Trump vient de remporter largement la primaire au Nevada. Le candidat ultra-conservateur du camp républicain pour l'élection présidentielle de la 1ère puissance mondiale surprend beaucoup. Au début, on n'y croyait pas et l'on souriait aux extravagances verbales de Donald Trump dans la grande course à l'élection présidentielle américaine qui se déroulera le 8 novembre 2016. Ce milliardaire est le candidat le mieux placé aux élections primaires qu'organise le Parti Républicain, aujourd'hui majoritaire dans le Congrès américain, alors que l'actuel président, Barak Obama est démocrate. Cette compétition qui se déroule Etat par Etat dans la République fédérale, voit s'affronter plus d'une dizaine de candidats. Le même processus se déroule dans l'autre grande formation américaine, le Parti Démocrate. Mais seulement avec trois prétendants. La 1ère constatation est la forte poussée d'un camp ultra-conservateur. Après sa seconde victoire dans le New Hampshire, Donald Trump a largement remporté les primaires en Caroline du Sud. Il a devancé ses principaux rivaux, Marc Rubio, pourtant sénateur de Floride et le Texan Ted Cruz, conservateur évangélique affiché. Il faut d'abord noter que ses trois candidats se situent très nettement à la droite du Parti Républicain. Le centriste Jeb Bush, fils et frère de présidents américain et ancien grand favori des sondages il y a un an, a préféré lâcher la compétition après n'avoir recueilli que 8% des voix lors du scrutin en Caroline. Avec 32,5% des voix lors de ce vote, Donald Trump remporte une victoire écrasante, conquérant tous les comtés de la Caroline, en tête dans toutes les catégories sociales. Qui est donc ce Donald Trump ? C'est un magnat de l'immobilier, âgé de 69 ans. Il bénéficie de l'image positive d'un homme qui a réussi dans les affaires. Fils d'une famille très aisée, il bénéficie aujourd'hui d'une fortune privée évaluée entre 8 et 10 milliards de dollars. En quasi faillite après la crise immobilière de 1990, il a su rebondir rapidement. Car il a un véritable talent dans la communication commerciale. Il a ainsi fait de son nom Trump une véritable marque, meubles Trump, hôtels Trump, casinos Trump, clubs de golf Trump, stations balnéaires Trump, cravates Trump, et même le «Trump steak», la Trump vodka, en passant par la parfumerie Trump. Il a su aussi s'imposer dans les médias, avec le succès d'un programme de télé-réalité, «the apprentice» qui a eu jusqu'à 28 millions de téléspectateurs. Il a également publié des ouvrages aux titres qui rappellent un certain «rêve américain» : «Comment devenir riche» ou «Pensez comme un millionnaire». Même le pape François s'inquiète Quel est son programme ? Plus que très musclé. Le candidat a imposé une nouvelle thématique à ces primaires : les relations des Etats-Unis avec l'Islam. Et en proposant une mesure radicale : l'interdiction de l'entrée du pays aux migrants musulmans ! Rappelons que les Etats-Unis comptent d'ores et déjà 1,8 million de citoyens musulmans adultes, qui doivent se sentir menacés. Et dans la lutte contre le terrorisme djihadiste à l'étranger, il veut réintroduire pour la CIA et ses centres de détention, toujours illégaux au regard du droit international, la torture par la baignoire Ses autres propositions ont ciblé l'immigration clandestine en provenance très principalement des pays d'Amérique du Sud. Il menace ainsi d'expulser 11 millions de migrants illégaux et prône la construction d'un mur à la frontière mexicaine, se faisant même fort de la faire financer par les autorités de ce pays voisin. En cas d'élection de Donald Trump, les relations américano-mexicaines risquent de se tendre un peu. La mesure choque évidemment la communauté hispanique américaine, forte aujourd'hui de 41 millions d'hispanophones, et une dizaine de millions de bilingues : ce qui fait des Etats-Unis, le second pays hispanophone au monde, derrière le Mexique et devant l'Espagne. Les démographes prévoient une communauté hispanique de 60 millions d'individus pour 2020 et 132 millions en 2050. Devant l'avalanche de propositions xénophobes, en anti-migrants, le pape François, argentin de naissance, a déclaré le 18 février, fait exceptionnel, que «celui qui veut construire des murs et non des ponts n'est pas chrétien, ce n'est pas dans l'Evangile». Interrogé sur l'éventuelle construction d'un mur séparant le Mexique et les Etats-Unis, il visait directement Donald Trump. Il est extrêmement rare qu'un chef de l'église catholique s'en prenne directement à un homme politique. Un de ses prédécesseurs, Jean-Paul II qui fut pape de 1978 à 2005, polonais de surcroît, s'est vivement opposé à l'idéologie communiste et par son action, notamment en Pologne, il a favorisé la chute du bloc de l'Est. Mais il n'a jamais pris à partie individuellement tel ou tel dirigeant communiste. «Qu'un leader religieux mette en doute la foi d'une personne est honteux, a protesté Donald Trump dans un communiqué. Je suis fier d'être chrétien». Bien que peu religieux, Donald Trump se définit comme presbytérien et a déjà assuré qu'il collectionnait les Bibles. Face à la critique du pape, il a invoqué Daesh dans son argumentaire ?: «Si le Vatican était attaqué par Isis (Islamic State : Daesh), je peux vous promettre que le pape aurait souhaité et prié pour que Donald Trump soit président. Car cela ne se serait jamais produit.» Donald Trump en a aussi profité pour critiquer le gouvernement mexicain, soupçonné de vouloir «détruire les Etats-Unis», et dénoncé «l'immigration illégale, aujourd'hui si rampante», rapporte Pierre-Wolf Mandroux du journal catholique La Croix. Un programme populiste Donald Trump veut séduire les électeurs en «redonnant tout son sens et sa force au rêve américain». Comment ? Pour l'instant, le programme reste très parcellaire : remise en cause des relations commerciales avec la Chine, législation sur les armes à feu, réforme de l'administration des anciens combattants, réforme fiscale et réforme de l'immigration. Le succès de la candidature Trump trouve peut-être sa raison dans les très grandes inquiétudes actuelles du peuple américain. Après la crise spéculative et financière de 2008/2009, les Etats-Unis, contrairement à l'Europe, a réussi à renouer avec la croissance mais elle reste modeste : 2,4% en 2014 comme en 2015. De plus, sous la présidence de Barak Obama, les écarts de richesse entre Américains riches et pauvres se sont aggravés. Une étude publiée en juillet par l'université de Berkeley montre que le 1% des plus riches Américains a capté 55% de la hausse réelle des revenus entre 1993 et 2014. Les inégalités entre Noirs et Blancs se sont aggravées. La classe moyenne américaine est elle-même menacée : elle voit son poids diminuer rapidement dans les statistiques des revenus. Elle est passée de 54,2% de la population en 1996 à 50,6% en 2012 -dernières statistiques connues. «Et la part du revenu global qui rentre dans sa poche se réduit encore plus vite», nous rapporte La Tribune : en 1996, 48,5% des revenus bénéficiaient aux classes moyennes, ce n'est plus que 43,7% aujourd'hui. La classe dite supérieure s'arroge aujourd'hui 47,3% des revenus, contre 42,3% en 1996. Que propose Donald Trump ? Pour l'instant, sa politique économique reste très vague. Le candidat a, certes, pour accroître son poids dans l'électorat populaire, proposé des hausses d'impôts pour les plus fortunés. Comment ? Cela reste évidemment à être précisé par le milliardaire. Il veut en revanche s'attaquer à tout ce qui pouvait être les «garanties sociales» en entreprise. Il a su également capteer les inquiétudes du peuple américain sur la mondialisation en cours de l'économie internationale : «dans un marché sans frontières pour les marchandises, comment rester compétitif quand, en face de nous, il existe une main-d'œuvre compétitive et payée bien moins chère que nous ?». La question se pose d'autant plus qu'aux Etats-Unis de nombreuses régions ont vu l'arrêt de multiples sites industriels. Ville symbole, Détroit, la capitale mondiale de l'automobile pendant près d'un siècle, s'est muée en suite de banlieues délabrées. La réponse de Donald Trump est simple : il faut du protectionnisme et l'interdiction de certaines importations ou la taxation des produits provenant de l'étranger. Le candidat Trump s'est notamment distingué en se disant favorable à l'instauration d'une taxe de 20% sur les biens importés ainsi qu'à la mise en œuvre d'une taxation de l'ordre de 15% pour les entreprises américaines externalisant leurs activités. En 2011, Trump disait déjà qu'il taxerait à hauteur de 25% les produits chinois s'il était élu président des Etats-Unis, le milliardaire accusant Pékin de manipuler le taux du Yuan pour faciliter ses exportations. Il faut néanmoins rappeler que l'économie des USA tire également un grand profit du taux du dollar et elle prendrait de grands risques sur le statut international de cette monnaie phare en étendant des mesures protectionnistes. Mais la vraie raison de la popularité du milliardaire vient de ses critiques sur les «élites». Dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Valeurs Actuelles, accordé à André Bercoff, Donald Trump estime que l'Amérique a perdu sa grandeur à cause des «incompétents», ces politiques qui prennent des décisions «nulles». Les responsables politiques sont la principale cible de celui qui veut devenir, lui aussi, responsable politique. Quelles chances de succès ? Le journaliste a confié à un proche qu'il avait trouvé le candidat bien plus subtil que ses propos provocateurs le laissaient entendre. Il est certain que David Trump joue beaucoup sur ses provocations isolationnistes et sécuritaires, mais devra en fin de course, composer avec un Congrès qui pourra juguler ses excès. Il n'empêche que les déclarations du candidat Trump et son possible succès à la prochaine élection présidentielle américaine inquiètent beaucoup. Aux USA et dans le monde. La Chine, actuellement en difficulté économique et vivement attaquée par Donald Trump, pourrait prendre ombrage d'une nouvelle stratégie des Etats-Unis. Trump dit souhaiter un dialogue ouvert avec Vladimir Poutine mais dans le même temps il privilégierait des relations avec deux pays de l'est européen violemment anti-russes et dirigés aujourd'hui par des formations d'extrême droite, la Hongrie et la Pologne. L'Union européenne qui entretient avec ces deux Etats membres de l'UE, des rapports tendus, rejette évidemment toute idée de protectionnisme. Dans le vieux continent, à ce jour aucune formation politique majeure n'a apporté un soutien à Donald Trump. Il n'y a par exemple guère en France que le Front National pour appeler de ses vœux le succès de Donald Trump. Robert Ménard, le maire FN de Béziers, a souhaité publiquement une rencontre Marine Le Pen Donald Trump. Aux USA, l'appareil du Parti Républicain américain lui-même s'émeut des records de popularité d'un candidat que cette formation sait qu'elle ne contrôlera pas. Face à lui, le Parti Démocrate présentera certainement Hillary Clinton. Dans cette très grande démocratie américaine qui, la 1ère des pays occidentaux, s'est dotée d'une constitution qui rompait avec le féodalisme, il est assez étonnant de voir quelques grandes familles à la tête du pouvoir. Il y a eu le clan Bush et aujourd'hui Hillary Clinton, épouse de l'ancien président Bill Clinton, se présente comme reine. Dans une population de 327 millions d'habitants, cela laisse l'impression qu'effectivement, les élites s'auto reproduisent en cercles fermés. Hillary Clinton est elle-même rudement contestée dans la primaire démocrate par un candidat très à gauche, le sénateur Bernie Sanders qui, à 74 ans, s'affirme «socialiste». Quasiment une obscénité aux USA. Pour Barack Obama, président démocrate sortant, Donald Trump ne sera pas président, «parce que les Américains savent que, président, c'est un métier sérieux». Espérons-le avec lui. Mais les prochains primaires qui se dérouleront le 1er mars simultanément dans 12 autres Etats américains démentiront peut-être ce pronostic optimiste.