Arrivée de Kim Jong-Un à Singapour Au-delà de la photo des deux dirigeants réunis, inimaginable il y a quelques mois encore lorsqu'ils étaient engagés dans une inquiétante surenchère verbale, un énorme point d'interrogation pèse sur l'issue de ce tête-à-tête que le monde entier observera à la loupe. Donald Trump et Kim Jong-Un sont arrivés hier à Singapour, à deux jours d'un sommet très attendu, le premier dans l'Histoire entre un président américain en exercice et un dirigeant nord-coréen. L'arsenal nucléaire nord-coréen, qui a valu à Pyongyang une impressionnante série de sanctions de l'ONU au fil des ans, sera au coeur des discussions, dont l'issue s'annonce incertaine après des décennies de tensions entre leurs deux pays. Donald Trump a atterri à Singapour à bord d'un avion d'Air Force One peu avant 20h30 (12h30 GMT). Invité à dire comment il envisage son tête-à-tête inédit de demain, il a seulement répondu «très bien». Le président américain, 71 ans, a été accueilli à sa descente d'avion par le ministre singapourien des Affaires étrangères, Vivian Balakrishnan, comme le dirigeant nord-coréen, de plus de 30 ans son cadet, quelques heures auparavant. Kim Jong-Un, dont les déplacements en dehors de son pays hyper-fermé sont rarissimes, avait joué dans les airs au chat et à la souris avec les médias du monde entier qui traquaient son vol - pas moins de trois avions ont relié dimanche Pyongyang à la cité-Etat du Sud-Est asiatique. Souriant, voire décontracté, sur de rares images retransmises en direct, il a ensuite rencontré le Premier ministre singapourien, Lee Hsien Loong, qui a salué la «décision courageuse et admirable» d'organiser ce sommet. Le comportement du président américain au G7 au Canada, où il a - à la stupeur générale - torpillé d'un tweet rageur l'accord final avec ses alliés, renforce les interrogations sur sa stratégie diplomatique et sa capacité à mener des négociations internationales de haut vol, a fortiori avec un ennemi de longue date. Au-delà de la photo des deux dirigeants réunis, inimaginable il y a quelques mois encore lorsqu'ils étaient engagés dans une inquiétante surenchère verbale, un énorme point d'interrogation pèse sur l'issue de ce tête-à-tête que le monde entier observera à la loupe. Washington réclame une dénucléarisation «complète, vérifiable et irréversible» de la Corée du Nord. Pyongyang s'est déclaré favorable à une dénucléarisation de la péninsule, mais cette formule très vague laisse la place à d'innombrables interprétations. Pour Michael O'Hanlon, de la Brookings Institution à Washington, la seule piste réaliste est un processus «étape par étape», qui s'inscrira nécessairement dans la durée. «Je ne peux imaginer un homme dont le régime affirme depuis de nombreuses années qu'il a besoin de l'arme nucléaire pour assurer sa sécurité y renoncer d'un coup, même avec de fortes contreparties économiques», souligne-t-il. Possible résultat concret évoqué par Washington: un accord de principe pour mettre fin à la guerre de Corée. La guerre de 1950-1953 avait en effet été conclue avec un armistice et non par un traité de paix: Nord et Sud sont donc techniquement toujours en guerre. Avant de quitter le Canada, M. Trump avait une nouvelle fois affiché samedi son optimisme sur cette rencontre dont il espère faire un marqueur de sa présidence. «J'ai l'impression que Kim Jong-Un veut faire quelque chose d'important pour son peuple, et il en a l'opportunité», a-t-il lancé, voyant dans la rencontre «une occasion unique (...) qui ne se représentera jamais». Jeudi, il avait même évoqué une possible invitation du leader nord-coréen à la Maison-Blanche, si le premier contact se passait bien. Ce sommet a pris forme un soir de mars à la Maison-Blanche lorsqu'un émissaire sud-coréen a transmis une invitation de Kim Jong-Un que Donald Trump a acceptée sur-le-champ, à la surprise générale. Si le milliardaire au style iconoclaste se targue d'être un négociateur hors du commun, nombre d'observateurs relèvent qu'il a été beaucoup moins exigeant que ses prédécesseurs, avant de s'asseoir à la même table que Kim Jong-Un. «Les gens parlent d'un sommet historique (...) Mais il est important de garder à l'esprit que ce sommet était possible pour tout président américain qui aurait souhaité le faire et qu'aucun ne l'a souhaité, pour de bonnes raisons», souligne Christopher Hill, ancien négociateur américain sur le dossier.