L'Etat a dépassé ses prévisions de quelque 1 200 milliards de dinars, mais il ne s'agit nullement de dépenses non étudiées. L'Algérie a décidé de recourir au financement non conventionnel pour faire face à l'actuelle crise économique et non pas à l'endettement extérieur. Un choix souverain, comme ne cesse de le répéter le grand argentier du pays. Au 31 mars dernier, le montant des titres émis dans le cadre de ce financement s'est établi à 3 585 milliards de dinars, comme l'a indiqué la Banque d'Algérie dans sa situation mensuelle. Cette émission de titres a été réalisée dans le cadre, faut-il encore le rappeler, de l'article 45 bis de la loi relative à la monnaie et au crédit modifiée et complétée en octobre 2017, qui stipule que «la Banque Algérie procède, à titre exceptionnel et durant une période de cinq années, à l'achat directement auprès du Trésor, de titres émis par celui-ci, à l'effet de participer, notamment à la couverture des besoins de financement du Trésor, au financement de la dette publique interne et au financement du Fonds national d'investissement (FNI)». Il y a lieu de souligner que l'utilisation de cet instrument exceptionnel de financement est accompagné par des mécanismes de contrôle et de surveillance rigoureux afin d'en contenir l'impact sur l'inflation. Les pouvoirs publics avaient d'emblée annoncé les montants qu'ils prévoyaient de tirer pour financer le déficit du Trésor, à savoir 570 milliards de dinars pour boucler l'exercice écoulé, 1 815 milliards de dinars pour celui en cours et enfin 580 milliards pour 2019. Pour l'année 2020, «le Trésor public ne devrait recourir à aucune forme de financement, en raison du faible déficit devant être enregistré» comme l'avait assuré le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya. Un simple calcul permet de constater que l'Etat a dépassé ses prévisions de quelque 1 200 milliards de dinars. Mais il ne s'agit nullement de dépenses non étudiées puisque la loi relative à la monnaie et au crédit note que ce dispositif est mis en oeuvre pour accompagner la réalisation d'un programme de réformes structurelles économiques et budgétaires devant aboutir à l'issue de la période décidée, notamment au rétablissement des équilibres de la trésorerie de l'Etat et de l'équilibre de la balance des paiements. Il y a lieu de préciser que les premiers titres émis ont servi à couvrir la dette publique interne, et ce, en particulier, les titres de l'Emprunt national pour la croissance levé en 2016, les titres du Trésor émis en contrepartie du rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et les titres du Trésor émis au profit de la Sonatrach en compensation du différentiel sur les prix des carburants importés et de l'eau dessalée. Il a aussi été question de permettre au Trésor de doter en ressources le Fonds national d'investissement (FNI), au titre des prises de participation de l'Etat dans des investissements ou de financements à long terme de programmes publics d'investissements. La démesure enregistrée dans le recours au financement non conventionnel a fait l'objet de multiples critiques, notamment celle du Fonds monétaire international (FMI) qui a, dans son dernier rapport, soutenu que les autorités algériennes doivent nécessairement recourir «à un large éventail d'options de financements, notamment l'émission de titres de dette publique au taux du marché, des partenariats publics-privés, des ventes d'actifs et d'emprunts extérieurs pour financer des projets d'investissements bien choisis». L'institution internationale a évoqué un scénario alternatif pour la relance de la croissance en Algérie en suggérant, entre autres, l'arrêt du financement non conventionnel dès cette année. La réponse du gouvernement ne s'est pas fait attendre et le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya a réaffirmé que l'Algérie est un pays «souverain» dans ses choix économiques et financiers non sans préciser que le FMI «veut que l'Algérie aille vers l'emprunt extérieur, mais nous sommes souverains dans notre pays et, en toute objectivité, nous espérons que les résultats du financement non conventionnel seront comme nous l'avons souhaité».