La parole et l'écrit de cette tragédie sont moins solides qu'une invulnérable stèle qui rassemble en communion de pensées ce que furent ses martyrs du devoir. Au creux de cet automne-là, Miliana se réveille sous un triste ciel balayé par d'impérieux nuages, déchiquetés çà et là par une brise parfumée aux senteurs de néroli, de chèvrefeuille et de galant de nuit. Quelques taciturnes rayons de soleil pourfendent de temps à autre cet amas vaporeux et viennent réchauffer quelques lève-tôt qui vaquent à leurs occupations. Nous sommes à Miliana, la veille d'un rendez-vous anniversaire du 1er Novembre 1954 que nous rappellent des chants patriotiques diffusés par des enceintes accrochées aux quatre coins de la ville millénaire. C'était à la veille d'une journée commémorative, mais aussi festive dont le comité des fêtes, riche en expérience, avait concocté un programme culturel et sportif. Pour une fois les What's et ses mémorables et talentueux musiciens Mohamed Saâdi (chanteur), El Foul Abderahmane (guitare), Cherief Mahfoudh (batteur), Bouyarbou Youcef (orgue), El Foul Miliani (bassiste) ne seront pas de la partie car tout se joue autour du cinéma Variétés où est prévue une représentation scénique de Mahfoud Touahria, figure de proue de l'animation culturelle. Il est 18h lorsque la porte s'ouvre sur une foule qui joue poliment du coude, car il s'agit avant tout d'une manifestation culturelle. Pendant que Mahfoud, le héros de la pièce, déclame la bravoure des Moudjahidine, personne ne soupçonne qu'une tragique pièce se déroule sur les flancs du Zaccar. LE DEMON DE MINUIT. Ce n'est qu'en fin de représentation à quelques minutes de minuit qu'un branle-bas de combat secoua la ville. Un grand incendie fut déclaré qui inquiéta les autorités, dépassées par l'évènement. La peur s'empara de la cité. Alors, dans la précipitation, des camions firent le tour de la ville pour embarquer les jeunes et moins jeunes vers une destination sans retour. Les uns animés par un esprit de solidarité à l'appel du devoir, les autres poussés par cet élan invulnérable, mais d'autres vigoureusement invités pour être déversés sur un sentier qui mène vers le brasier. Ceux qui se sont aventurés au-devant des premières flammes se sont vus cernés par le feu, d'autres, suffoqués par une épaisse fumée, ont été asphyxiés. Le feu eut raison de plusieurs dizaines d'arbres et de 23 jeunes qui se livrèrent corps et âme pour venir à bout de ce féroce ennemi post-indépendance. L'APOCALYPSE. Le matin de ce terrible drame, Miliana, ville martyre, s'ouvrit sur un terrible paysage apocalyptique. Le légendaire silence de la cité déchiré par les cris des femmes sans «haïk» courant éperdument en se lacérant les joues et meurtrissant les cuisses, des pères retenant difficilement leurs larmes, la gorge nouée, les cris des enfants terrorisés. Sur le trottoir de l'hôpital Farès, les corps carbonisés, tel un tableau de chasse, ont été entreposés pour identification. C'était la psychose qui connut un délitement vers une révolte populaire blessée dans sa chair. Toute la région fut douloureusement consternée à l'annonce de la tragédie. Miliana n'oubliera jamais ses martyrs post-indépendance de ce que fut le terrible incendie du Zaccar. ET NOURRIR LA MEMOIRE. Aujourd'hui, qui est l'élève de hier, doit se dire que la parole et l'écrit de cette tragédie sont moins solides qu'une invulnérable stèle qui rassemble en communion de pensées ce que furent ses jeunes moudjahidine, martyrs du devoir. Nous souhaiterions que le souvenir de ces valeureux qui ont donné leur vie pour leur Zaccar soit pérenne sur la base d'une stèle commémorative dont les Milianais espèrent en faire un lieu de recueillement. Pour que le souvenir de cette tragédie ne s'estompe pas au fil du temps, la société civile, dont les membres sont regroupés au sein de l'A.A.M. (Association des amis de Miliana art et culture) ont, pour la deuxième fois consécutive, organisé le tour pédestre de Miliana à l'occasion de ce dramatique événement. M.R.Y. La liste des victimes: Mahfoudh TAHARI, GHALMI Med, FAROUZI Med, EL-FOUL A, BENLACHHEB, BENNICHE A, RAMDANE Hamza, KOLEI M, AZIZI Med, MERKOUSSI M, MOKHTARI M, RANDI Ali, TADBIRT, SAADOU Aïssa, SAADOUNE Miloud, SEBAIHIA Ali, SNP Ahmed, SNPBrahim, SNP Med/SAID D, KARTOUSSE, REZKALLAH Sid