Javad Zarif à l'écoute de John Kerry, secrétaire d'Etat de Barack Obama Les Européens tentent de convaincre le Congrès américain de ne pas suivre Donald Trump après l'expiration de l'ultimatum de 120 jours lancé vendredi dernier. Réagissant aux menaces récurrentes de Donald Trump, le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a affirmé que son pays reprendra l'enrichissement d'uranium si Washington rompt l'accord sur le nucléaire iranien comme le président Donald Trump menace de le faire. Javad Zarif a déclaré à des journalistes à New York, que l'Iran ne cherchait pas à se doter de la bombe nucléaire, mais que la réponse «probable» de Téhéran à un retrait américain serait une reprise de la production d'uranium enrichi, un élément clé dans la fabrication de l'arme atomique. «L'Amérique n'aurait jamais dû craindre que l'Iran produise une bombe nucléaire, mais nous poursuivrons vigoureusement notre enrichissement d'uranium», a-t-il dit, «si le président Trump se retire officiellement de l'accord» nucléaire. Donald Trump a posé la date du 12 mai comme ultimatum à ses alliés européens pour qu'ils s'entendent avec l'Iran afin de «remédier aux terribles lacunes» du texte de l'accord. Il réclame davantage d'inspections et, surtout, la suppression des limitations dans le temps imposées à Téhéran sur son activité nucléaire, censées expirer en 2025 et 2030. Au moment où la détente semble se confirmer entre Washington et Pyongyang, Trump pousse à la glaciation avec la Russie et l'Iran. Le président américain disposait d'un délai qui a expiré le 12 janvier dernier, pour renouveler la suspension des sanctions contre l'Iran, mais ne l'a finalement pas fait confirmant ainsi le gel des sanctions, tout en lançant un ultimatum de 120 jours aux Européens qui, jusque-là, refusent de remettre en cause l'accord signé en 2015 avec l'Iran. «C'est la dernière chance», a-t-il indiqué dans un communiqué. Il exige un «accord» avec l'Union européenne (UE), médiatrice déterminante sur ce dossier, pour «remédier aux terribles lacunes» du texte signé en 2015. Sinon, «je me retirerai de l'accord», a menacé Donald Trump. En d'autres termes, si, dans les 120 jours, un terrain d'entente en vue de durcir les exigences envers l'Iran n'est pas trouvé, le pacte historique sur le nucléaire iranien serait caduc aux yeux de Washington et du coup pourrait affaiblir l'alliance Etats-Unis-Europe. Déjà fragilisé par les initiatives intempestives de Washington et Londres à propos de l'affaire de l'agent double russe, par le dossier de la crise syrienne et par l'imposition des produits métallurgiques européens, le dossier du nucléaire iranien est de nature à approfondir les dissensions entre les Occidentaux. Pour l'heure les Etats-Unis s'en tiennent à des sanctions économiques ciblées unilatérales et indépendantes du programme nucléaire contre 14 personnes ou entités iraniennes pour des «violations des droits de l'homme», ou en lien avec le programme balistique de Téhéran. Parmi les personnes visées figure notamment, le chef de l'Autorité judiciaire, Sadegh Amoli Larijani, proche du Guide suprême, l'Ayatollah Ali Khamenei. La réaction de l'Iran ne s'est pas fait attendre. Ces sanctions ciblées sont une «action hostile», a réagi le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. «Elles dépassent toutes les lignes rouges du Code de conduite de la communauté internationale». Il a annoncé une «réaction sérieuse de la République islamique». Auparavant, il avait prévenu, sur Twitter, que l'accord signé en 2015 n'était pas «négociable». «La République islamique d'Iran (...) ne prendra aucune mesure au-delà de ses engagements dans le cadre de l'accord nucléaire», a confirmé son ministère dans un communiqué. Ce bras de fer lié à l'accord sur le nucléaire, isole en quelque sorte Washington puisqu'en face, il y a un consensus en faveur du maintien de l'accord tel quel. La Russie, alliée de Téhéran et signataire du texte, a prévenu que si les Etats-Unis se retiraient, ils feraient un «très mauvais calcul».Emmanuel Macron a quant à lui rappelé samedi dernier, le «nécessaire respect par toutes les parties» de l'accord dans une conversation téléphonique avec Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien qui lui demandait de réviser le texte conformément aux nouvelles exigences américaines. L'UE s'est, de son côté, dite «engagée dans la continuation de la mise en oeuvre pleine et effective» du pacte conclu en 2015. Réunis à Bruxelles à la veille de la décision de Donald Trump, les ministres français, allemand et britannique des Affaires étrangères, qui recevaient alors leur homologue iranien, ont également fait bloc en faveur de l'accord. Ils ont toutefois saisi l'occasion pour évoquer le rôle de l'Iran au Moyen-Orient, notamment en Syrie, où Téhéran apporte une aide déterminante au régime de Bachar Al Assad, ainsi qu'au Yémen, où il soutient, du moins par des déclarations politiques, les rebelles houthis. «Il n'y a pas aujourd'hui d'indication qui pourrait laisser un doute sur le bon respect par la partie iranienne de l'accord (...)», a indiqué le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. «Il importe donc aujourd'hui que l'ensemble des parties prenantes respecte cet engagement commun, et en conséquence que nos alliés américains le respectent aussi», a-t-il insisté. «Mais ça ne signifie pas que nous cachions les autres points de désaccord qui existent.» Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, s'est prévalu quant à lui, d'un accord de principe avec son homologue iranien pour entamer un «dialogue» sur le rôle régional de l'Iran. «Nous avons décidé aujourd'hui que nous discuterions sur ces sujets contentieux, en commençant par le Yémen, a-t-il indiqué. Ceci n'a rien à voir avec l'accord nucléaire (...) mais il y a un besoin urgent de le faire.» Pour sauver cet accord, qui risque de semer la discorde entre les Occidentaux, les Européens tentent même de convaincre le Congrès américain de ne pas compromettre sa mise en oeuvre. La «non-certification» annoncée vendredi dernier par Donald Trump, ne signifie pas le retrait américain de l'accord, mais il le fragilise en donnant au Congrès la possibilité de le défaire. Le Congrès aura, en effet, 60 jours pour décider de réimposer ou non des sanctions contre Téhéran. Une intense bataille de lobbying va donc s'engager auprès des parlementaires américains.