«Cette loi vient au secours du parti de la glaciation.» Une fois terminée, la guerre d'Algérie a laissé en héritage des guerres de mémoires. Ayant choisi le silence pendant longtemps, la France officielle s'est maladroitement empressée de fermer la page de l'histoire qui la lie avec l'Algérie. La loi du 23 février 2005 qui glorifie la colonisation française, a soulevé des courroux inattendus dans la République. Les historiens ont tiré les premiers. Car c'est leur discipline qu'on insulte. Ils sont plus d'un millier à avoir signé: «Colonisation, non à l'enseignement d'une histoire officielle». «Cette loi apparaît comme un règlement de comptes, c'est une instrumentalisation et une exploitation du passé», explique l'historien Claude Liauzu, qui a oeuvré pour que cette mobilisation prenne forme. «Depuis des années, on travaille à un dégel pour faire l'histoire ensemble, entre Français et Algériens. Cette loi vient au secours du parti de la glaciation», a déclaré l'historien algérien, Mohamed Harbi. L'appel des historiens publié dans le journal Le Monde le 25 mars 2005, a eu un écho très important : plus de mille signatures ont été récoltées en trois semaines seulement. En plus des historiens, des enseignants se sont engagés à ne pas enseigner le «bon vieux temps des colonies». La Ligue de l'enseignement, la Ligue des droits de l'Homme, le Mrap, le Syndicat de la magistrature et de nombreuses autres associations ont répondu et soutenu l'appel des historiens. En déplacement à Alger à la mi-avril, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a affirmé que "la colonisation est un fait historique particulièrement regrettable". La réaction algérienne, curieusement tardive, est venue de la part du président de la République à la fin du mois de juin. M. Bouteflika a déclaré que cette loi " représente une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme ", en référence notamment à la répression sanglante des autorités françaises contre les Algériens à Sétif (Est) en mai 1945. Le 7 juillet, les deux chambres du Parlement condamnent la loi du 23 février qui a été qualifiée de "précédent grave" par le président du Sénat Abdelkader Bensalah. La polémique prend forme et la France tente de « calmer le jeu » à la fin du mois de juillet. Pour ce faire, elle suggère une nouvelle étape à franchir ensemble, à savoir la création d'une commission mixte d'historiens algériens et français. A l'occasion de la célébration du 60e anniversaire des massacres du 8 mai 45, M.Bouteflika revient à la charge et affirme:"Le peuple algérien n´a eu de cesse d´attendre de la France une reconnaissance des actes commis durant la période de colonisation y compris durant la guerre de Libération pour voir s´ouvrir de larges et de nouvelles perspectives d´amitié et de coopération entre les deux peuples". Un mois plus tard le président de la République réitère sa condamnation et déclare le 29 juin à partir de Tlemcen que "pour la société algérienne, la colonisation française a été massivement une entreprise de dé-civilisation". "Aussi est-il difficile de ne pas être révolté par la loi votée par le Parlement français le 23 février dernier et qui représente une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme". A quelques semaines de la signature du traité d'amitié entre l'Algérie et la France la polémique n'a pas encore connu son épilogue.