Sorti du néant, parfaitement inconnu du public, voici deux ans, Emmanuel Macron, se fait élire triomphalement à la tête de la République française. Mais les choses commencent à tourner en eau de boudin. Un tour de force inédit dans les milieux de la politique qui voit un néophyte, un homme sans antécédent politique, qui n'a jamais exercé de mandat électif, mettre d'accord les partis traditionnels, renvoyés à leurs chères études, comme de susciter un engouement sans précédent parmi la population. En fait, Macron est une énigme dans le paysage politique hexagonal, bousculant des habitudes et une hiérarchie politique pourtant bien établie. Il se présentait alors comme un homme nouveau, affranchi des magouilles de la politique «traditionnelle», se disant propre et au-dessus des copinages. Autant que ça? De fait, Emmanuel Macron détonne dans un Landerneau politique français policé où les rôles sont bien répartis et bien compris. Alors, quid de Macron? En fait, le géniteur du mouvement «En marche» [devenu le parti majoritaire «La République en marche», LaREM] cache bien son jeu, se disant non impliqué dans des politiques qui (le moins qui puisse être dit) ont échoué, se donnant pour objectif premier de rendre à la France rang et prestige et aux Français des raisons de croire dans l'Etat. Un challenge difficile en ces moments de crise et de récession. Alors, Macron ange ou démon? En fait, ni l'un ni l'autre, mais [plutôt] un opportuniste qui a su saisir sa chance dans un champ politique français à la dérive fragilisé et décrédibilisé par des affaires à répétition, de dirigeants qui font parler d'eux plus dans les pages à scandale par leurs basses oeuvres que par leur excellence dans la gouvernance du pays [mise en examen de l'ex-président Nicolas Sarkozy dans plusieurs affaires, notamment celle de soupçon de financement par la Libye de sa campagne présidentielle en 2007; écarts scabreux de l'ex-président François Hollande et ses démêlés avec ses maîtresses ou ses sorties nocturnes en moto] n'ont pas su raison garder. Tout cela ne faisait pas sérieux et a donné à un inconnu de conquérir, à 39 ans, le palais de l'Elysée. Un exploit rare. Il fallait le faire! Aussi, les Français attendaient-ils la suite et demandaient à voir leur «miraculeux» président au travail, de s'interroger de ce que sera sa pratique du pouvoir. D'aucuns s'attendaient donc à ce que Macron théorise une présidence moderne et efficace... Toutefois, rapidement, c'est l'image du «monarque républicain» qui s'impose aux Français, entretenue jusqu'à la caricature par des médias français bien complaisants. Si sa première année au pouvoir a été plutôt «classe», tout nouveau, tout beau, les Français n'ont pas cependant tardé à déchanter! Certes, l'enthousiasme qui a entouré l'ex-banquier à son élection à la présidence de la République est demeuré intact lors de sa première «saison» d'exercice du pouvoir, mais des fissures, des couacs, apparaissaient de plus en plus dans la gestion des affaires d'un président probusiness, qui ne s'en cache pas. De fait, cette particularité a été violemment mise à jour, en début septembre, par la démission fracassante (en direct sur la radio France Inter) de l'un des poids lourds du gouvernement Macron, Nicolas Hulot en charge de la Transition écologique et solidaire, qui s'indigna de «la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir». L'on apprend ainsi que ses principaux soutiens - lors de la campagne présidentielle de 2017 - provenaient des groupes d'intérêts [lobbying] dont on retrouvera certains d'entre eux en bonne place au gouvernement Macron tels que le Premier ministre Edouard Philippe ou le porte-parole Benjamin Griveaux, deux lobbyistes qui s'assument. Chouchoutant les milieux des affaires, très durs avec ceux qui «ne font rien», Emmanuel Macron, facilement donneur de leçons, s'affiche sans complexe, et sans ambages à droite, mentor d'un «social-libéralisme» décomplexé. Ce qui est curieux pour quelqu'un qui a fait ses premières militances (en 2006) au mouvement [très à gauche] des citoyens (MDC) de Jean-Pierre Chevènement, une icône du socialisme. Diplômé de l'ENA (Ecole nationale d'administration) en 2004, il est inspecteur des finances. En 2008, il rejoint la banque d'affaires Rothschild & Cie, propulsé deux ans plus tard en tant qu'associé gérant de la prestigieuse banque. Son passage au ministère de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique dans le gouvernement Hollande en 2014, fera des vagues singulièrement par ses ventes - et/ou tentatives de vente - du patrimoine industriel français, en particulier la branche énergie du groupe Alstom vendue à l'américain Général Electric (GE, partie du complexe militaro-industriel états-unien). Cette notoriété à rebours l'a aidé, lui servant de tremplin pour son lancement en