Après avoir illustré l'image du saint Youcef dans L'Emigré, dénoncé l'obscurantisme religieux dans Le destin, et attaqué la violence terroriste dans L'Autre, Youcef Chahine, le cinéaste égyptien le plus célèbre de la planète retourne à ses premières amours, en nous offrant sa dernière digression à travers un joyau du cinéma égyptien Silence... on tourne. Distribué en Algérie par la société de Hachemi Zertal, Cirta film, le dernier film de Youcef Chahine devait être présenté en avant-première au Palais de la culture en présence du réalisateur et de la vedette principale du film, la chanteuse tunisienne Latifa Larfaoui. Mais, faute d'un financement judicieux et surtout d'une participation conséquente des pouvoirs publics et des sponsors, le distributeur s'est résigné à ramener le film sans ses vedettes. L'occasion pour les adeptes des films égyptiens et des comédies musicales de renouer avec le cinéma oriental et faire un pont sur l'avalanche de films d'action et de série B balancés à coups de projection DVD et de films vidéo pirates. Dans ce dernier film, Youcef Chahine réalise son oeuvre grâce, une fois n'est pas coutume, à la société étatique du cinéma égyptien Misr Film. Une manière de dire à son public: «Je retourne au bercail». Ainsi, après plusieurs années d'exil cinématographique, Chahine prend conscience que sa véritable place était parmi le peuple et la société égyptienne, celle-là même qui a fait la base et le sujet de réflexion de tous ses films. Le temps qu'il a passé à faire des films pour les intellos européens était révolu et son rôle de dénonciateur des excès de « religiosité » était terminé. Place, maintenant, au vrai cinéma, aux mouvements de caméra, aux plans américains et aux danses du ventre, image chère, propre au cinéma cairote. Dans Silence... on tourne, Chahine aborde, encore une fois, le monde terrible du cinéma comme s'il n'avait pas épuisé toutes les idées sur le sujet, mais retourne à la bonne vieille école du cinéma «misri» qu'est la comédie néo-réaliste musicale. Il tente, à travers l'image floue et artistique de Latifa, belle comme une malika (reine), de renvoyer les clichés du cinéma des années 40, avec l'image encore vivante d'Oum Kaltoum et de Abdelhalim Hafez. Chahine a réussi, et ce n'est pas un secret, à diriger encore une fois une chanteuse comme il l'a si bien fait dans Le retour de l'enfant prodigue avec Magda Erroumi. Dans Silence... on tourne Latifa, dont c'est le premier challenge au cinéma, joue le rôle d'une belle, riche et célèbre chanteuse qui, malgré le succès, est plongée dans une profonde crise conjugale. L'arrivée d'un inconnu va bouleverser sa vie et troubler son entourage. Le cinéaste égyptien pose aussi, à travers ce film, le problème du choc des valeurs, le riche et le pauvre, le vrai et le faux, le beau et le laid. Mais surtout le bon et le mauvais cinéma. Il s'adresse dans ce film à ces faux artistes corrompus et escrocs, qui veulent détruire le labeur de ces hommes qui ont consacré leur vie et leurs idées au cinéma en particulier et à l'art en général. Bref, Silence... on tourne nous impose le respect d'un grand artiste, qui n'a pas encore dit son dernier mot et offert sa dernière image.