Racket à ciel ouvert Tout espace exploitable fait l'affaire des amateurs du gain facile. Ces derniers font la loi et imposent les règles. Toute transgression, manquement ou affront est sévèrement puni par le «cartel» des trottoirs car il tient à donner l'exemple pour arracher le «respect». «Si tu ne payes pas, tu meurs.» Il ne s'agit pas là de la loi de la mafia, mais d'une règle qui s'est imposée depuis quelques années dans toutes les rues d'Algérie. Le citoyen racketté, au vu et au su de tous les responsables de l'administration locale et des services de sécurité, n'a que deux choix: payer en liquide ou se faire «liquider». Dans chaque coin de rue et à chaque stationnement, le conducteur d'un véhicule devient par la force de la matraque un «client» potentiel pour une place de stationnement. Il est obligé de verser entre 100 et 400 DA non pas pour une place dans un parking authentifié et autorisé, mais pour n'importe quel lieu trouvé, que ce soit dans une cité, à côté d'un trottoir ou même une partie du trottoir. Tout espace exploitable fait l'affaire des amateurs du gain facile. Ces derniers font la loi et imposent les règles. Toute transgression, manquement ou affront est sévèrement puni par le «cartel» des trottoirs car il tient à donner l'exemple pour arracher le «respect». Et c'est exactement ce qu'ils ont fait, dernièrement à Béjaïa, en s'acharnant sur un estivant qui a refusé de s'acquitter de 200 DA représentant un soi-disant «droit» de parking. Le trentenaire a payé de sa vie parce qu'il a refusé de se faire voler. Il a été tabassé à mort parce qu'il a refusé la «hogra», parce qu'il s'est révolté contre l'arbitraire et l'anarchie. L'homme, tué froidement sous le regard ébahi des membres de sa famille sur la plage de Lotta à Souk El Tenine, a réagi en citoyen responsable qui tient au respect de l'Etat de droit. Il en est mort. Malheureusement, il n'est pas le seul. A M'sila, c'est également une place de parking qui a coûté la vie d'un autre jeune homme, poignardé à plusieurs reprises avec un tournevis. En juin dernier, c'est à Skikda qu'un jeune père de 34 ans a reçu sept coups de couteau devant son enfant de 6 ans pour avoir garé sa voiture dans...son propre quartier! L'assassin n'était autre qu'un jeune désoeuvré qui a décidé d'accaparer une partie de la rue et d'imposer le versement de 50 DA à toute personne qui s'aventure à stationner dans son «territoire». Et si par le passé, il n'y avait que quelques endroits concernés par le racket, aujourd'hui c'est tout le pays qui est sous le diktat des caïds des trottoirs. Ces derniers, adossés à un mur ou assis à même le trottoir, monnayent illégalement le stationnement et justifient leur recours au racket par l'absence d'emplois, le besoin et la misère. Mais quand il y a mort d'homme, c'est grave et là, il y en a plusieurs et depuis des années. Pour quelle raison les pouvoirs publics et notamment les services de sécurité ne réagissent pas? Cette tragédie sociale qui menace quotidiennement la vie des citoyens n'est pas uniquement le fait du laxisme des autorités. Il se pourrait même qu'il s'agit, dans certains cas, de complicité. Ce n'est pas là une imputation contre les soldats de l'ordre, mais un reproche légitime vu que des parkings «sauvages» existent même à proximité de certains commissariats de police. Le citoyen est en droit de se demander pour quelle raison l'Etat ne frappe pas d'une main de fer pour le débarrasser de ceux qui portent atteinte à sa sécurité et sa quiétude. Sous d'autres cieux, à Marseille, notamment, la mainmise d'une bande de voyous sur un parking dans l'un des départements, n'a pas fait long feu. Dès que la presse française avait fait cas du racket à coups de dégradations et d'intimidations des riverains au parking Jules Guesde de la Porte d'Aix à Marseille par des délinquants qui imposaient un tarif unique de 5 euros aux automobilistes, un plan de bataille a été décidé par la préfecture qui a mobilisé une compagnie de 80 CRS, chargée de sécuriser la place. Les rondes des CRS ont dissuadé les racketteurs. C'est là un exemple à suivre par nos maires et autres responsables à tous les niveaux. Ces derniers ne doivent pas jouer le jeu de jeunes désoeuvrés, en leur offrant des autorisations «complaisantes» pour des lieux non aménagés en parking, leur permettant ainsi à sombrer et prendre goût au gain facile. Et même lorsqu'il s'agit d'un parking conçu dans les normes, sa gestion doit revenir à une société légalement constituée qui aura à s'acquitter des impôts et à respecter les lois de la République. L'anarchie qui coûte la vie à des citoyens doit impérieusement prendre fin.