Pourquoi donc cette méconnaissance de l'Algérie, alors que les relations bilatérales connaissent un saut qualitatif? Au moment où l'Algérie est en passe de tourner la page d'une décennie sanglante et prépare la nouvelle phase de réconciliation nationale, la perception aux Etats-Unis des développements de la situation en Algérie est loin de refléter le niveau des relations entre les deux pays. Que ce soit au niveau des ONG, de la presse jusqu'au simple citoyen américain, le ton est plutôt à l'étonnement quant à l'épreuve endurée par l'Algérie. Par exemple, rares sont ceux qui savent que la tragédie algérienne s'est soldée par plus de 120.000 morts et que l'Etat algérien n'est pas « islamique » comme le laissait entendre un enseignant de l'université du Texas. Aussi, en apprenant que leur pays avait, il y a quelques années apporté son soutien aux talibans d'Afghanistan, au régime wahhabite qui a enfanté Oussama Ben Laden, auteur des attentats du 11 septembre 2001 dont les Américains viennent de commémorer le quatrième anniversaire, nos interlocuteurs arrivent mal à cacher leur gêne. Celle d'apprendre que leurs ennemis jurés étaient parrainés et entraînés par leur gouvernement. Un haut responsable du département d'Etat reconnaît que «les pays occidentaux ont négligé les mouvements extrémistes; ce terrorisme intellectuel à l'origine du véritable terrorisme». Et à ce responsable de poursuivre: «Nous étions trop passifs et trop indulgents vis-à-vis des groupes extrémistes.» Pourquoi donc cette méconnaissance de l'Algérie alors que les relations entre Alger et Washington connaissent ces dernières années un saut qualitatif, tant sur le plan de la lutte antiterroriste, que celui de la coopération économique? Un haut responsable du département d'Etat affirme d'ailleurs que les Etats-Unis sont actuellement le premier partenaire économique de l'Algérie avec un volume d'échanges annuel de près de 5 milliards de dollars. Ce qui a permis aux Américains de supplanter la France qui a «régné» pendant trois décennies sur les fluctuations de la balance commerciale. Il est donc clair que le manque d'information est à l'origine des clichés colportés aussi bien aux Etats-Unis qu'en Algérie. D'abord parce que les médias américains ne s'intéressent pas tellement à la région du Maghreb, leur centre d'intérêt étant focalisé sur la guerre en Irak, et surtout parce que le travail de nos représentations diplomatiques dans la capitale fédérale n'est pas à la hauteur des relations entre les deux pays. Pour preuve, aucune action de lobbying n'a été mise en oeuvre par l'ambassade d'Algérie aux Etats-Unis. Pourtant, le premier traité d'amitié entre l'Algérie et les Etats-Unis remonte au mois de septembre 1795. Même une ville porte le nom de l'émir Abdelkader, le père de l'Etat algérien moderne. Par ailleurs, la «vente» de l'image de l'Algérie au pays de l'Oncle Sam est en deçà des objectifs escomptés. Côté américain, en plus de la concentration des médias sur le Moyen-Orient, un journaliste du Washington Post, interrogé sur la raison du manque d'information sur l'Algérie, rétorque: «Comment voulez-vous parler aux Américains de pays lointains alors qu'ils ne savent même pas ce qui se passe chez eux.» Ce qu'un ancien journaliste de la chaîne NBC n'a pas hésité à qualifier d'égocentrisme américain. Par ailleurs, des membres de la communauté algérienne, que nous avons rencontrés à Washington DC, se plaignent notamment des obstacles rencontrés auprès de l'ambassade. «Cela tient du miracle si l'on daigne vous recevoir», témoignent nos interlocuteurs, qui parlent de «réunions en catimini» avec des personnalités de haut rang et de grands hommes d'affaires. Avant de poursuivre que «les diplomates algériens ne sont là que pour gérer leurs carrières alors que la conjoncture est tout indiquée pour promouvoir l'image de l'Algérie». Car, comment expliquer que des pays de moindre importance sur l'échiquier géostratégique américain comme la Tunisie, le Maroc et l'Egypte, soient mieux connus par les Américains. Une réalité amère que nous avons constatée sur le terrain, au point où la plupart des Américains n'arrivent pas à distinguer «Algéria» de «Nigeria». Il y a lieu de noter que comme l'image d'un pays ne passe pas seulement par l'action diplomatique mais surtout à travers la culture, le sport, le Maroc a ouvert tout un pavillon à Disney Land pour d'une part, faire la promotion du tourisme et par la même amener le peuple américain à mieux connaître ce pays. En sus bien entendu des centres et des cercles d‘affaires réunissant les hommes d'affaires des pays du Golfe. Pour leur part, les Egyptiens ont investi dans plusieurs créneaux, comme les transports, les services...et l'immobilier. Cela au moment où l'Algérie était censée posséder plus de potentialités pour se faire connaître. En outre, et à propos du sujet d'actualité, à savoir le référendum sur la réconciliation nationale, un autre responsable du département d'Etat qui a préféré requérir l'anonymat a affirmé que «le choix de l'Algérie est celui qui sera fait par le peuple algérien. Un choix que nous suivrons ave rès grand intérêt».