Sur le CW 17, entre Hacine et Mohammadia, dans la wilaya de Mascara, la faucheuse attendait, au détour d'un virage en épingle à cheveux, 19 pauvres citoyens qui rentraient chez eux après une journée passée sous le soleil de la plage de Oureah, dans la wilaya de Mostaganem. Il était 17h 45, quand le véhicule de type Express qu'empruntait la famille Belbachir, rentrant d'un mariage, a été intercepté par un groupe armé (composé de plus de 10 éléments, selon des témoignages de rescapés), au lieu dit Ouled Sidi Amor. Cinq des occupants du véhicule seront égorgés par les terroristes et 2 jeunes filles ont été kidnappées. Leur forfait accompli, les sanguinaires bloqueront la route avec cette voiture pour guetter l'arrivée d'autres victimes. Quelques minutes plus tard, un taxi collectif de type J5, qui revenait de la plage de Oureah, est tombé dans le piège tendu par les terroristes. Les 18 passagers seront criblés de balles avant que le groupe ne décide d'incendier le J5. Les terroristes s'enfuiront, par la suite, vers le massif boisé qui longe cette route. Quelques blessés par balles arriveront à s'extirper du véhicule en flammes. Ils parviendront à donner l'alerte au cantonnement de la garde communale de la localité de Fergoug. Maârouf A. (14 ans), que nous avons rencontré à l'hôpital de Mascara, raconte l'horreur qu'il a vécue ce jour-là. «J'étais avec mon père, enseignant, et mes 3 frères à bord du J5. A la sortie d'un virage en S, nous avons reçu des rafales qui ont obligé le chauffeur à immobiliser le véhicule. Des terroristes en tenues militaires sont montés à bord et ont commencé à frapper avec des haches les passagers. J'ai entendu leur chef leur intimer l'ordre de commencer par achever les enfants. Mon frère Abdelbasset a été tué d'une rafale tirée à bout portant dans sa bouche. Mon père a péri, lui aussi, dans ce faux barrage», dira-t-il au moment où des médecins de l'équipe médicale chinoise de l'hôpital de Mascara lui prodiguait des soins. Douze corps complètements calcinés ont été retirés du fourgon. La route Mohammadia-Hacine, où vivaient environ 1200 familles, était considérée comme un véritable coupe-gorge. A l'époque, durant les années qui virent le terrorisme atteindre son paroxysme, les pouvoirs publics avaient décidé sa fermeture. Mais, depuis l'avènement de la concorde civile et l'amélioration de la situation sécuritaire, elle a été rouverte à la circulation pour permettre aux automobilistes, venant de Mascara et se dirigeant vers Mohammadia, de gagner quelques kilomètres en empruntant ce raccourci. Des sources concordantes ont laissé entendre que les terroristes, en dressant ce faux barrage, voulaient faire diversion pour desserrer l'étau des forces de l'ANP sur leurs acolytes, accrochés dans la région de Timixi, qui fait l'objet d'un ratissage depuis quelques jours. Le groupe, encerclé dans ces montagnes, serait l'auteur du faux barrage, dressé le 13 août dernier, sur la route Sidi M'hamed Ben Aouda-Oued El-Abtal et où avaient péri 17 agriculteurs de la région. Il y compterait aussi dans son sinistre palmarès l'assassinat de 4 bergers au lieu dit Chaâbet Lahlaf et le vol de 65 têtes de moutons. Ces assassins, qu'on dit affiliés à Katibet el-ahoual, dissidents du GIA de Antar Zouabri, auraient opté pour l'escalade pour négocier avec Hassan Hattab l'éventualité d'une fusion pour créer un Gspc de l'Ouest. Cette thèse paraît de plus en plus probable, depuis que son émir Abou Djaâfar El-Afghani s'est rebellé contre Zouabri pour créer le groupe Houmat eddaoua es-salafia, pour négocier en position de force. Il a décidé «de reprendre du service» en semant la mort et la désolation autour de lui. Jeudi, alors qu'on enterrait les victimes au cimetière de Sidi Ali Mohamed Chérif, les forces combinées ont déclenché une vaste opération de ratissage pour déloger et éliminer le groupe auteur du massacre. Les forces de l'ANP ont bouclé la région qui s'étend du barrage de Fergoug à Hacine. Les habitants ont rapporté que l'artillerie a pilonné, toute la journée d'hier, les massifs boisés où se serait replié le groupe. Au total, 19 personnes, dont une femme, un bébé et 6 enfants, ont payé de leur vie l'acharnement de ceux qui dérangent une Algérie réconciliée avec elle-même, ceux qui, vaincus sur tous les plans, ont opté pour la politique suicidaire de la terre brûlée. La liste des blessés Bouazza H. (28 ans), Bahri N. (25) et Sekhal B. (27), transférés au CHU d'Oran, Marouf A. (16) et Marouf Abderrahim (14) ont pu rejoindre leur domicile.