L'unique Africain, ballon d'or européen, George Weah, a endossé des habits d'homme politique et brigue la magistrature suprême de son pays. L'ancien footballeur, qui a troqué tenue et souliers de football pour de nouveaux habits et horizons, vit en fait une aventure fantastique qui pourrait le conduire au soir du 11 octobre 2005 au faîte des responsabilités de l'Etat. En fait, sa candidature a fait beaucoup ricaner ses adversaires à l'élection présidentielle, appelée à mettre un terme à la transition dans un Liberia qui a vécu une quinzaine d'années marquées par la guerre civile. Ces élections générales (législatives et présidentielle) sont en fait particulières car elles constitueront dans le même temps la fin d'une période troublée et le début d'une ère de (re)construction et d'édification de l'un des plus vieux pays africains, le Liberia, fondé au XIXe siècle par des descendants d'anciens esclaves (noirs américains) affranchis. Le 1,3 million d'électeurs sont appelés à élire leur 23e président parmi les 26 candidats, -dont George Weah, favori des jeunes-, et le nouveau Parlement. Avec les scrutins du 11 octobre s'achève ainsi une transition de deux ans commencée en 2003 qui a permis de remettre un peu d'ordre dans un pays désorganisé tant par les dégâts causés par une guerre civile de près de quinze ans -qui a coûté la vie à plus de plus de 150 000 personnes - que par l'exode - induit par les violences - qui vida le pays de plus de la moitié de sa population contrainte à l'exil. Les élections sont placées sous haute surveillance par la mission des Nations unies au Liberia (Minul) qui a renforcé ses effectifs pour parer à toute surprise pouvant perturber le bon déroulement de la consultation électorale. Pour la réalisation de cet objectif, des Casques bleus ont été envoyés en renfort et la Minul a vu sa mission prolongée jusqu'au 31 mars par le Conseil de sécurité de l'ONU. De fait, le représentant du secrétaire général de l'ONU, Alan Doss, a récemment prévenu que la Minul répondrait avec fermeté à toute violence liée aux élections. Outre le renforcement des effectifs de la Minul, 175 observateurs internationaux, dont 70 envoyés par l'Union européenne (UE), vont superviser les élections du 11 octobre. « Les fraudes ne peuvent être évitées, mais nous devons les réduire au maximum en surveillant les différents acteurs du processus », explique le chef des observateurs de l'UE, Max Van Den Berg. Mais le clou de ces élections c'est encore la présence parmi les candidats du légendaire footballeur libérien, George Weah, qui a fait le bonheur de grands clubs européens comme le Milan AC, Monaco ou le Paris SG, devenant le premier et unique Africain à se voir attribuer le ballon d'or européen en 1995. Mais George Oppong Manneh Weah, grand maestro sur les terrains de football, a aussi été, c'est sans doute surtout cela, (ce que retiendront les Libériens le jour du vote) un homme généreux et grand patriote en se mettant lui et sa fortune, au service de son pays meurtri par les retombées de la guerre. Alors qu'il pouvait se recycler en Europe ou aux Etats-Unis, comme l'ont fait maints sportifs africains devenus riches, et arrondir une fortune déjà confortable, Weah a préféré venir en aide à son pays, en prenant particulièrement en charge l'équipe nationale de son pays, en l'équipant et en la sponsorisant, en payant les primes des joueurs et en libérant, par ailleurs, la Fédération de football du Liberia des dettes accumulés. «Mister George», comme on l'appelle à Monrovia, a été pour le Liberia une véritable fée, contribuant à panser les plaies ouvertes de son pays. Son engagement désintéressé en faveur de la jeunesse de son pays compense en vérité largement son noviciat politique que ses adversaires n'ont pas manqué de relever et de lui reprocher. Pour ses compatriotes cependant, George Weah n'est pas seulement le plus célèbre des Libériens dans le monde et le plus populaire dans son pays, mais surtout un grand patriote que ses actions caritatives ont révélé. Ce sont là des atouts qui joueront en faveur de l'ancien attaquant du Milan AC et de l'Olympique de Marseille. Le candidat Weah se présente sous les couleurs du parti du changement (le Cdc, le Congrès pour un changement démocratique). Tout un programme. S'exprimant dans un meeting, et présentant le candidat Weah, son colistier, pour la vice-présidence, Rudolph Johnson, ancien ministre des Affaires étrangères sous le régime de Samuel Doe, a pu ainsi dire: «Aujourd'hui, je vous présente un homme qui a effectué un brillant parcours. Il a fait la fierté de notre nation. Il a beaucoup fait pour cette nation, et continuera de faire plus s'il est élu président» enchaînant: «Mesdames et Messieurs, voici votre Président» provoquant un tonnerre d'applaudissements. Prenant à son tour la parole, le candidat George Weah déclare: «Je pense que ce pourquoi nous nous battons aujourd'hui est d'abord la paix et l'unité. Ce qui nous donne la raison d'être là aujourd'hui. Tout ce que nos enfants connaissent aujourd'hui, c'est la guerre et la destruction. Il est temps de donner une valeur à leur vie. Pour cela, il faut un dirigeant qui croit en eux. George Weah est ce leader là». souligne, sans fausse modestie, l'ancien footballeur qui affirma par ailleurs: «Regardez le Ghana aujourd'hui. Quand le Président Kufuor (John Kufuor) a pris le pouvoir, il n'y avait pas d'école au nord du pays. Mais aujourd'hui, le Ghana ressemble à un pays européen». L'atout coeur et les faits d'armes de George Weah, en faveur du Liberia, peuvent faire, le soir du 11 octobre, la différence avec les autres candidats sur lesquels il dispose d'un avantage certain, comme le montrent les derniers sondages qui donnent l'ancienne vedette du Paris Saint-Germain en tête pour le scrutin présidentiel.
