clamer que ses enquêteurs n'ont trouvé trace ni des «victimes» autour desquelles deux ONG aux allégeances évidentes ont mené un tapage médiatique forcené, ni des substances évoquées par les accusateurs, rien n'y fait. Pour Washington et ses alliés britannique et français, le gouvernement du président Bachar al Assad est non seulement «à l'origine de ces frappes» mais il «pourrait être en train de développer de nouvelles armes chimiques». Une situation et des arguments qui renvoient à la fable du loup et de l'agneau, surtout que l'engagement militaire de ces pays en Syrie, sous prétexte de combattre le terrorisme alors incarné par le groupe Etat islamique, ne trouve plus matière à justification, mettant en lumière un interventionnisme qui rappelle l'époque de la canonnière au service de la colonisation. On comprend pourquoi il y a eu, lundi dernier, au Conseil de sécurité de l'ONU, une violente opposition entre, d'un côté, ces pays qui soutiennent ouvertement des groupes extrémistes connus pour leurs attaches terroristes dans la région et parfois au-delà, comme c'est le cas de Fateh al Cham, ex Al Nosra, branche syrienne d'El Qaïda, et de l'autre la Russie. Celle-ci s'est heurtée à la volonté des Occidentaux d'imposer une résolution condamnant la Syrie et écartant sa proposition d'une enquête à la fois minutieuse et indépendante. Pour les Etats-Unis et leurs alliés, la Russie est «coupable» de protéger Damas à tout prix et, par-là même, de ne «pas se montrer à la hauteur de ses engagements», allusion à l'accord de 2013 entre le Kremlin et l'administration Obama pour l'élimination des stocks chimiques du gouvernement syrien. Lesquels ont été détruits sous la surveillance de l'Organisation internationale de lutte contre les armes chimiques (Oiac). Lorsqu'il y eut l'attaque présumée de Khan Cheikhoun, en avril 2017, le président américain Donald Trump était encore nouveau venu à la Maison-Blanche et il se devait de démontrer à l'opinion américaine et internationale sa détermination à jouer son rôle de chef de la superpuissance en ordonnant des frappes contre la base aérienne d'al Chaayrat. 59 missiles Tomahawk étaient alors tombés sur cette base en guise de représailles, rien que pour prouver que Trump, à peine élu, était capable de réagir à son premier test de politique étrangère tout en se démarquant de son prédécesseur qu'il n'avait cessé de critiquer. Mais en avril 2018, la donne est différente et le président américain a sans doute mis un bémol à son entrain de jadis, une fois la température prise des multiples défis auxquels il s'est vu confronté. La Syrie en fait partie et Trump, après avoir annoncé et répété que les troupes américaines n'ont plus rien à y faire puisque Daesh est vaincu, doit tenir compte des réserves du Pentagone et de ses alliés, notamment la France, dont les intérêts vont bien au-delà du seul combat contre le groupe Etat islamique. Et du fait que Washington partage leur objectif qui vise un changement de régime en Syrie, l'agitation autour des présumées attaques chimiques prend tout son sens dont les premiers bénéficiaires seraient précisément ces groupes extrémistes, également vaincus et rassemblés à Idlib, qui retrouvent dans cette affaire une certaine «virginité». Sauf que la donne induite par l'offensive de la Turquie contre les alliés kurdes au nord de la Syrie, pour lesquels le président français Emmanuel Macron a donné de la voix et sommé son homologue turc, le président Erdogan, de réfréner ses ardeurs en oubliant Manbij, complique davantage la situation et multiplie les risques aux yeux de la Maison-Blanche. Celle-ci redoute, par-dessus tout, de s'embourber à nouveau au Moyen-Orient et d'y être brutalement confrontée à une riposte de la Russie, en cas de geste hostile. D'où une prudence tactique qui n'apparaît pas forcément dans l'escalade verbale de ces dernières heures.