De par son style à lui, l'artiste a fini par gagner ses lettres de noblesse et inscrire son nom en gros caractères dans la cour des grands. Entre une tekka et une bouma Brahim Aggad batifole. Il joue sur du velours. Avec une derbouka sur la jambe, il est dans son monde. Chez lui. L'homme aux doigts magiques qu'est cet artiste de quarante et un ans a fini par gagner ses lettres de noblesse et inscrire son nom en gros caractères dans la cour des grands aux côtés, osons-le dire quitte à enfreindre certains tabous qui ont la carapace si dure, des maîtres de la percussion tels les défunts Ali Debbah dit Alilou, Mohamed Boumala dit Papou, Lakhdar El Achab qui n'est autre que le frère du grand Amar Lachab et bien d'autres. En plus qu'il soit issu d'une famille de musiciens, et qu'il a par la suite, à partir de 1976, fréquenté quelques associations musicales et des amis qui l'ont soutenu durant toute sa carrière, comme Tarik Fodil et Rezki Hadji glisse-t-il, ses petits ou plutôt ses grands pas dans le vaste monde du patrimoine musical, le chaâbi notamment, Brahim les doit à un musicien hors pair, l'homme du cithare, Mabrouk Hammaï, son mentor. «C'est lui qui, en 1987, m'a balancé dans le monde de la musique. C'est à lui notamment que je dois toute ma notoriété», confie-t-il. Depuis, petit à petit, le jeune percussionniste commence à fréquenter les «hautes sphères» de la musique et prend goût à une passion qui le propulse aussitôt auprès des grands noms, la crème du chaâbi. Citons, au hasard, comme ça, Amar Ezzahi, Kamel Bourdib, Abderrahmane El Kobbi, Boudjemaâ El Ankis... Dans les studios, le jeune Aggad accompagne Nadia Benyoucef, l'une des divas incontestées du hawzi, Naïma El Djazaïria, Hamidou et bien d'autres stars. C'est un début de carrière des plus brillants pour un jeune artiste dont le talent tel que son nom sur la place d'Alger fut reconnu, accepté et dans certains cas adulé. Car si la notoriété s'est vite imposée et si l'on fait à chaque fois appel à ses services, Brahim, qui est parmi les rares percussionnistes aux côtés de Dahmane Bentaleb, Rabah Khalfa, Mohamed Tarchoune, Omar Melloud, a donné corps à son style qui lui est propre. Allergique à l'imitation, l'artiste fait un assemblage de sons rythmiques qui rend son jeu à la fois subtile et agréable. Toutefois, Brahim ne crie pas pour autant victoire. «Je n'ai inventé aucun rythme. D'ailleurs on ne peut prétendre à des tels exploits supposés. L'ensemble des rythmes ont été depuis longtemps établis», précise l'artiste qui, pour illustrer l'étendue de son style, indique que nombreux ont été des jeunes novices à s'inspirer dans leur travail de la touche Aggad. Contrairement à certains drabekdji passés ceux-là pour des purs conservateurs, Brahim, lui, se plaît à tendre l'oreille à d'autres rythmes, particulièrement la salsa brésilienne de laquelle il a puisé quelques touches pour améliorer son guebbahi (rythme). Et c'est dans ce sillage que ce drabki hors pair, soucieux de contribuer à sa manière à la préservation de cette musique, a enregistré un CD dans lequel il a répertorié l'ensemble des rythmes utilisés dans les musiques traditionnelles et modernes. Par ailleurs, s'il se dit ouvert à d'autres musiques et qu'il a joué dans des orchestres modernes, orientaux et kabyles, Brahim avoue, sur un ton de fierté apparente, son penchant pour le chaâbi. C'est un habitué des fêtes familiales, véritables tribunes. Là où s'impose ou non le talent de tout un chacun, Brahim a accompagné dans ces layali atypiques les interprètes qui ont pignon sur rue dont, cite-t-il, Abdellah el Guettaf, Aziouz Raïs, Abdelkader Chaou... Les chouyoukhs auxquels il voue toute son admiration ont, pour nom, l'inamovible El Hadj El Anka, cheikh El Hasnaoui, Mohamed lekbir de Béchar et El filali. Mêlant avec tact fidélité aux anciens et passion pour les contemporains, Brahim Agad, pour résumer, est un artiste complet qui a su et pu apporter un plus à notre patrimoine musical. Son nom restera gravé à jamais dans la prestigieuse liste des grands de cette musique. Bravo l'artiste!