Sale temps pour la chanson kabyle. Sale temps pour nos artistes qui s'éteignent dans l'indifférence, et pourtant... Le chanteur kabyle Izri Brahim n'est plus. Il a rejoint le ciel, lundi en début de soirée, suite à une longue maladie. L'information, donnée sur le site kabyle infos, est tombée comme un couperet. Sale temps pour la chanson kabyle. Sale temps pour l'Algérie qui perd ses enfants terribles un par un. Sale temps pour nos artistes qui s'éteignent dans l'indifférence, et pourtant... Il est parti en silence, quelques jours seulement après le décès de l'autre enfant terrible du théâtre algérien d'expression amazighe, Mohya. Le deuil va-t-il poursuivre éternellement cette Kabylie endolorie par la perte de ses enfants? Le hasard a fait que son décès intervienne le 3 janvier, jour où l'on commémore la mort de Muhand Arab Bassaoud. Brahim Izri est originaire des Ath Yeni, ce village magique et magnifique qui a enfanté les Mouloud Mammeri, Idir (dont il est un parent) et autres. Il a su nous enchanter avec ses mélodies douces et agréables. Des mélodies qui ne disent que trop son attachement à ses racines berbères dont il n'a cessé de revendiquer l'appartenance. D'ailleurs, de son vivant, il s'est investi corps et âme dans le combat identitaire. Cette revendication revient comme un leitmotiv dans ses chansons comme : Dacuyi (qui suis-je?) ; Ayen Ayen (Pourquoi?) ; Baba Bahri ; Nig Thghaltin (Au-dessous des montagnes); Wid Yaamane (Les aveugles)... Il est bon de signaler dans ce sens qu'il était parmi les signataires de la pétition des artistes kabyles qui ont refusé de participer à l'Année de l'Algérie en France, Djazaïr 2003, aux côtés de Fellag, Akli D., Takfarinas... Dans le quatrième album de Idir, Identités, il a réussi, avec brio, à transformer San Fransisco en Tizi Ouzou. Une chanson interprétée en trio avec Izri Brahim lui-même, Idir et Maxime Le Forestier, dont voilà le refrain: «Tizi Ouzou se lève/Dans ses collines s'achève/ Le rêve des fous/ Qui veulent que nous/ Que l'on oublie l'idéal de Tizi Ouzou». «San Fransisco, raconte Idir, se transforme ici en Tizi Ouzou, superbe version kabyle interprétée par Maxime Le Forestier, qu'avait écrite le chanteur Brahim Izri il y a déjà quelques années. A l'époque, Brahim l'avait envoyée à Maxime», se rappelle Idir. «Dans une lettre, ajoute-t-il, il lui disait, avec humour que, peut-être, dans quelques siècles, en Kabylie, on dirait que San Fransisco est un vieux folklore du pays. L'idée a été de transposer la maison bleue de San Fransisco à Tizi Ouzou. Toujours avec la même porte ouverte. Ceux qui vivent ont jeté la clef. C'est un havre de paix.» Ainsi donc, Baba Bahri nous quitte en cette soirée hivernale du lundi 3 janvier 2004. Brahim Izri rejoint le ciel où il brillera aux côtés des étoiles. La douleur est intenable, intense et difficile à supporter certes, mais ses chansons sont là à nous rappeler, à chaque instant qui passe, que monsieur Izri était un artiste complet. Adieu l'artiste.