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France : L'implosion du "système Macron"
Publié dans Le Maghreb le 08 - 10 - 2018

Les guignolades (lyonnaises) qui ont entouré la démission de Gérard Collomb sont politiquement significatives. La déclaration faite sur le parvis du ministère par le démissionnaire l'est aussi.
Cette démission s'inscrit dans une séquence, désastreuse mais logique, pour Emmanuel Macron dont le pouvoir est aujourd'hui à nu et dont la méthode, mélange d'autoritarisme et de népotisme (ou de clientélisme), ne fonctionne plus. Ils se sont bien envolés les espoirs que certains plaçaient dans son élection. Emmanuel Macron ne doit sa survie politique qu'aux divisions et aux faiblesses de l'opposition.

Hulot, Collomb, des démissions significatives
La démission de Gérard Collomb, survenant après celle de Nicolas Hulot signe une crise politique grave. Qu'elle soit niée par Emmanuel Macron et les siens n'y change rien. C'est une crise politique car ces deux ministres occupaient chacun dans leur registre une place clef dans le dispositif de la " macronie ". C'est une crise politique aussi en raison des déclarations faites par ces personnes.
Nicolas Hulot représentait le ralliement d'une certaine " gauche ", enamourée de symboles écologiques, qui venait contrebalancer le tournant de plus en plus réactionnaire de la politique sociale et économique du gouvernement. Cependant, les couleuvres avalées à répétition par Nicolas Hulot ont eu raison de son estomac. Si sa démission, annoncée avec fracas, a pu prendre le président de la République par surprise, la déclaration qu'il fit en quittant le ministère est encore plus importante. Dans cette déclaration, il s'en prend nommément aux " lobbys " qui empêcheraient toute action réellement écologique de ce gouvernement. On ne peut mieux dire que ce gouvernement, loin d'agir pour l'intérêt général n'est en réalité qu'à la solde d'une coalition d'intérêts particuliers. Cette démission a incontestablement porté un dur coup à Emmanuel Macron, et le remplacement de Nicolas Hulot par un personnage falot et opportuniste, François de Rugy, n'y a nullement remédié. La démission de Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur est un coup aussi grave, et même plus. Il fut, en son temps, le premier soutien politique de poids de l'ascension politique d'Emmanuel Macron. Il représentait son garant sur les questions d'autorité. Mais, le ministre de l'Intérieur ne taisait plus ses critiques depuis quelques semaines et il dénonçait l'isolement croissant du Président. Il avait annoncé sa démission pour après les élections européennes. Qu'il ait avancé sa décision, provoquant cet épisode digne du théâtre de vaudeville qui a entouré sa démission, montre aussi le désarroi profond d'Emmanuel Macron. Mais, retenons aussi la déclaration faite par Gérard Collomb sur le parvis de son ministère. Dans la mise en garde qu'il prononce pour son futur successeur, il décrit une situation très dégradée, des quartiers vivant de fait hors de la République. Cette situation était connue depuis des années, mais elle était niée, par ignorance ou par projet, par une partie de l'élite politique et en particulier par cette partie qui a soutenu Emmanuel Macron. Elle est désormais dévoilée par le ministre lui-même.

