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La sortie de piste de M.O'Rourke
AFFAIRE DE LA VIDEO ENREGISTREE DANS LE SIÈGE DE L'UNION EUROPEENNE
Publié dans L'Expression le 05 - 06 - 2018


Un tweet peu diplomatique
L'ambassadeur de l'UE en Algérie serait un très mauvais diplomate s'il s'était simplement appuyé sur le seul discours de Mme Lefèvre pour se faire une opinion sur le fonctionnement de l'Etat algérien.
La désormais affaire de la vidéo attentatoire aux institutions de l'Etat algérien, a pris une tournure problématique avec la «sortie de piste» de l'ambassadeur de l'Union européenne. En effet, contre tout usage, en pareilles circonstances, qui recommande au diplomate un maximum de retenue, puisqu'en la circonstance, il est censé transmettre la protestation d'Alger, sans autre forme de commentaire, M.O'Rourke s'est permis un tweet très peu diplomatique, où il était question de «liberté d'expression» que l'Union européenne respecterait au-delà de tout autre considération. L'ambassadeur de l'UE accrédité à Alger a commis un double tort, a bien lire le communiqué du ministère des Affaires étrangères en rapport avec sa réaction. D'abord, parce qu'il ne lui a pas été demandé de commenter quoi que ce soit.
Ensuite, son commentaire porte sur le fond, alors que sa convocation concernait spécifiquement l'usage par Layla Haddad Lefèvre des symboles de l'UE dans la vidéo, enregistrée dans les locaux de l'institution européenne.
Le tweet de l'ambassadeur est d'autant plus inapproprié que le message de Mme Lefèvre n'est pas nouveau. Elle l'a déjà publié en février dernier. Il a connu une large diffusion, sans que cela n'ait suscité aucune réaction de la part de l'Etat algérien. Le principe de la liberté d'expression étant garantie en Algérie, l'opinion exprimée par la journaliste belge n'a fait l'objet d'aucune censure et encore moins de mesures de coercition de la part d'aucune autorité quelle qu'elle soit. Mme Lefèvre n'a pas été interdite de territoire national et rien de ce qui pourrait se rapprocher, de près ou de loin, à une mesure de restriction de sa liberté de circuler n'a été prise. L'ambassadeur de l'UE en poste à Alger savait-il ces détails? Il serait un très mauvais diplomate, s'il s'était simplement appuyé sur le seul discours de Mme Lefèvre pour se faire une opinion sur le fonctionnement de l'Etat algérien.
Si on lui prêtait un tel niveau de «simplisme» dans l'analyse d'un fait diplomatique, on serait en droit de se poser des questions sur la compétence des hauts fonctionnaires de l'UE. Dans le cas contraire, on est devant une attitude pour le moins «bizarre» et sujette à d'autres interrogations autrement plus sérieuses. Cette posture inédite pour un représentant d'une entité étrangère contrevient donc aux us diplomatiques, lesquels supposent que la réponse ne doit pas venir d'un tweet, mais d'un courrier officiel portant le sceau de la Commission européenne. C'est ce qu'attend le ministère des Affaires étrangères, lequel souligne dans son communiqué que le «tweet de M.O'Rourke n'engage que sa personne et qu'à démarche officielle, l'on est droit de s'attendre à une réponse officielle conformément aux usages et à la pratique diplomatique consacrée». Les délais de réponse de l'UE courent jusqu'à aujourd'hui au moins, compte tenu du fait que la protestation ait été élevée samedi dernier, au moment où l'administration européenne était fermée pour cause de week-end. La réponse que réservera Bruxelles marquera la fin de la polémique ou alors, le début d'une véritable crise entre l'Algérie et l'Union européenne. En effet, on considère au ministère des Affaires étrangère très improbable une réponse autre que celle attendue, autrement, ce serait une ingérence dans les affaires d'un Etat souverain. Que Mme Lefèvre puisse dire ce qu'elle veut de l'Algérie ne pose pas problème, mais qu'elle le fasse avec les armoiries et l'accord de l'Union européenne, cela relèverait d'un précédent grave qui contredit aux règlements des institutions de l'UE. Ceux-ci interdisent à tous les journalistes accrédités d'utiliser le matériel, les locaux de cette institution à des fins autres que la stricte mission pour laquelle ils ont été accrédités. Mme Lefèvre tombe sous le coup de la réglementation, et de ce fait, devra faire l'objet d'une procédure de sanction à son encontre de la part de l'administration de l'UE. L'Algérie n'entend pas aller jusqu'à exiger la tête de la journaliste, mais estime primordial que l'UE s'en désolidarise ouvertement. Cet aspect de l'affaire ne répond pas à la question de savoir comment Mme Lefèvre, avec une carte de presse d'une petite télévision, a réussi son «opération de propagande», jusqu'à tromper la vigilance d'une institution aussi renommée. Jusqu'à quel niveau de complicité a-t-elle bénéficié? Peut-on parler de lobby anti-Algérie au sein de l'UE. Si pour la première question, la réponse n'est pas évidente, pour la seconde par contre, on relève que l'Algérie n'a pas que des amis au sein de l'UE. Pareille «opération», ne se monte pas gratuitement.
Et les motivations de la journaliste ne sont pas seulement politiques. Lorsqu'on sait, et c'est de notoriété publique, que Mme Lefèvre s'est vu refuser par le ministère des Affaires étrangère une subvention de 500.000 euros pour un projet de télévision fantôme, on peut aisément comprendre son mobile. A méditer...


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