politique. En fait, Macron, ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, annonça la couleur sur ses tendances profondes et sa «politique» droitière, voire atlantiste avec un soupçon d'américanisme. C'est ainsi que le ministre de l'Economie Macron, s'attela à «mettre» à flot une industrie française déclinante en vendant aux Américains son fleuron: Alstom. En fait, un premier flop, quoique une presse empressée n'attacha pas à cette vente l'importance que réclamait ce bradage. La prise de contrôle par les Etats-Uniens de la branche énergie de la France a été considérée par des experts français (notamment militaires) comme une trahison, du fait qu'Alstom fabriquait les turbines des sous-marins nucléaires français lanceurs d'engins (Snle) qui propulsent les sous-marins nucléaires et singulièrement le porte-avion français Charles de Gaulle. Le ministre Macron est également impliqué dans la vente à un consortium chinois de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Toutefois, Emmanuel Macron ne s'attarde pas dans le gouvernement Hollande et décide de voler de ses propres ailes. Marchant dans les pas du ministre Macron, le président Macron a vite fait de détromper ceux qui imaginaient avoir élu un président jeune par sa jeunesse et jeune par ses idées, un président novateur qui redonnera à la France son lustre perdu. Or, plus il avance dans l'exercice du pouvoir, plus le vernis novateur d'Emmanuel Macron s'érode laissant voir que celui-ci, loin de créer un «nouveau monde» comme il le clamait, est certainement le représentant atypique de l'ancien monde, soutenu par tout ce que la France compte comme entrepreneurs et hommes d'affaires. Des parrains plus que sexagénaires, mais riches. A l'identique de sa brève étape ministérielle, le président Macron, qui a la répartie facile, use et abuse de déclarations à double entente. Ainsi, d'aucuns de s'interroger: le cynisme, serait-il une vertu politique pour Macron? Bien avant qu'il «entre» en politique, en 2010, il affirma: «Aujourd'hui, je ne suis pas prêt à faire les concessions qu'imposent les partis, c'est-à-dire à m'excuser d'être un jeune mâle blanc diplômé, à m'excuser d'avoir passé des concours de la République qui sont ouverts à tout le monde.» Ces déclarations à l'emporte-pièces seront encore affinées au fil du temps. Comme président, il ira loin, jusqu'à mettre mal à l'aise la classe politique française qui ne comprend pas ses foucades comme celle où il déclara que les Français sont «Des Gaulois réfractaires au changement» lors de sa visite officielle au Danemark l'été dernier. En fait, certaines de ses déclarations, faisant grand bruit en Hexagone, ont induit un malaise dans la société française, donnant lieu à des polémiques qui sont loin d'être apaisées. A un jeune qui lui disait qu'il ne trouvait pas du travail, Macron eut ces mots «Je traverse la rue, je vous trouve du travail». Ces leçons au jeune horticulteur au chômage sont très mal passées auprès de l'opinion publique déjà excédée par l'indignation de Macron qui se récriait: «On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux.» Pointant encore du doigt la frange sociale la plus fragile et la plus démunie de France. Que dire de cette pantalonnade, comme quoi «Le bus pourra «bénéficier aux pauvres», entérinant le fait qu'il y a des pauvres en France. Ce qui ne manqua pas d'hérisser les Français qui comprennent de plus en plus mal leur président «jupitérien». Arrogance, mépris? Comme le souligne cette apostrophe de Macron à un jeune «la meilleure manière de s'acheter un costard est de travailler» appuyant «Il faut que les jeunes aient envie de devenir milliardaire». Milliardaire dans un pays où le seuil de pauvreté s'élargit de manière exponentielle, où le chômage atteint de hauts niveaux? La classe politique française et singulièrement la société - la cote de popularité du président «jupitérien» Macron, a dégringolé à 28% cet été - apprécient de moins en moins les facéties d'un président à l'évidence loin des préoccupations du «peuple». Ce qui fit alléguer à Gérard Collomb, fidèle parmi les fidèles de Macron, son «manque d'humilité» indiquant «Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir encore lui parler. Ceux qui parlent franchement à Macron sont ceux qui étaient là dès le début: Ferrand, Castaner, Griveaux et moi... D'ailleurs, il va finir par ne plus me supporter. Mais si tout le monde se prosterne devant lui, il finira par s'isoler, car par nature l'Elysée isole». De fait, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, qui «en avait marre» avait présenté le 1er octobre sa démission au chef de l'Etat qui la refusa. Un refus semble-t-il formaliste, histoire de dire qu'il reste le maître de la décision et [le calendrier de] départ d'un ministre lui appartenait. Toutefois, le lendemain mardi, Gérard