L'image dégradée d'Emmanuel Macron
L'impact de ces démissions sur le pouvoir " macronien " est dévastateur. Elles renvoient l'image d'un pouvoir à bout de souffle, peinant à trouver des remplaçants à la hauteur. Cet effet provient, bien entendu, de la dégradation profonde de l'image d'Emmanuel Macron dans l'opinion ces derniers mois. Et, cette dégradation de l'image doit beaucoup au comportement, et à ce qu'il révèle de la personnalité, du président de la République.
Ce n'est pas peu dire que le président de la République paye sa gestion calamiteuse de " l'affaire Benalla ". Au-delà du problème politique de fond, comment laisser à un homme sans références et sans expériences la gestion de la sécurité du Président par le seul " fait du Prince ", au-delà des diverses instructions judiciaires (port d'armes, usurpation de fonction, violence en réunion), Emmanuel Macron n'a jamais su trouver le ton juste pour parler de cette affaire. Sa désastreuse sortie devant les députés " En Marche " avec ces mots " qu'ils viennent me chercher ", a construit l'image d'un Président chef de clan, voire chef de groupe mafieux. On aurait pu mettre cela sur le compte de l'inexpérience, ou de l'exaspération, voire des deux, si ces comportements ne se répétaient pas avec régularité.
Ainsi, lors de sa visite à Saint Martin, île qui fut dévastée par un ouragan il y a un an, une photo a fait scandale, où l'on voit un Emmanuel Macron paradant complaisamment avec deux hommes torses nus, dont l'un est un repris de justice notoire. Très clairement, la diffusion de ce cliché fait partie de la campagne de " communication " d'Emmanuel Macron. Mais, pour cette communication, il n'hésite pas à manipuler et instrumentaliser des anciens délinquants, sans se soucier de ce qu'ils deviendront après son passage. Car la fameuse photo est bien évidemment " posée ", et diffusée avec des intentions politiques évidentes? En fait, il y a là un immense mépris de classe, mais aussi, un immense fond raciste, le même qui s'exprimait dans la plaisanterie grasse de Macron sur les Comores.
Dernier point, la sortie faite par Emmanuel Macron en visite à Colombey-les-Deux-Eglises ou il a déclaré que la France se porterait "autrement" si les Français se plaignaient moins et réalisaient leur chance de vivre dans ce pays, et que: "On ne se rend pas compte de la chance immense qu'on a". Ici encore, le propos transpire l'arrogance, dégouline de mépris.
Car, les sacrifices demandés aux retraités sont importants, et viennent s'ajouter aux cadeaux fiscaux, directs et indirects fait aux entreprises et au 1% les plus riches de la population. Reprocher aux Français de se plaindre, quand on a soi-même toujours vécu une existence protégée, est d'une indécence rare.
Ces trois incidents, et il y en a d'autres, décrivent un Emmanuel Macron qui s'affranchit des codes de dignité dont on attend qu'ils soient respectés par le président de la République, qui laisse parler son inconscient ou s'exprime tant un racisme basique qu'un racisme de classe (et les deux sont de faits très souvent liés) et dont le vocabulaire ne cesse d'être insultant pour les gens qui ne " sont rien ".
Le président de la République est le premier des magistrats. Il doit avoir à l'esprit l'intérêt de TOUS les Français. En s'écartant de cette règle, en établissant son pouvoir sur de la préférence personnelle (Benalla), du clientélisme comme on peut le constater avec le changement dans les règles de nominations des recteurs afin de privilégier une de ses proches, Emmanuel Macron perd ce qui lui reste de légitimité. Il risque d'apprendre bientôt, et à ses dépens, que la légalité sans la légitimité n'est qu'un fétu de paille.

Une crise politique, une crise de régime?
En dépit donc des dénégations répétées d'Emmanuel Macron, nous vivons bien aujourd'hui une crise politique. La méthode Coué a rarement du succès en politique. Mais, l'incohérence de la politique du gouvernement, gouvernement qui s'avère tous les jours de plus en plus piloté par l'Elysée, conduit aujourd'hui à se demander si nous ne sommes pas au bord de la crise de régime. La perte et le découragement de ses alliés de la première heure est un signe qui ne trompe pas. Le seul espoir que peut conserver Emmanuel Macron tient à ce que l'opposition est toujours divisée. C'est ce qui fait son ultime force. Mais, qu'Emmanuel Macron le sache, le mépris engendre toujours la haine, et celle-ci conduit bien souvent à la violence. Il doit se convaincre rapidement que seule une dignité de comportement et de parole peut éviter que cette haine ne se concentre sur sa personne, avec les conséquences tragiques que l'on peut en attendre…


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