L'organisation du Mondial de football par la Russie a été parfaite, le Mondial le mieux organisé depuis l'avènement de la compétition en 1930, dixit Infantino, président de la FIFA. Au plan du jeu, la «cuvée 2018» n'a pas été aussi exemplaire, laissant un goût d'inachevé et le vainqueur est loin d'avoir produit le meilleur football. Point donc de football génial et chatoyant. Les avis étaient unanimes, la France avait produit un football «moche», mais efficace. Toutefois, ce n'est pas sur les qualités de jeu et techniques du Mondial 2018 que nous allons revenir. Il s'agit en fait d'un à-côté du Mondial et ses retombées, induisant une polémique surréaliste et des réactions françaises à la limite de l'absurde. Cela suite aux commentaires aigres-doux d'aucuns qui estimaient que l'Afrique est le vrai vainqueur du trophée FIFA de la Coupe du monde de Russie. Des observateurs n'ont pas ainsi hésité - à l'instar du président vénézuélien Nicolas Maduro et l'ex-président états-unien Barack Obama - de juger que le véritable vainqueur de la Coupe du monde était, en fait, l'Afrique. En référence à la solide présence de joueurs d'origine africaine dans l'équipe de France. Pour sa part, le présentateur américain d'origine sud-africaine Trevor Noah enfonçait le clou, soulignant lourdement cette particularité des «Bleus», un effet, selon lui, de la colonisation. Il est patent que les Français - politiques et médias notamment - ont très mal pris la chose, contredisant cette approche des faits. La ministre française des Sports, Laura Flessel, a beau avoir «vu une équipe» de France [«Moi, j'ai vu une Equipe de France»], il n'en reste pas moins que la question est bel et bien posée quant à l'identité de l'équipe de football de la France. Pour les Français, choqués, les joueurs étaient des «Français». Point! Autant que ça? En fait, la réponse de la responsable française des Sports est plutôt courte. Il lui aurait fallu aller au-delà du simple constat de la francité des joueurs africains de France, en replaçant le débat dans son vrai contexte: l'intégration des émigrés et la complexité de leur «identité» dans le contexte de la France. Aussi, la polémique a-t-elle pris de fait des dimensions extra sportives, lui donnant des connotations politiques et culturelles. Les joueurs de l'équipe de France issus de l'émigration sont certes nés en France - à quelque exception près tel que Imtiti né au Cameroun - donc français selon la loi française. Assurément! Cependant, il y a un hic: les parents de ces joueurs français sont-ils eux aussi «français» à 100%? Pas sûr! Mbappé le petit prodige (19 ans) découvert lors du Mondial de Russie, dont la mère est algérienne se dit lui très fier de son «algérianité». Sa mère est-elle pour autant française à part entière? Son père camerounais est-il français? On peut en douter. De fait, la France a mal à son «africanité» qu'elle refuse d'assumer. Certes, cette multiculturalité est mise en avant quand cela sied. Mais en général il y a un fossé entre les faits et la réalité. Ainsi, quand les médias français parlent de l'équipe d'Algérie ils n'omettent pas de relever que ses joueurs sont des «franco-algériens», niant dans le même souffle cette dualité et la qualité de «franco-africains» pour les joueurs de l'équipe de France. Faut-il remonter à la première Coupe du monde de football remportée par la France en 1998 grâce à ses «Blacks-Blancs-Beurs» dont un certain Zineddine Zidane qui éclaboussa de sa classe le Mondial français de 1998? Ce sont deux «boules» magiques de «Zizou» qui mirent à la raison le grand Brésil, envoyant la France au nirvana. Le «Français» Zidane (sans autre ajout) était alors adulé par le public de France. Changement de décor! Cette «boule» de Zizou qui illumina la France en 1998, percuta en 2006, lors de la finale de 2006 - entre la France et l'Italie - le thorax du joueur italien Matarazzi. Bon sang ne saurait mentir! Zidane réagit en Algérien à l'insulte du joueur italien. Du coup, l'adulé «Zizou» tomba de son piédestal, d'aucuns se souvenant alors de ses origines algériennes. Un «Arabe?» marqué par la violence atavique. Ceci juste pour rafraîchir les mémoires. La France a de fait toujours eu des problèmes avec son émigration et son intégration dans le tissu identitaire français. Ce qui est curieux est que cette particularité qui n'est pas propre à la France, n'est pas appréhendée de la même manière par des pays - sur le plan de la multiculturalité la Belgique et l'Angleterre n'ont rien à envier à la France - qui ont su fondre cette force (l'émigration) dans leur développement intrinsèque. En France, les choses se passent autrement. Les Français sont sélectifs et n'est pas «français» qui veut. En témoigne l'acte héroïque d'un jeune sans-papiers malien, Mamadou Gassama, qui sauva, au péril de sa vie en mai dernier, un bébé d'une mort certaine. Pour son acte rare, le président français, Emmanuel Macron, lui «octroya» la nationalité «française» Et si Mamadou Gassama, le «bon émigré», ne s'était pas risqué à un acte aussi dangereux de grimper quatre étages pour sauver un bébé suspendu au balcon? Ils sont près de 50 000 sans-papiers maliens qui vivent en France dans une précarité extrême. Qu'a fait la France pour eux, ou soulager leur calvaire? Ils sont des milliers d'Africains qui vivent le cas des sans-papiers maliens ostracisés par les pouvoirs publics. Cf; l'affaire de la «jungle» de Calais, où des centaines d'émigrés ont été pourchassés par la police française, dans des conditions iniques. Aussi, le courage du jeune Gassama a-t-il suffi pour provoquer une prise de conscience quant à la question du traitement fait aux émigrés en France? Peu sûr! D'autant plus que cet acte a été exploité politiquement de manière éhontée. Pour dire que, quelque part, les Français désavouent ce qui fait leur spécificité: un pays «coloré» ouvert aux autres cultures, d'autant plus qu'il en tire de larges dividendes. Ce n'est pas seulement dans le sport que l'apport des émigrés a été décisif dans la notoriété du pays gaulois, mais dans tous les domaines - science, culture, art, entrepreneuriat...- qui ont fait de la France ce qu'elle est: un pays multiculturel. C ́est cet apport de sang neuf qui a fait cette France plurielle, rare dans le champ politique européen. Or, cet apport semble aujourd'hui nié dès lors que la France officielle, médiatique et lambda, exclut que l'origine des Africains, qui ont contribué à hisser son «nom» au summum du sport mondial, lui soit accolée. C'est cela le problème français! Les Français veulent tout avoir, ne partagent rien. Or, qu'ils le veulent ou non, la victoire des Bleus en Russie est quelque part aussi, celle de l'Afrique. C'est là que le bât blesse une certaine France!