Collomb confirme qu'il quitte effectivement son poste. Ce qu'il fit mercredi matin 3 octobre, en effectuant la passation de consignes avec le Premier ministre Edouard Philippe, dans l'attente de la désignation d'un ministre de l'Intérieur. C'est la crise? L'Elysée affirme que non. Il n'en reste pas moins que c'est le sixième ministre et non des moindres qui démissionne depuis l'avènement d'Emmanuel Macron à la présidence française. Un autre poids lourd après Nicolas Hulot et François Bayrou, qui quitte l'attelage Macron. C'est dire que l'euphorie de la victoire est désormais bien loin alors que le pessimisme est devenu plus prégnant en «Macronie». D'ailleurs, la cote de popularité de Macron est la plus mauvaise d'un président français depuis François Hollande. Par ses décisions, par ses approches hautaines, une surpuissance présumée, Emmanuel Macron s'est vu attribuer outre le titre de «Jupiter», l'étiquette moins glorieuse de «président des riches» alors que le fossé entre les plus riches et les pauvres s'accentuait en France laminant ce qui reste d'une classe médiane en peau de chagrin. Emmanuel Macron en voulant démontrer qu'il est proche du peuple, a contrario de ce que l'on affirme sur lui, en a trop fait commettant un impair qui frôle le ridicule, se faisant prendre en photo avec deux jeunes, dont l'un faisait un «doigt d'honneur» [lors de sa visite, le dernier week-end de septembre, à Saint Martin en Guadeloupe, marquée l'an dernier par un violent cyclone] Les médias français étaient, toute tendance politique confondue, scandalisés, voire révulsés. Le président Macron est ainsi allé d'un extrême à l'autre. En fait, c'est la fonction présidentielle qui en prend un mauvais coup. Les démissions à la hussarde de Hulot et Collomb ne font qu'illustrer la fragilité de la base qui mena le jeune Macron au summum du pouvoir en France. Ainsi, Macron est ce que l'on appelle quelqu'un né avec une cuillère en or dans la bouche. A peine diplômé que le voilà côtoyant les grands de la finance de l'Hexagone faisant ses classes à l'IGF (Inspection générale des finances). En fait, ceux qui avaient une grande influence sur la politique française tels que Jacques Attali et François Henrot, (bras droit de David Rothschild) ont veillé à l'ascension de ce jeune homme qui «promettait». A à peine trente ans, il est banquier d'affaires se faisant remarquer jusqu'à se voir affublé du surnom de «Mozart de la finance». C'est dans ce monde aussi cossu que fermé que Macron fera ses humanités, s'élevant dans une stratosphère loin des préoccupations terre à terre du bien-être du peuple. De fait, en tant que président, les premières décisions d'Emmanuel Macron ont été nettement favorables aux riches, leur renvoyant quelque part l'ascenseur. En vérité, Macron ne pouvait nier son appartenance ou tourner le dos à sa vraie famille qui est et reste celle de la finance, celle qui lui a mis les pieds à l'étrier. Au final c'est elle qu'il sert. Ayant décidément une dent contre le monde du travail et les travailleurs (?) [c'est lui qui initia en 2016 la loi sur le droit du travail présentée par Miryam El Khomri (Loi El Khomri/Loi travail)] il déclara au magazine Le Point en 2014 «[Il faudrait] sortir de ce piège où l'accumulation des droits donnés aux travailleurs se transforme en autant de handicaps pour ceux qui ne travaillent pas.» De fait, l'un des principaux chantiers de sa mandature, était de réformer la sécurité sociale (une des particularités de la France) qu'il veut transformer en «protection sociale». Ce qui n'est plus la même chose, selon des experts français en économie. En fait, Emmanuel Macron qui a le regard braqué sur Bruxelles, s'inspire largement des réformes structurelles que l'Union européenne impose ou veut imposer à ses Etats membres et singulièrement à la France qui touchent les retraites, le chômage, le droit du travail et même les grands projets comme le développement numérique. Ce sont ces réformes structurelles qui font la quintessence du programme d'Emmanuel Macron. De fait, ses mesures de réforme du système de protection sociale et du système de retraites ont induit un tollé parmi les économistes et les syndicats que d'ailleurs Macron n'a pas jugé politique de consulter. En fait, nombreux sont les politiques, les économistes et certes les syndicats qui reprochent à Macron d'ignorer la concertation et le dialogue, agissant quasiment en souverain. Certes, on nest pas «Jupiter» pour rien! Sans doute! Toutefois, Emmanuel Macron ressent de plus en plus les contraintes de l'exercice du pouvoir isolé, juché au sommet de sa montagne jupitérienne, loin des vrais problèmes de la société qu'il est censé gérer et diriger. En Macronie, il y a quelque part un retour du bâton... Un boomerang qui risque de faire mal. Cela sans évoquer le scandale Benalla.