Méconnaissance, connaissance, reconnaissance. Trois mots-clés pour résumer l'histoire des relations algéro-américaines qui remontent à la Régence turque d'Alger. Trois repères qui sont autant de prolégomènes pour mettre en perspective ces relations, à la lumière de l'élection historique de Barack Obama. Sous la colonisation française, Algériens et Américains se rencontrent à la faveur du débarquement allié en Algérie, le 8 novembre 1942. A l'occasion, sous la casquette des marines, les nationalistes algériens perçoivent des libérateurs. Plus tard, la question algérienne jouera un rôle de premier plan dans l'évolution des rapports franco-américains. C'est alors que l'influence américaine pèsera lourd dans le tournant politique majeur du 16 septembre 1959, celui du fameux discours du général de Gaulle sur l'autodétermination du peuple algérien. En 1957, John F. Kennedy, sénateur à l'époque, s'était prononcé en faveur de l'indépendance de l'Algérie. Peu après les accords d'Evian, le premier président algérien est reçu par John F. Kennedy à la Maison-Blanche. Mais, du point de vue de Washington, la symbolique de cette visite est vite ternie par le voyage d'Ahmed Ben Bella à La Havane, juste avant la crise des missiles soviétiques d'octobre 1962. Après l'assassinat de Kennedy, il n'y avait plus grand monde dans les allées du pouvoir à Washington pour mouiller la chemise pour un leader jugé incohérent et inconséquent. Lorsque ce dernier est «redressé» de manière «révolutionnaire», le 19 juin 1965, personne ne s'en est particulièrement ému dans la capitale fédérale américaine. Son successeur, ascète politique ombrageux, représentait, lui, un tout autre défi. Ardent avocat d'un tiers-mondisme offensif, très critique à l'égard de la politique US au Vietnam et au Moyen-Orient, Houari Boumediene n'était pas moins un solide pragmatique qui voulait développer les échanges économiques avec les Etats-Unis. Business is beautiful ! La rupture des relations diplomatiques entre Alger et Washington, à l'initiative du «Palestinien» Boumediene, n'empêchera guère que subsistent des liens économiques, singulièrement à travers la société El Paso qui joue un rôle important dans l'exportation du gaz algérien, notamment par le truchement de l'énigmatique homme d'affaires Messaoud Zeggar qui maintiendra une communication discrète avec les Américains, grâce à ses bonnes relations avec le lobby pétrolier américain et un certain gouverneur du Texas, George Bush senior. Après 1978, la libéralisation toute relative du régime algérien favorisera un timide rapprochement avec les Algériens. Alger, qui jouera un rôle décisif dans la libération des otages américains à Téhéran, en 1980, en sera récompensé d'un geste spectaculaire, sous la forme d'une vente exceptionnelle d'avions gros-porteurs Hercules C 130 destinés à l'ANP et à Sonatrach. Quand la décennie 80 s'achève, l'Algérie est en proie à une mutation tumultueuse vers la démocratie. Les USA sont alors fascinés par cette marche forcée vers la démocratie et par la montée accélérée du mouvement islamiste. La lecture des mutations algériennes sera effectuée essentiellement à travers le prisme des ONG droit-de-l'hommistes, les épisodes du HCE et de la présidence Zeroual étant considérés comme des périodes d'affaiblissement et de stagnation politiques. A l'opposé, 1999 sera une date symbolique dans les relations bilatérales. Elle coïncide évidemment avec l'avènement d'Abdelaziz Bouteflika, perçu comme un «stateman» s'exprimant avec aisance en anglais et soucieux d'ouvrir son pays sur le monde extérieur. Le nouveau président de la République, qui consolidera au cours de ses deux mandats l'image d'un «leader raisonnable», sera reçu deux fois à Washington, avant et après le 11 septembre 2001. Tout un symbole ! L'idée d'un partenariat stratégique avec les Etats-Unis pouvait alors recouvrer une nouvelle pertinence. L'équation pétrole et guerre contre le terrorisme devient la clé de voûte des relations bilatérales. La bataille d'Alger contre le nihilisme terroriste algérien et celle des Etats-Unis contre Al Qaïda ? Même nature, même combat. Avec Barack Obama, les rapports bilatéraux ne risqueraient pas d'être bouleversés. Ils reposeraient encore sur les mêmes fondamentaux. Abdelaziz Bouteflika, à la tête d'une Algérie devenue un «pays certain», serait toujours perçu comme un «leader raisonnable», qui connaît les intérêts stratégiques de son pays et les limites objectives de la politique. Un homme d'Etat au demeurant précieux pour Washington quand il s'agira de jouer davantage les go between entre deux pôles de crise, comme ce fut le cas dans le dossier du nucléaire iranien. Gageons donc que la nouvelle ère Obama sera placée sous le signe de la consolidation tranquille des relations communes. Que l'Algérie demeurera constante dans ses positions sur les deux questions essentielles que sont les droits des Palestiniens à un Etat viable et des Sahraouis à une libre autodétermination. Et que, comme hier, les Etats-Unis, avant longtemps, ne nous vendront pas de l'armement létal de pointe. Enfin, comme dirait un Normand, jusqu'au contraire du contraire. N. K.