L'Afrique du Nord serait en passe de devenir une plaque tournante du narcotrafic international Pour maître Lezzar, une opération de cette envergure «n'a été organisée qu'après avoir sécurisé l'itinéraire...» L'affaire des 701 kg de cocaïne saisie fin mai dernier à bord d'un cargo au port d'Oran continue de défrayer la chronique. La complicité au sein des institutions de contrôle est pointée du doigt par des juristes à propos de cette affaire, dont l'entreprise nécessite une grosse dose de courage et d'audace. «Une opération de cette envergure n'a été organisée qu'après avoir sécurisé l'itinéraire, et ce, au plus haut de la hiérarchie administrative et sécuritaire», a souligné Me Nasreddine Lezzar dans son entretien paru hier sur le journal El Watan. «Le risque est tellement énorme que personne n'oserait s'y aventurer sans avoir assuré ses arrières ou qu'une garantie effective ne lui soit donnée par des cercles puissants siégeant au sein des structures compétentes», fait-on observer. «Comment expliquer une pareille audace d'introduction d'une quantité aussi énorme par des canaux gardés, sécurisés, traversant des barrières censées être bien surveillées, si ce n'est par des assurances fiables données ou acquises auprès des autorités portuaires, douanières et sécuritaires?», s'est-il interrogé. Cette marchandise n'a aucune chance de passer entre les mailles des appareils de détection sophistiqués dont disposent la douane et la police des ports, «sauf par le biais d'une complicité humaine», a-t-il noté. D'autre part, en matière pénale, l'enquête préliminaire est confiée à la police judiciaire de la Gendarmerie nationale, sur instruction du procureur du pôle spécialisé d'Alger, sis au tribunal de Sidi M'hamed. D'après cet avocat, il est inutile de préciser que dans ce genre d'affaires «graves où la Sécurité nationale est en jeu, la décision du juge d'instruction, la première autorité judiciaire indépendante chargée de ce dossier est «substantiellement préparée et son itinéraire est délimité par les services de sécurité et le parquet, disposant de l'opportunité des poursuites et dépendant de ministère de la Justice, donc de l'Exécutif». Par ailleurs, pour Me Lezzar, «il n'y a aucune ressemblance entre cette affaire et celle d'El Khalifa»: «Le groupe Khalifa est parti sur des bases saines, il a injecté de l'argent propre dans un circuit propre, dans des activités d'avant-garde (informatique)créatrice d'emplois: travaux publics, prestations, transport aérien national et international), des activités lucratives (banques, médicaments...), alors que dans le cas de l'affaire d'El Boucher, c'est un trafic de drogue dure enclenché par de l'argent venu d'on ne sait d'où et qui va on ne sait où, en somme un argent sale, destiné et investi dans la pourriture». Kamel Chikhi, un homme très prudent en affaires et près de ses sous, d'après le même avocat d'affaires. Me Lezzar, qui a observé le principal accusé dans l'affaire de cocaïne à l'occasion d'une audience de la vente aux enchères qui s'est déroulée quelques jours avant l'éclatement de cette affaire, soutient que «le présumé accusé dans cette affaire était loin de donner l'image d'un investisseur sûr de lui, qui ne lésinait pas sur les détails». «Il avançait plutôt avec prudence et hésitation, par petites tranches. Il donnait l'image de quelqu'un qui comptait son argent. Il se retira de la course après un montant assez réduit. L'intéressé n'avait ni le profil d'un magnat du foncier ou de l'immobilier ni celui d'un trafiquant de drogue. Il se déplace lui-même aux audiences des ventes aux enchères, alors que quelqu'un de la stature financière qu'on lui prête aurait délégué un émissaire», a-t-il fait remarquer. L'idée qu'il se fait de lui est qu' «il n'est qu'un homme de main, un prête-nom, qui ne peut être à la tête d'une opération de criminalité transnationale». Cette affaire relève de la salissure de l'argent propre, un phénomène pire que le blanchiment d'argent, enregistré dans un pays comme le nôtre, où le contrôle comptable, juridique et fiscal est «approximatif». Dans le cas de la cocaïne, tout porte à croire qu' «un cercle vicieux s'est constitué», est-il indiqué. L'argent tourne entre la spéculation foncière, immobilière et le trafic de drogue sans qu'on connaisse le sens de la rotation, est-il relevé. «On n'est pas devant une affaire qui relève de droit commun. Il s'agit d'un acte de criminalité politique qui vise la déstabilisation du pays», selon Me Lezzar. Pour rappel, le ministre de la Justice, garde des Sceaux était le premier à affirmer que, sans l'ombre d'un doute, un réseau transnational était derrière cette opération de tentative d'introduction de la cocaïne en Algérie, vu notamment la nature et la provenance(Amérique latine) de cette énorme quantité de drogue dure. En tout cas, cette quantité de cocaïne était destinée à l'exportation, du moins en partie, d'après de nombreux observateurs. Sur un autre plan, étant donné les quantités de cocaïne saisies en Algérie et au Maroc, l'Afrique du Nord serait en passe de devenir une plaque tournante du narcotrafic international.