La grande évasion estivale n'aura vraisemblablement pas lieu cette année pour une bonne majorité d'Algériens pris entre la Coupe du monde de football qui commence et les exigences du mois sacré de Ramadhan qui approche. De deux ou trois longs mois, la période propice aux escapades d'été version 2010 se limitera en effet au seul mois de juillet, avec tous les risques de surprises météorologiques que cette période peut réserver. Et encore, à la condition expresse que l'on ne soit pas un "fou de foot" et que l'on daigne ne pas suivre la Coupe du monde jusqu'à son terme, le 11 juillet. Et entre ceci et cela, c'est sans doute l'économie touristique qui va prendre un coup, les hôteliers et les agences de voyage prédisant déjà une baisse "significative" du nombre d'estivants sur tout le littoral et une diminution "drastique" des déplacements à l'étranger pour les vacances. "Pas beaucoup de place pour les plaisirs de l'été" Mohamed Amine, fonctionnaire et père de 4 enfants, exprime peut-être un sentiment majoritaire en faisant contre mauvaise fortune bon cœur et en prenant d'emblée la chose du bon bout: "Ne pas aller en vacances faute de temps, dit-il, permettrait au moins de soulager le budget familial qui sera mis à rude épreuve durant le Ramadhan et ses lourdes dépenses puis par la rentrée sociale et ses exigences multiples". "Et puis il y a la Coupe du monde en guise de consolation", ajoute-t-il avec un sourire en coin. Il se contentera néanmoins, comme beaucoup d'autres, de petites virées à la plage en fin de semaine, lui qui, d'habitude, passait un mois entier sur le même site touristique en Algérie. Quant à Bahia, ménagère, elle dit avoir déjà engagé une véritable course contre la montre pour pouvoir marier le petit dernier dans les temps. Son engagement vient en tout cas rappeler que les cérémonies nuptiales et leur cortège de soucis et de dépenses constitueront un autre motif de préoccupation durant cet été décidément trop court. "Pas vraiment de place pour les loisirs de l'été pendant les vacances de cette année. J'ai fait coïncider mon congé annuel avec le déroulement de la Coupe du monde puis je me préparerai pour le Ramadhan. Quant à la plage, ça peut attendre, peut-être que j'irai me baigner de nuit...", résume Salim, employé dans une société privée. De son côté, Ali, volontaire convaincu au Croissant-Rouge algérien durant le mois sacré, préfère prendre son congé pendant le Ramadhan qu'il considère, à juste titre, comme une période propice aux bonnes actions. Un programme touristique palliatif Le tourisme local va certainement pâtir de cette nouvelle donne et au ministère concerné, on parle d'un programme intensif visant, pour l'essentiel, l'intensification des services touristiques en soirée pendant le Ramadhan avec la garantie des conditions de sécurité pour les "estivants de la nuit". Les hôtels et les complexes touristiques n'ont pas attendu pour élaborer des programmes adaptés à une saison estivale particulière, à commencer par des réductions "considérables" des tarifs d'hébergement avec des offres spéciales "Coupe du monde", et prévoient de s'organiser de manière tout à fait compatible avec les nécessités du Ramadhan pour ceux qui auront choisi le tourisme au cours de ce mois sacré. Certains hôtels de la zone côtière de la capitale proposent ainsi des prix attractifs (jusqu'à -40 % pendant le Ramadhan), en plus des commodités supplémentaires comme l'installation d'écrans géants pour leur clientèle avide de Coupe du monde. Pour leur part, les agences de voyage commencent à craindre le pire compte tenu de la chute attendu des déplacements des vacanciers à l'intérieur comme vers l'étranger, malgré un bon taux de réservation déjà enregistré pour le mois de juillet et une campagne de promotion sans précédent pour attirer la clientèle, d'habitude si nombreuse. Djahid Bentoumi, propriétaire d'une agence de voyages, fait savoir sans surprise que les destinations préférées des Algériens (Tunisie, Maroc, Turquie, France et pays du Golfe) restent quasiment inchangées, à l'exception notoire de l'Egypte avec un niveau de demande proche de zéro, mais les taux de réservation s'annoncent faibles comparés à ceux des années précédentes. Place au tourisme religieux Bien loin du tourisme spécifiquement estival, le tourisme religieux a connu, l'été 2009, un essor particulier qui se confirme cette année, au grand bonheur des agences de voyage qui ont réussi, par ce biais, à réduire leurs manques à gagner, se réjouit Ahmed Nobli, voyagiste. Il affirme, à ce sujet, que la coïncidence du mois sacré avec les vacances d'été a contraint de nombreux clients à choisir des Lieux saints de l'Islam aux traditionnels sites touristiques. Il reste que le défi s'annonce, estime-t-on, très difficile pour tous les acteurs du tourisme balnéaire qui auront bien du mal à sauver les saisons touristiques des quatre ou cinq prochaines années, tout en préservant le caractère éminemment sacré de Ramadhan.