Pourtant, dans les autres capitales du monde, l'été est une occasion propice pour le tourisme culturel. C'est la fin de la saison estivale. Alger peut enfin se réveiller de sa violente insolation. L'été était dur. La capitale en a sérieusement souffert, et ses habitants ne sont pas, du reste. La cause est banale dans l'apparence mais importante dans le fond : la disette culturelle est passée par là. De toute la saison estivale, Alger n'a rien vu de spécial. Pourtant, dans les autres capitales du monde, l'été est une occasion propice pour le tourisme culturel. Ailleurs, la saison des grandes canicules est une aubaine, aussi bien pour le secteur du tourisme que pour celui de la culture. C'est en effet, pendant ces trois mois que les salles de spectacle arrondissent leurs recettes. Bien sûr et cela va de soi, la majorité de la population profite de son congé annuel. Justement, en évoquant cette histoire de congé, un fait curieux a attiré notre attention: en circulant à travers les rues d'Alger, on remarque que plusieurs librairies ont fermé leurs portes. Certains libraires semblent ainsi céder à la paresse de la sieste. On nous dira peut-être que l'Algérie souffre de plus en plus du manque de lecteurs, et que le pouvoir d'achat est des plus «érodé», certes, cela est une part de vérité mais ce n'est pas toute la vérité. En faisant un tour à travers les librairies, du moins celles qui demeurent ouvertes, on note quand même une affluence plus ou moins importante. Même cas au niveau des espaces de divertissement. Les salles de spectacle ont baissé rideau et, selon toute vraisemblance, ont mis la clé sous le paillasson. Dans ces espaces, le néant s'est érigé en maître des lieux. Eh oui, il faut bien permettre à la poussière de grignoter les sièges, la scène et les murs. Et les jeunes doivent aussi s'habituer à se morfondre dans l'ennui interminable. Triste sort pour une capitale qui commence à peine à laver le sang qui a coulé, à travers ses ruelles, pendant toute une décennie. Ces jeunes n'ont-ils pas le droit de se défouler au moins une fois par semaine? Certainement, quelques voix sortiront du gosier et diront que le Casif de Sidi Fredj a ouvert ses portes durant toute la saison estivale. Mais là encore, à en croire certains, c'est la déception. En effet, la pléthore de jeunes chanteurs, des chababs et des chabates, qui s'y sont produits, ont gratifié les gradins vides avec leurs interminables jérémiades amoureuses. Ces soirées qui commencent tard dans la nuit (parfois elles ne commencent jamais), et qui se terminent quelques heures plus tard, n'ont fait qu'augmenter le taux de la sinistrose sur l'échelle de l'ennui. Et puis quoi encore? On note, cette année, l'absence du cinébus de l'esplanade de la Grande place. Cela facilitera la tâche pour les uns et apportera moins d'ennuis pour les autres. Pourtant l'année dernière, on a remarqué l'affluence extraordinaire qu'a drainée la projection des films en plein air. Est-ce la décadence d'une tradition qui vient tout juste de sortir de son état embryonnaire? Autre fait à ne pas omettre de cette longue liste, ce sont les bouquinistes qui sont pourchassés. Ces gens qui ont donné un nouveau look à l'esplanade de la Grande poste sont, voilà maintenant plus de dix mois, poussés à vendre à la sauvette. Que reste-t-il à un pays qui pourchasse ceux qui cherchent à promouvoir la culture? Que reste-t-il à un pays qui «persécute» les vendeurs du livre, ce noble et dur métier? La réponse est simple : reste à laisser les portes grandes ouvertes aux hyènes, aux charognards qui cultivent la perfidie et la médiocrité. Qu'à cela n'y tienne, les étrangers arrivent de plus en plus. On devra peut-être penser à ça, avant que la capitale, et le reste du pays avec, ne soit submergée par la nouvelle espèce de rongeurs: ceux qui portent leur estomac dans leur tête.