La saisie par les gendarmes de 165 kg de cocaïne pure dans un port sec, à Alger, a fait tache d'huile. Elle serait liée à la prise par les Espagnols de la même quantité de cocaïne, il y a une dizaine de jours. Sont impliqués des Maghrébins vivant en Europe et ayant des liens et des biens en Algérie. L'opération intervient après la saisie, à l'aéroport d'Alger, de 400 kg d'argent transportés dans 46 cabas. La situation reflète l'incapacité des services de contrôle aux frontières de s'adapter aux nouvelles techniques de la criminalité organisée et d'anticiper les courants de fraude et de trafic. La saisie de 165 kg de drogue a provoqué un véritable séisme au sein de l'administration douanière, d'autant qu'elle intervient quelques jours seulement après la prise, à l'aéroport d'Alger, par les services de sécurité, de 400 kg d'argent, transportés par un voyageur dans 46 cabas. Ces affaires suscitent de lourdes interrogations sur le dispositif douanier de contrôle et de prévention. Il est à ce titre important de rappeler qu'une direction du renseignement avait été créée par l'ex-directeur général des Douanes, Sid-Ali Lebib, pour anticiper par la collecte d'informations sur les grands courants de trafic et de contrebande, notamment ceux liés à la drogue et aux armes. Dans cette affaire de cocaïne, cette direction n'a rien vu venir en dépit des nombreux indicateurs. Le premier est que quelques jours seulement avant la prise de cette drogue dure, les autorités espagnoles avaient annoncé avoir saisi la même quantité, c'est-à-dire 165 kg de cocaïne pure latino-américaine, dissimulés dans des conteneurs à destination du port de Cadix, au sud de l'Espagne. Une telle information aurait dû attirer l'attention des douaniers, sachant que les Espagnols avaient, en 2008, déjà alerté les autorités algériennes sur l'implication d'un Algérien, Boumail Ramdane, dans l'affaire de la saisie, au port de Barcelone, de 1160 kg de cocaïne dissimulés dans un navire en provenance du Venezuela. Selon les informations transmises, le même navire se dirigeait vers l'Algérie pour le compte d'une société d'importation de sanitaires en céramique dont le siège est à Mohammadia (Alger). Le nom du mis en cause est, pour les Douanes espagnoles, «très important» ; il est à plusieurs reprises cité dans les enquêtes. Les recherches entreprises en Algérie ont permis de retrouver une grande partie des sanitaires, stockés durant une longue période dans les entrepôts de la société du mis en cause. A l'évidence, les opérations d'importation de sanitaires n'étaient qu'une couverture pour le trafic de drogue. Résidant dans le même quartier, Boumail est une connaissance d'un autre baron de drogue, Saïd «l'émigré», de son vrai nom Ahmed Youssefi Saïd, actuellement en fuite au Maroc. Le dernier, faut-il le rappeler, avait réussi à s'évader d'une prison française après avoir été arrêté pour banditisme. Sous le coup d'une condamnation de 15 ans de prison par contumace, ce narcotrafiquant a rejoint l'Algérie et s'est installé au quartier Mohammadia où il a érigé un empire financier en moins de cinq ans. Son parcours ressemble étrangement à celui de Boumail. Les deux ont appartenu à des gangs en France, avant d'atterrir à Mohammadia pour diriger des réseaux de trafiquants de drogue, transformant ce quartier en une plaque tournante aux ramifications transnationales. Arrêté, Boumail a été jugé par le tribunal criminel près la cour d'Alger et risquait la peine à perpétuité. Contre toute attente, c'est de l'acquittement dont il a bénéficié en février 2008, arguant du fait que la drogue n'est jamais arrivée en Algérie. Quelques mois plus tard, son nom réapparaissait dans des réseaux de trafiquants de drogue, mais lui restait introuvable. Des sources proches du dossier s'intéressent de très près à son cas et le soupçonnent d'être mêlé, de près ou de loin, non seulement dans l'affaire des 165 kg de cocaïne en Espagne, mais également dans la prise de la même quantité à Alger. Des supposés liens que la direction du renseignement des services des Douanes n'a vraisemblablement pas pris en compte. L'administration douanière avait juste bloqué provisoirement les procédures de dédouanement de toutes les importations de lait et ce, depuis la saisie de la drogue, il y a plus d'une semaine. Hier, le directeur général des Douanes a instruit, par une note, la levée de cette mesure, imposant un contrôle à posteriori de la marchandise sur le site des opérateurs. De toute évidence, un vrai problème se pose au niveau du contrôle aux frontières. Les instruments chargés de cette mission semblent incapables de s'adapter aux méthodes de plus en plus insoupçonnables utilisées dans les trafics en tout genre, notamment celui de drogue et la contrebande.