Le programme du M5S et de la Ligue prévoit des baisses drastiques d'impôts, l'instauration d'un revenu de citoyenneté, l'abaissement de l'âge de la retraite, mais aussi une fermeté inédite contre la corruption ou encore un tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam. Le président italien Sergio Mattarella a convoqué hier Giuseppe Conte, un juriste proposé par les anti-systèmes pour diriger leur gouvernement d'union mais dont il redoute le manque de poids politique et la crédibilité ternie par un CV enjolivé. Le Mouvement 5 étoiles (M5S, anti-système) et la Ligue (extrême droite) ont accentué la pression ces dernières heures, se disant prêts à retourner aux urnes. Selon les médias italiens, les hésitations du président viennent aussi de la personne pressentie par les deux alliés pour le portefeuille de l'Economie: Paolo Savona, un ancien ministre (1993-1994) de 81 ans considérant l'euro comme une «cage allemande» pour l'Italie. M. Mattarella réclame des garanties sur le respect des engagements européens et internationaux. Et il veut nommer un véritable chef de gouvernement, capable de mener et d'assumer la politique de l'exécutif comme le veut la Constitution. Selon la presse italienne, le président a des doutes sur l'autorité de M. Conte, un juriste discret de 54 ans sans expérience politique, face aux poids-lourds de la Ligue et du M5S qui devraient devenir ses ministres. Or la crédibilité de M. Conte était ternie hier matin par quelques lignes sur plusieurs CV où il évoque des travaux de «perfectionnement juridique» auprès des universités de Yale, La Sorbonne, Cambridge, New York University (NYU) ou encore l'International Kultur Institut de Vienne. Mais la NYU a déclaré n'avoir pas trace de lui, à part une autorisation d'accès à sa bibliothèque. La Duquesne University de Pittsburg, également citée dans le CV, a en revanche confirmé qu'il était passé dans le cadre d'un échange avec son université romaine. Les autres universités interrogées n'ont pas donné de réponse au nom de la confidentialité, mais il n'en a pas fallu plus pour que les commentaires caustiques fusent dans la presse comme sur les réseaux sociaux. Depuis que le M5S et la Ligue ont avancé son nom lundi, M. Conte ne s'est pas exprimé dans les médias. Selon des proches cités par des journaux, il a maintenu avoir mené des recherches dans tous les instituts mentionnés tout en reconnaissant une «légèreté» dans la rédaction de ces CV. «Les médias étrangers et italiens se déchaînent sur des prétendus diplômes que Conte n'a jamais dit avoir!», a réagi le M5S dans un communiqué. «C'est la énième confirmation qu'ils ont vraiment tellement peur de ce gouvernement de changement». «Conte est et reste absolument le candidat du M5S et de la Ligue pour diriger le gouvernement», a insisté Luigi Di Maio, chef de file du M5S. Matteo Salvini, le patron de la Ligue, n'a pas caché son impatience dans une vidéo mardi soir sur Facebook: «Soit on y va et on change les choses, ou alors autant retourner aux urnes et cette fois-ci nous vous demanderons la majorité absolue pour pouvoir agir seuls», a-t-il martelé, alors que son parti est en pleine ascension dans les sondages. Hier toujours, l'incertitude contribuait à la nervosité des marchés financiers, déjà tendus depuis une semaine: à la mi-journée, la Bourse de Milan perdait 1,7% tandis que le spread - l'écart très regardé en Italie entre les taux d'emprunt italien et allemand à 10 ans - dépassait les 190 points (+60 en une semaine). L'inquiétude pointait aussi à Bruxelles, où le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a appelé hier l'Italie à apporter «une réponse crédible» sur sa dette publique, la deuxième plus élevée de la zone euro après la Grèce. «La dette italienne est une question importante pour l'avenir de l'Italie (...). Cela nécessite une réponse crédible et comme amoureux de l'Italie et amis des Italiens, nous devons y être attentifs», a déclaré M. Moscovici, lors d'une conférence de presse. Le programme commun négocié par le M5S et la Ligue promet en effet de tourner le dos à l'austérité et de combler les déficits avec une politique de croissance. Il prévoit des baisses drastiques d'impôts, l'instauration d'un revenu de citoyenneté, l'abaissement de l'âge de la retraite mais aussi une fermeté inédite contre la corruption ou encore un tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam.