L'aéroport de Roissy n'est pas sécurisé à 100%. Il s'agit là d'un argument théoriquement suffisant pour que la compagnie Air France suspende ses dessertes sur Paris, comme elle l'a fait pour l'aéroport Houari-Boumediene. Samedi, fin de l'an 2001, un mystérieux passager a tenté une opération-suicide à bord d'un avion d'American Airlines, reliant Paris à Miami. Les 197 passagers n'ont dû leur salut qu'à la vigilance et à la présence d'esprit d'une hôtesse de l'air. Cet attentat déjoué vient relancer avec fracas le débat sur la sécurité aérienne commencé au lendemain des attentats du 11 septembre aux USA. Contre toute attente, c'est à l'aéroport de Paris, l'un des plus sécurisés au monde, que «le passager explosif» a embarqué comme une lettre à la poste. L'événement vient rappeler tout simplement que la sécurité à 100% dans les aéroports est une chimère. Il convient aussi de relever que la compagnie aérienne Air France doit théoriquement suspendre ses dessertes sur Paris. L'argument sécuritaire brandi contre l'aéroport d'Alger est-il toujours retenu par cette compagnie? Depuis 1994, Air France a abandonné la ligne Paris-Alger, participant ainsi à un embargo politico-économique imposé à l'Algérie. Dépêché à Alger avant l'arrivée d'Air Lib, M. Pilligrini, expert dans la sécurité des aéroports, a rédigé un rapport très positif sur l'aéroport Houari-Boumediene. Selon cet expert, toutes les conditions requises par les normes internationales en termes de sécurités existent à l'aéroport d'Alger. Aujourd'hui, et après cet attentat avorté, la logique suivante s'impose. S'il s'agissait réellement d'un problème de sécurité, Air France devrait, ou suspendre ses dessertes sur Paris, ou reprendre ses vols sur Alger. Dans les deux aéroports, le risque est apparemment le même. Mais on est vraisemblablement loin de ses solutions de rigueur. La réalité cache une volonté visant d'autres objectifs que la facilité de l'argument sécuritaire. Invoquera-t-on alors la rentabilité économique? La ligne Paris-Alger est très prisée, donc économiquement très rentable. Une compagnie de la trempe d'Air France va-t-elle refuser un marché aussi juteux ? Surtout qu'après les attentats du 11 septembre, la plupart des compagnies aériennes mondiales connaissent des difficultés. Les sollicitations des autorités politiques algériennes ont, à chaque fois, reçu une fin de non-recevoir. Le Président Bouteflika a également abordé le sujet lors de sa visite en France, en juin 2000, mais sans succès ; un secret de Polichinelle, l'affaire Air France et l'aéroport d'Alger demeure le stigmate de l'embargo contre l'Algérie depuis une décennie durant. Ni le sécuritaire ni l'économique ne sont désormais convaincants comme arguments. Y a t-il alors une mafia bleue ou autre groupe de pression si puissant au point de faire fléchir le président Chirac? Sachant que Air France est une entreprise nationale et que le président français a toute latitude d'agir dans le sens du rétablissement de la reprise de la desserte. Durant sa visite à Alger, il a déclaré: «La décision du retour d'Air France ne relève pas du gouvernement, mais elle revient à sa direction.» Le même ton - ou impuissance? - a été observé chez M.Jospin lors de ses interventions à ce sujet. Le groupe d'influence est-il réellement aussi puissant? Qui est derrière lui? Qui sert-il et dans quel intérêt?