Le président de la République a évoqué hier la question des harkis «La réconciliation nationale n´est pas une décision dictée d´en haut, elle traduit les aspirations profondes des victimes de la tragédie nationale.» Jeudi, et à partir de la capitale de l'Ouest, Oran, le président a affirmé, dans une pique à peine voilée contre les parties qui s'opposent à ce projet., que «sans l´implication totale de toutes les victimes de la tragédie nationale dans cette démarche, le fardeau serait très lourd, pour ne pas dire impossible à supporter même pour le président». Autrement dit, rien ne se fera sans cette catégorie «qui a été injustement touchée dans son amour-propre et dans ses droits». Le message est adressé aussi aux «opportunistes» de tout bord. Citant principalement ceux qui sont dans le pouvoir et les institutions de l'Etat qui «se complaisent dans la pêche en eaux troubles pour maintenir le statu quo, car la situation de ni guerre ni paix les arrange parfaitement». C'est dans ce sens que le chef de l'Etat a exhorté les Algériens à se rendre massivement aux urnes le 29 septembre prochain pour «voter en toute conviction soit en faveur ou contre le projet». Assurant que la souveraineté revient au peuple et à lui seul et que «sa volonté sera respectée quel que soit le résultat». Les enjeux sont importants et l'erreur est impardonnable, a laissé savoir l'orateur devant des milliers de personnes venues des sept wilayas, à savoir Oran, Aïn Témouchent, Mascara, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Mostaganem. Pour le président le choix est fait: «Personnellement je crois en la réconciliation nationale», a-t-il lancé. Ce qui n'est un secret pour personne, le président a bien déclaré à partir de Ouargla que son projet est le fruit «d'efforts personnels». Afin de convaincre les plus réticents à voter pour son projet, il n'hésite pas à faire un flash-back pour rappeler les «bienfaits» de la loi sur la concorde civile. Il a indiqué que celle-ci a permis de relancer l´économie nationale, soulignant que «c´est la première fois depuis les années 70 que l´Algérie jouit d´une bonne santé financière, grâce notamment à la stabilité du dinar et à des réserves de change des plus rassurantes.» Bouteflika, qui opte pour le traitement des critiques «par dose», a réitéré à partir d'Oran qu'il n'y aura pas d'amnistie générale: «Ce pas va reconduire le pays aux années 90, ce qui est inacceptable». Concernant le projet de charte, le chef de l´Etat a affirmé qu´il propose aux Algériens «d´être tolérants» et «de pardonner» à ceux qui se sont égarés sous l´influence de ceux qui tenaient un discours islamiste. L'Algérie ne sera pas l'Afghanistan La religion, a expliqué le président Bouteflika, «ce n´est ni le kamis, habit étranger à notre culture ni la barbe ou les cheveux longs», assurant qu´il allait s´opposer, dans le cadre du respect des libertés individuelles, à «ceux qui font de la religion un fonds de commerce». L'Algérie n'est pas et ne pourra être l'Afghanistan. Toutefois, il tend sa main à tous. Il a également exprimé son souhait de voir ceux qui ont été jugés par contumace pour leurs opinions et positions politiques et qui se trouvent actuellement à l´étranger, regagner le pays. «Je sais que ce que je dis ne va pas plaire à certains mais j'affirme, quand même, que ces derniers seront les bienvenus. Et le peuple les accueillera comme il se doit.» Une pensée aussi pour les disparus, ceux enlevés par les forces de sécurité ou par les terroristes. «Ce sont tous des victimes de la tragédie nationale et l'Etat prendra en charge leurs cas.» Par ailleurs, dans le cadre de cette nouvelle conjoncture politicio-sécuritaire, le président insiste aussi sur l'obligation de restituer «leurs droits» aux repentis qui ont déposé les armes le 13 janvier 2002, c'est-à-dire après l'expiration du délai de la loi sur la concorde civile. «Eux aussi sont des Algériens à part entière. Ils seront concernés par l'amnistie.» Par ailleurs, le président Bouteflika a précisé qu´il lui est «impossible» actuellement, en 2005, de demander au peuple algérien plus que ce qui est contenu dans le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il reconnaît néanmoins que c'est un projet «audacieux» qu'il a présenté au peuple pour référendum. Audacieux certes, mais «incontournable», souligne-t-il. Enfin, le président a rendu un vibrant hommage à l'Armée nationale qui a sauvé la «République algérienne». «Des critiques acerbes sont formulées contre ce corps mais paradoxalement, à chaque fois que le pays est en péril c'est vers lui que les regards se portent.» Idem pour les services de sécurité. Répliquant aux critiques formulées à leur égard, il rappelle qu'il n'est pas logique de mettre sur un pied d'égalité « ceux qui ont utilisé la violence contre le pays et ceux qu'il l'on fait pour défendre la République.» Familles des harkis: le mea culpa de l'Etat Omniprésente dans cette campagne pour la réconciliation nationale, la question des harkis a été évoquée par le président de la République. Encore une fois, il a appelé à faire la différence entre les harkis et leurs familles. «Nous avons commis des erreurs à l´encontre des familles et des proches des harkis et nous n´avons pas fait preuve de sagesse. Nous avons suscité en eux un sentiment de haine et de rancoeur, portant ainsi un préjudice au pays», a-t-il précisé. Et d´ajouter: «Une grande partie de la crise qu´a connue le pays est due à cette très grave erreur et aujourd´hui, nous faisons face à une problématique similaire.» Par ailleurs, et s´adressant «aux générations de l´indépendance», le président Bouteflika a tenu à souligner que le colonialisme «nous a privés de notre culture, notre identité, notre religion et notre histoire». Dans ce contexte, il a exhorté les jeunes à se réapproprier leur culture, leur authenticité et à en être fiers, car, a-t-il expliqué, «il n´y a pas de pays de rechange».