Des milliers de Syriens ont fêté hier la victoire, à la Ghouta La crise syrienne s'est avérée être le dernier bourbier dans lequel l'Occident, sa civilisation, ses valeurs et sa puissance se sont heurtés à une réalité incontournable: la Russie a retrouvé sa position de puissance d'équilibre géostratégique. La dernière confrontation verbale et diplomatique et qui a connu une petite escalade après les frappes négociées de la triade guerrière, confirme définitivement un fait qui a commencé à prendre forme avec les «révolutions colorées» dans les anciennes républiques soviétiques soutenues par l'Occident et qui a atteint son paroxysme avec la crise de l'Ukraine et de la Crimée. Depuis, le ton entre l'Occident et Moscou est monté d'un cran, jusqu'à ces deux nouvelles crises relatives à l'empoisonnement de l'ancien agent double Skripal et sa fille et l'implication présumée de la Russie dans l'élection présidentielle américaine. Ce qui est certain, c'est que les Occidentaux ont pris conscience, sinon du début de leur déclin, du moins du début de la fin de leur domination et de leur hégémonie économique et civilisationnelle. La crise syrienne s'est avérée être le dernier bourbier dans lequel l'Occident, sa civilisation, ses valeurs et sa puissance se sont heurtés à une réalité incontournable: la Russie a retrouvé sa position de puissance d'équilibre géostratégique. En d'autres termes, le monde du XXIème siècle est revenu à la situation antérieure à la chute du mur de Berlin, caractérisée par un monde bipolaire sur le plan militaire, mais avec une nouveauté inédite: l'Occident n'a plus le monopole de la puissance économique et ne peut plus dicter les règles de la mondialisation dont il est en train de perdre les leviers. Emmanuel Todd, historien et essayiste français, résume la situation actuelle en ces termes: «Il ne s'est rien passé en Syrie, l'Occident est perdu». Parlant du bloc géopolitique occidental, Emmanuel Todd affirme: «Et puis nous, on fait comme si on était normaux. Mais la vérité, c'est que le monde le plus occidental, les trois démocraties occidentales originelles -la France, l'Angleterre et les Etats-Unis, c'est-à-dire les nations qui ont construit la démocratie- peuvent être considérées comme dans un état de fébrilité absolument incroyable. C'est un monde en crise. [...] La vérité, c'est que dans ces trois démocraties, on est dans une situation d'instabilité et de schizophrénie.» Quant à l'adversaire de l'Occident, Todd en parle aussi en ces termes: «La Russie a un régime que j'appelle démocratie autoritaire. Poutine est élu. Il y a un certain type de contrôle des organes de presse, mais les Russes sont informés. Tout le monde est d'accord sur le fait que les Russes sont favorables à la politique de Poutine. La Russie est un pays qui doit avoir un peu plus de 140 millions d'habitants, c'est-à-dire dix fois moins que le monde dit occidental. C'est un pays qui vient de retrouver un certain type de stabilité et de sécurité sociale.» Todd suggère au-delà des approches morales du puritanisme libéral qui a tendance à imposer ses valeurs comme critères de l'excellence, que les différences qui existent entre les Occidentaux et les Russes, ne se limitent pas aux apparences des modèles politiques qui sont eux-mêmes, les produits de cultures et de structures sociales et d'histoires différentes. Ces différences sont instrumentalisées par la propagande occidentale pour présenter la Russie, son modèle sociopolitique et ses dirigeants comme des monstruosités qui menacent les valeurs et les intérêts occidentaux. D'où l'offensive systématique de l'Occident contre l'espace vital de l'ex-URSS. Si Eltsine était un piètre dirigeant, Poutine a repris les choses en main dès son arrivée au pouvoir et a fait barrage à l'expansionnisme économique et stratégique de l'Occident qui a commencé à piquer la Russie en voulant intégrer l'Ukraine à l'Otan, ce qui équivaudrait à installer les bases militaires hostiles aux frontières même de la Russie. Les fameuses «révolutions colorées» s'inscrivaient dans cette stratégie d'expansion occidentale et que la Russie à tué dans l'oeuf, contrairement aux «printemps arabes» qui ont réussi à déstabiliser la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord et qui auraient pu provoquer l'éclatement et l'atomisation des Etats nationaux encore fragiles. La Libye et la Syrie n'arrivent toujours pas à se relever de ce traumatisme pseudo-révolutionnaire qui risque de les anéantir. Mais face à la Russie, l'Occident a buté contre un mur solide mettant en déroute ses projets de domination et le mettant devant une réalité têtue: la Russie n'est pas seulement une puissance militaire d'équilibre géostratégique mais l'allié d'un projet international qui est en passe de bouleverser les règles de la mondialisation telles qu'édictées par l'Occident capitaliste qui a opté pour un libéralisme débridé et sans limites. Les Brics constituent un conglomérat économico-politique qui représente à lui seul plus de 40% de l'économie mondiale. C'est cette donne et la tendance lourde qu'elle représente qui font peur à l'Occident en déclin et qui le pousse à redoubler de férocité et à faire du mensonge le fondement de sa politique guerrière de ces dernières années.