L'escroquerie a plusieurs visages. Miroiter un mirage à quelqu'un, c'est de l'escroquerie. Promettre une chose impossible à fournir, c'est aussi de l'escroquerie! Il y a des cas où la justice est quasi impuissante; c'est pour cela que l'expression «la loi ne peut rien entreprendre en direction des naïfs», est née! Mais ce qui tracasse les magistrats, ce sont ces victimes qui se présentent devant eux, souvent armés du Livre saint, prêts à jurer sur Allah et le Coran qu'ils disent la vérité, en souhaitant que l'adversaire soit là pour faire de même. C'est presque le quotidien de nos juges qui ne peuvent aller plus que la loi ne leur permet. Un pauvre type cupide comme seuls les gens qui croient au Père Noël, y croient, s'est fait avoir de long en large, de bas en haut, pour avoir cru en un bonhomme rencontré au gré d'une malheureuse rencontre, et à qui il a remis une grosse somme d'argent, le prix d'une cylindrée d'Europe! Oui! Il existe encore des gens qui croient, en 2018, qu'il est possible de faire une transaction sans un papier ni document prouvant qu'il y a eu un marché! Devant la présidente de la section correctionnelle du tribunal, Abdelaâli, M. 35 ans, le jour du jugement, affairiste (comme il le dit lui-même), tente de trouver une issue de sortie honorable, après ce qui lui est arrivé. Oui, il essaye de chercher les mots qu'il faut, d'abord, et les placer là où il faut, ensuite. Il veut un tant soit peu, convaincre le juge du bien-fondé de son entreprise. Il attend de la magistrate qu'elle lui tende la perche salvatrice: «Je n'étais pas avec vous au moment de la transaction. Comment voulez-vous que je vous aide dans ce cas? Que voulez-vous qu'une magistrate, formée et payée pour appliquer les lois, peut très bien s'occuper de gens qui passent leur temps à papoter autour de projets invisibles ou à monter des scénarios dignes de films de science- fiction?» clame la juge, qui donne la nette impression de se détendre un peu devant ces énergumènes prenant la justice et les juges pour ce qu'ils ne seront jamais! Elle lève la tête pour voir si l'assistance suit ce qu'elle débite depuis un bon moment, rejette sa longue chevelure châtain clair, la repousse bien comme il faut avec les doigts vers l'arrière. Puis elle reprend d'un geste preste la chemise grise, l'ouvre, s'empare d'un feuillet, le parcourt cinq secondes et s'écrie presque: «Qu'est-ce que c'est que cette histoire de remise de la somme de 1 400 millions de centimes? Cette somme était destinée à ce Housseim. G qui aurait été chargé de remettre ladite somme Youssef Karim, un résidant en Belgique et avec qui vous auriez eu plusieurs communications téléphoniques des plus chaleureuses et même amicales!». Le comble de l'escroquerie est allé jusqu'à la cachoterie du numéro de téléphone du fameux correspondant de Belgique. «C'était lui à chaque fois de m'appeler. Donc je n'avais même pas son numéro de phone que je pourrais refiler aux services de sécurité qui auraient pu, peut-être, réussir à le dénicher! Le procureur intervient à son tour pour tenter de donner un coup de main à la juge, visiblement agacée et franchement ennuyée de n'avoir que la version de la victime qui est en train de faire avaler ce qu'elle veut, du moment que l'inculpé est absent. Il dit son étonnement devant «cette bizarre situation qui a vu deux personnes qui ne se sont jamais rencontrées et qui se sont comportées comme elles se connaissaient depuis des lustres! Oui, nous sommes devant une bizarre situation rare, émouvante à entendre la victime qui ne nous a jamais dit quand, où et comment elle a connu ce Housseim G. que le tribunal paierait cher pour le voir ici, à la barre en chair et en os. Mais enfin, ce n'est plus un problème: le vrai problème, c'est d'avoir ces fantômes jusqu'à l'heure actuelle, absents!» A peine le représentant du ministère public a-t-il fini ses questions, que la présidente invite alors la pauvre victime à répondre au parquetier qui, entre-temps, s'est rassis, après avoir fait ses pertinentes observations. La victime fait les gros yeux, regarde autour d'elle, et dit, presque choquée: «Mais, j'ai tout raconté à la police et l'officier a tout transcrit et posé d'autres questions auxquelles, j'y ai répondu avec franchise! Il en a été de même devant le juge d'instruction qui m'a entendu et posé des questions auxquelles j'ai répondu avec intégrité sans détour, avec la volonté farouche d'aider la justice à faire son travail avec beaucoup de sérénité.» Le malheureux gus ne regardait plus la juge ni le procureur ni même les policiers debout comme des cierges, un jour de fête, comme pour les supplier de venir à son secours et l'aider à récupérer ses milliers de dinars qu'il avait remis de son plein gré, à quelqu'un qui le connaissait à peine. Mais voilà que le procureur, en sa qualité de représentant du ministère public, émet un avis somme toute respectable: «Nous voulons bien croire la victime lorsqu'elle crie son désespoir d'avoir conclu un accord avec le fameux personnage qui l'aurait roulée dans la farine. Mais, personnellement, je ne suis pas d'accord avec la victime lorsqu'elle dit que le juge d'instruction fait son travail avec beaucoup de sérénité. Et puis quoi encore? La victime aurait mieux fait d'établir un papier avant de remettre une si grosse somme d'argent à un inconnu. Voilà la vérité!» Abdlaàli. M. baisse la tête, confus et plus que meurtri de s'être fait avoir de la sorte, mais il semble que les carottes soient déjà cuites pour le moment. La juge veut savoir les détails autour desquels ont tourné les propositions à propos de «la fameuse automobile reçue comme convenu dans les discussions avant de conclure un accord!». Abdelaâli. M. semble désarçonné, non pas qu'il ne soit pas crédible, mais qu'il soit obligé de répéter ce qu'il a déjà dit et redit. Mais il a toujours su que lorsqu'un juge vous fait répéter, c'est bon pour vous. Si vous êtes dans le vrai, le magistrat marchera pour la suite, sinon.... D'ailleurs, ne dit-on pas que celui qui dit la vérité, ne risque jamais de trébucher, balbutier ou de passer à côté de la vérité? «C'est bon! Nous arrivons enfin aux demandes: victime, quelles sont les vôtres? «Mon argent, c'est tout ce que je veux! Si vous le condamner à la prison, quel est mon intérêt?» Quant au Procureur, il se limitera à flétrir de tels comportements et réclamera par défaut une peine maximale d'emprisonnement et d'une amende conséquente. La Juge met alors le dossier en examen pour la quinzaine suivante.