Une grande fresque de Lazhar Hakkar Entre peinture sur toile ou sur panneaux, grands, petits ou moyens formats, déclinés entre paysages et portraits intimistes ou semi-abstraits, des gravures très rares et autres perles picturales, cette exposition est à visiter impérativement jusqu'au mois d'août. Le Musée public national d'art moderne et contemporain d'Alger - Mama sis au 25, rue Larbi Ben M'hidi abrite depuis samedi dernier une très belle exposition intitulée «Patrimoine pictural». Elle rassemble une cinquantaine d' oeuvres de 18 artistes dont 10 ont, hélas, disparu aujourd'hui. Des oeuvres inestimables, d'une rare beauté, dont certaines n'ont été vues qu'une fois ou très peu. «De l'image, je voulais avoir accès à la peinture. L'histoire de l'art chez nous n'est pas encore écrite. Il faut historciser la peinture. Quand on parle de patrimoine, on parle de vestiges, d'architecture alors que la peinture devrait rentrer pleinement dans le patrimoine, dans sa forme et son acception les plus ouvertes, il faut que ça rentre dans l'histoire de l'art. Pour marquer ça on se doit d'écrire l'histoire en montrant les oeuvres, en faisant des expos, de la recherche. C'est le concept que j'ai adopté pour mettre en place cette expo. Les collections des musées ne sont pas faites pour être enfermées dans les réserves. Le patrimoine appartient à tous. Il doit être partagé et donné à voir», nous a assuré Nadira Laggoune, directrice du Mama (Musée public national d'art moderne et contemporain d'Alger) samedi lors du vernissage de l'expo «Patrimoine pictural» et de renchérir: «Des expos de la collection du musée ont déjà eu lieu. La première avait rassemblé toutes les oeuvres, en 2014 sous la direction de M. Djehdich, puis une autre, en 2015. Beaucoup d'oeuvres ont été montrées. On est parti du principe de montrer ce qu'on n'a pas encore montré ou qu'on a montré qu'une seule fois et que les gens ont oublié. On s'est retrouvé avec de gros pionniers de la peinture algérienne contemporaine.». A la question de savoir pourquoi ce ne sont que des hommes, Nadira Laggoune fera remarquer que ce sont les oeuvres de donateurs eux-mêmes, taclant un peu la junte féminine qui ne donne pas ou très peu au musée. En tout cas, un passage par le Mama vous est impérativement recommandé pour apprécier ou revoir en vrai ces oeuvres maîtresses de l'histoire picturale de l'Algérie, connaître ses différentes étapes et évolutions et comprendre un peu l'état d'esprit de nos artistes à chaque époque. Des oeuvres que l'on retrouve parfois dans des livres, ou manuels scolaires sont à portée de main! C'est comme la fiction qui devient réalité. On ne pourra pas rester de marbre devant ces trésors dont on ne peut évaluer le coût même, tellement ça dépasserait sans doute notre imagination. Et d'ailleurs, ce n'est que justice faite à ces grands maîtres de la peinture algérienne. «Rien que les oeuvres de M'hamed Issiakhem, je citerai Chaouia, Sans titre et A la mémoire de, ce sont des pièces maîtresses de sa production artistique d'une valeur exceptionnelle. La prochaine exposition que nous allons organiser ce sera peut-être son oeuvre graphique, justement, car il a fait des affiches, des timbres, beaucoup de choses. C'était un artiste prolifique»... Mme Nadira Laggoune fière de cette collection ne tarit pas d'éloges sur nos artistes et d'informations les concernant. «Nous avons aussi d'Issiakhem des croquis qui datent de 1970 et les plus récents de 1980. Mais des peintures d' artistes oubliés comme Mohamed Bouzid, le premier qui a fait le sceau et les armoiries de l'Algérie après l'indépendance. Il a une peinture ici, mais pas n'importe laquelle. Il y a Mohamed Aksouh, à ses côtés, un des premiers peintres algériens de l'avant-garde qui est vieux et vit toujours et est actuellement en France. Cette expo permet de faire connaître son travail... On a un seul Mesli des années 1950, mais aussi du Khadda, Ali Khodja, de grands noms qui appartiennent à la première génération des peintres des années 1920. Mais aussi ceux de la génération des années 1930 avec des artistes qui ont construit des langages esthétiques nouveaux de la peinture algérienne. Il y a Lazhar Hakkar, Salah Hioun qui sont morts. Mohamed Louail aussi. La grande fresque de Hakkar a été vue seulement le jour où il a fait sa rétrospective. C'était juste avant sa mort. C'était la seule fois où elle a été montrée. Il y a d'autres peintures de ceux qui se sont formés avec ces générations citées plus haut, dont Mokrani qui est mort en 2015, Rachid Koraichi, Zoubir Hellal... On n'a plus vu les expos de Koraichi ici depuis 2009. J'ai pris juste une partie pour la montrer parce que son oeuvre est beaucoup plus importante», fera remarquer la directrice du Mama. Très riche et bien instructive, notons que chaque oeuvre de cette expo est accompagnée par la biographie de l'artiste. «C'est didactique. Car c'est important de connaître chaque artiste, parler de sa démarche et savoir qui il est. Ce qu'il a fait». Parmi les autres noms d'artistes que l'on peut retrouver avec exaltation dans cette grande collection du Mama, on relèvera les noms de Djamel Djaballah Bellagh, Moussa Bourdine, Kamel Nezzar, Slimane Ould Mohamed... Entre peinture sur toile ou sur panneaux, grands, petits ou moyens formats, déclinés entre paysages et portraits intimistes ou semi-abstraits, des gravures très rares et autres perles picturales cette exposition haute en couleur et en valeur est à visiter impérativement. C'est un véritable voyage au coeur de l'histoire de la peinture algérienne que vous offre en effet à effectuer le Mama et ce, jusqu'au mois d'août. Et dire que toutes ces oeuvres sont cachées et stockées quelque part, là-haut, dans ce musée qui mérite encore d'être exploité davantage... On n'oserait même pas imaginer combien ça coûterait, s'il venait à être dévalisé... «On va faire des choses autour de cette exposition. Parce que ce sont des grosses pointures qu'on a ici et qu'il ne faut pas rater», avoue Mme Nadira Laggoune, fière de l' accomplissement du travail bien fait. Il y a de quoi!