Les grossistes font-ils dans la spéculation? À chaque fois que les pharmaciens se font livrer c'est le même constat: une grande partie de leur commande n'est pas arrivée. Grossistes et autorités sanitaires se renvoient la responsabilité. En attendant, les malades ne savent plus à quel saint se vouer... Les pharmaciens tirent la sonnette d'alarme: de graves pénuries de médicaments frappent le pays. En effet, des médicaments des plus vitaux sont en rupture de stocks, depuis plus d'un an pour certains. À l'exemple de l'Avlocardile, un bêtabloquant utilisé pour l'hypertension artérielle et certaines maladies du coeur. Mais si ce médicament a son équivalent sur le marché, ce n'est pas le cas pour d'autres. Les bronchodilatateurs sont le parfait exemple. Ventoline, Salbutamol, Asthalin, Flixotide, ce sont des noms que les pharmaciens n'entendent plus. Ces médicaments contre l'asthme sont portés disparus depuis plusieurs mois. Il vous faut du «piston» pour espérer avoir une petite boîte. Tout comme la vitamine D, dont le manque a fait naître un commerce parallèle. «Au sud du pays, c'est un médicament qui est très peu utilisé à cause de l'ensoleillement de cette région. Alors, certains ont trouvé l'astuce pour se faire de l'argent. Ils vident les stocks de ces pharmaciens et viennent les revendre au nord à trois fois leur prix», dénonce le gérant d'une officine de la capitale. La liste des médicaments que l'on ne trouve plus en pharmacie est encore longue. Les pénuries sont de plus en plus fréquentes. Les maladies chroniques ne sont pas épargnées. Bien au contraire! «Juste de tête je peux vous faire une liste d'au moins 10 médicaments qui sont hors d'atteinte des patients depuis plusieurs mois», souligne, Lylia, une pharmacienne à Alger avant d'énumérer quelques-uns de ces médicaments. «Il y a la Flecaine, médicament pour le coeur. Le Tardyderon 80 et B9, du fer pour les anémiques. Le Fumacur également pour l'anémie, Aldactazine pour le coeur et la tension artérielle. Le Zanidipe toujours pour la tension. Il y a également les collyres tels que Cozopte et Travaton. La vitamine B12, le Carbimazol pour le goître. Le Levothyrox 100 et 75 pour l'hyperthyroïdie...», décompte-t-elle en précisant que la liste est encore longue et ne cesse de s'allonger de jour en jour? Ainsi, à chaque fois, que les pharmaciens se font livrer c'est le même constat: une grande partie de leur commande n'est pas arrivée. Qui est responsable de cette malheureuse situation? Les pharmaciens et les autorités sanitaires accusent certains grossistes de faire dans la spéculation. «Les grossistes cachent ces médicaments qu'ils ne vendent qu'à certains de leurs amis, les bons clients. Cela afin de créer une tension et faire augmenter les prix et pousser les malades vers ces officines ́ ́privilégiées ́ ́», assure Nabil, un pharmacien dans la wilaya de Boumerdès. «Le secteur est très complexe, les enjeux économiques sont très importants. La mafia du médicament est donc très influente», indique-t-il. Les grossistes se défendent en renvoyant la balle aux autorités. Ils soutiennent que ces pénuries sont dues «au retard de délivrance des programmes d'importation et le contrôle des quantités importées». Ils parlent également de lourdeur dans les contrôles et délivrance des autorisations. Cette crise de médicament qui, faut-il le souligner subsiste bien avant l'arrivée du professeur Mokhtar Hasbellaoui à la tête du ministère de la Santé, est inacceptable. On peut tout contingenter, excepté les céréales, les pièces de rechange et bien évidemment les médicaments. Ces produits-là ne sont pas un luxe, mais une nécessité payante pour la survie d'une nation et le bon fonctionnement de l'économie nationale. L'Etat a le devoir d'assurer leur disponibilité aux citoyens. Or, on assiste depuis des années aux mêmes ruptures, aux mêmes engagements qui ne sont finalement pas respectés. Que se passe-t-il? Y a-t-il une main invisible derrière cette pénurie? Il faut revoir totalement la nomenclature de nos médicaments importés à coups de millions et dont certains ne sont même pas consommés! En attendant, les malades ne savent plus à quel saint se vouer... Ils sont obligés de recourir au système D. Le médicament dit «cabas» est en vogue. Les trabendistes dans la plupart des cas, achètent des médicaments à partir de l'étranger. Ils les revendent au prix d'or et parfois, ils sont même dangereux pour la santé. Car, quand on connaît le pharmacien, on a la garantie que le produit a été acheté dans une pharmacie étrangère et que ce n'est pas de la contrefaçon. Mais ce manque de traçabilité peut s'avérer très dangereux, du fait que certains médicaments importés à partir de l'étranger peuvent être contrefaits. C'est surtout le cas de ceux vendus chez les herboristes qui se ravitaillent chez des commerçants chinois, indiens ou sur Internet! Mais a-t-on le choix quand on est malade et l'on fait face à la pénurie?