L'auteur Najia Abeer est décédée hier quittant le monde de l'écriture et de la littérature à tout jamais. Née à Constantine en 1948, après des études universitaires aux Etats-Unis, elle enseignera au Moyen-Orient et en Algérie. Spécialisée en littérature américaine, elle fut professeur d'anglais jusqu'à la retraite, il y a quelques années. Son premier roman sorti en 2003 aux Editions Barzakh est intitulé : Constantine et les moineaux de la murette. Dans ce livre Najia évoque l'histoire déchirante d'une communauté de femmes et d'un pays aussi. Dans une petite ville non loin d'Alger, Nedjma mène une lutte acharnée contre la dépression et la mort, pendant que Haoua se fait prendre dans la toile islamiste en train de se tisser. Deux femmes, deux destins, deux chemins qui se croisent pour mieux se séparer. La femme toujours au coeur de ses romans, récidivera dans son deuxième roman l'Albatros sorti aux Editions Marsa. Plus que le roman d'une femme, il est celui d'une crise de société, intellectuelle, mais aussi bien spirituelle qu'existentielle au centre de laquelle, non seulement le témoin, mais aussi l'acteur principal est sans doute la femme, même si elle y apparaît comme réduite à la sphère privée. Peut-être justement parce qu'elle y a été renvoyée par des forces contraires. Avec tout cela, l'Albatros de Najia Abeer est un roman merveilleux de fantaisie, d'humour, de délicatesse, de pudeur et de truculence tout à la fois, a souligné Max Véga Ritter, professeur émérite à Clermont Ferrand. Son dernier roman sorti aux Editions Apic est intitulé Bab El Kantara. Plus qu'attachée à sa ville natale, Constantine, Najia Abeer vouait pour elle une passion incommensurable notamment à la Souika, médina, dont la dégradation de ses bâtisses ne cesse d'avancer. Elle s'engagera ainsi auprès du CRI de Constantine, un club de réflexion et d'initiatives créé en 2002 pour sauver les remparts de sa mémoire de l'oubli, de l'effondrement, pour se souvenir et faire parler son enfance, dans ces quartiers ancestraux, ces maisons symboles d'authenticité. «Depuis cette ruée vers l'espace, les anciens quartiers européens du centre-ville furent assimilés par les plus vieux, les bourgs sont devenus faubourgs et ces derniers sont devenus cités», écrit Najia Abeer. Sublimé presque, pour l'auteur, la chute vertigineuse de sa ville qui se délabre jour après jour est le symbole de la déchéance de l'Algérie qui perd ses repères. «Constantine tu me fais souffrir, est-ce que tu le sais?», avoue-t-elle. Pour elle, Constantine, ce sont aussi ces moments de douceur et de villégiature dans cet espace libre, d'antan rempli de «sensations et des odeurs qui se dégagent des ruelles et des souika». Elle a été inhumée hier à Constantine.