Les Martyrs reviennent cette semaine, version Sonia qu'ont interprétée les 17 comédiens du Théâtre national d'Alger, la soirée de samedi dernier, au Théâtre régional de Batna est une œuvre de réflexion inscrite dans le cadre de la tragédie humaine. À travers la puissance allégorique des personnages et des situations, la pièce a porté une véritable critique sociale et politique. Au lieu de rédiger des pamphlets, Sonia, a abusé intelligemment de l'humour noir, qui souligne avec cruauté et désespoir l'absurdité de notre société, tout en révélant des choses habituellement cachées. La pièce a même su glisser quelques critiques politiques sous les dehors de la fiction. Ce genre fantastique adopté est une véritable dénonciation, voire une revendication d'une liberté confisquée. Les martyrs reviennent cette semaine se situe à la limite du fantastique, mais au cœur même du débat de société. Sous des airs patriotiques, la pièce commence par la présentation du personnage Ammi Laâbed (interprété par Takharist Rédha), un témoin de l'histoire et de la Révolution 54, un témoin narrateur. Six femmes habillées en blanc le présentent comme un homme brave et juste, qui s'est toujours sacrifié pour l'honneur et la patrie. Au fil de la discussion, introduisant le surnaturel dans le cadre réaliste d'un récit, il annonce la nouvelle à tout le village, à savoir qu'il vient de recevoir une lettre lui annonçant le retour des martyrs du village à leur tête son fils Mustapha, tombé au champ d'honneur. Systématiquement, c'est une réaction de refus, de rejet, de silence ou de peur face à cet événement surnaturel, à l'exception de Khedidja (interprétée par Amel Faïza) symbole de la fidélité et de la femme algérienne. La pièce fustige les sangsues, les charognards, les voleurs, les lâches et les hypocrites dissimulant des véritables sentiments et feignant des opinions et des vertus qu'ils n'ont pas. Des discours contrastés, des chants langoureux montrent le degré du drame qui se joue. Un véritable réquisitoire, un véritable discours accusatoire, une véritable mise à nu de la société algérienne confrontée à cette terrible dépossession, à l'immense espoir né de l'indépendance fait suite l'étouffement des libertés...La pièce, dans laquelle le rêve et la réalité forment un écheveau inextricable, peint le tableau de la tragédie sociale. Le metteur en scène a choisi le style allusif. Le recours aux formes d'expression populaire pratiqués dans la société traditionnelle à savoir les six “goualâte” ou “meddahate” a participé à donner au spectacle sa beauté et a accroché le spectateur. Le décor simple et suggestif composé de tombes et d'une stèle commémorative a aidé largement à la compréhension de la pièce. B. Boumaïla