Un président déterminé, un ministre des Affaires étrangères, pour le moins d'une redoutable efficacité, une politique de développement ambitieuse tournée vers les technologies nouvelles, la Tunisie est, par excellence, le pays le mieux indiqué en Afrique pour abriter la deuxième phase du Sommet mondial sur la société d'information. Quelque 15000 participants, 192 nations concernées, dont 155 ont déjà confirmé leur participation. Parmi ces pays, plus d'une cinquantaine seront représentés au plus haut niveau et ce chiffre est appelé à être revu à la hausse, pour la simple raison, qu'habituellement, les Etats annoncent souvent la participation de leurs présidents dans la dernière semaine précédant la tenue de l'événement. L'événement en question n'est autre que la seconde phase du Sommet mondial sur la société d'information qu'abrite Tunis du 16 au 18 novembre prochain. Un Sommet planétaire par excellence, appelé à se pencher sur une question de la plus haute importance, puisqu'il s'agira de «disséquer» la révolution technologique et sortir avec des décisions à même de faire profiter toute la population mondiale des retombées de «l'explosion» du numérique. Pour l'heure, les sociétés du tiers-monde sont exclues de cette dynamique «révolutionnaire». Une véritable fracture entre le Nord et le Sud que la rencontre de Tunis se propose de réduire. Organisé par l'Union internationale des télécommunications (UIT), organisation onusienne, le Sommet mondial sur la société d'information (Smsi) est une idée qui a germé en 1998 à l'initiative de la Tunisie qui a appelé à la tenue d'une telle rencontre. L'appel de Tunis est devenu une réalité en 2003, année de la première phase du Sommet. La communauté internationale s'est donc rencontrée à Genève où la question de la révolution numérique a été discutée. Un plan d'action a donc été mis en place par l'ensemble des nations de la planète. Le rendez-vous de Tunis a été précédé par quatre réunions au niveau des experts qui ont eu lieu à Genève et Tunis dans le premier semestre de l'année 2004. Suivies de rencontres à l'échelle régionale à Damas, Akra et Rio de Janeiro, la préparation de la seconde phase du Smsi a considérablement défraîchi le terrain et permis d'ouvrir de sérieuses perspectives d'exploitation du numérique, tant au plan législatif que commercial au niveau planétaire. Le chef de cabinet du ministère tunisien de la Technologie des télécommunication, M.Jawhar Jamoussi, relève de grandes avancées lors des réunions préparatoires et assure qu'un consensus international s'est dégagé pour un nombre important de points. Reste seulement la gestion de l'Internet qui, affirme-t-il, pose encore problème entre le Nord et le Sud. Cela dit, «l'espoir de trouver un terrain d'entente autour de cette question est encore de mise», insiste-t-il. La réunion au niveau des experts, qui se tiendra le 14 novembre prochain, dernier virage avant la tenue du Sommet, «débouchera sur une formule satisfaisante pour l'ensemble des pays», espère M.Jamoussi Au plan organisationnel et à moins de deux semaines du jour «J», la capitale tunisienne est fin prête. Forte d'une infrastructure hôtelière d'un niveau international, Tunis dispose de toutes les commodités pour assurer un succès certain à cette rencontre. Cela en plus de la réalisation de l'infrastructure destinée à recevoir les participants au Sommet qui se tient au Palais des expositions de la capitale. La société civile au premier rang Une grande partie de «l'édifice» censée abriter quelque 15.000 personnes a été construite pour ne durer que le temps de la rencontre. Plusieurs milliers de mètres carrés ont ainsi été aménagés, comprenant la salle de conférences, un gigantesque centre de presse, des restaurants et plusieurs salles de réunion. Coup de l'opération : 6 millions d'euros. Quelque 300 réunions vont se tenir pendant le Sommet. Cela donne une indication sur le caractère titanesque de la rencontre que va abriter Tunis, laquelle a concocté un programme des plus ambitieux avec du spectacle garanti. Un jet d'eau de plus dix mètres au centre du Lac de la capitale, l'illumination de toute l'avenue Habib Bourguiba et une flopée de manifestations culturelles et scientifiques sont en effet prévus. Le Smsi sera une occasion en or pour les jeunes entreprises du monde entier, spécialisées dans les technologies de l'information et la communication, d'être en contact avec les géants du numérique. En effet, les plus importantes compagnies d'envergure mondiale ont confirmé leur participation à cette rencontre qui a ceci de novateur, qu'elle accorde à la société civile et aux entreprises privées une place de choix. Et pour cause, à suivre le discours officiel de l'Etat tunisien, le Sommet ne peut être conçu en l'absence des acteurs premiers de la révolution numérique. Cette volonté politique clairement affichée par Zine El Abidine Ben Ali s'exprime à travers la mise en place d'un fonds international, destiné à financer le séjour des associations et entreprises participantes qui viennent des pays pauvres. La Tunisie a alimenté ce fonds à hauteur de 400.000 dollars. Cette initiative participe d'une détermination de l'Etat tunisien de donner toutes ses chances de réussite au Sommet. Et pour cause, la réduction de la «fracture numérique» ne peut se faire qu'à la condition que les «pauvres» aient l'opportunité de défendre leur point de vue. En ce sens, il est important de souligner la chance exceptionnelle qu'offre la Tunisie aux pays du Sud. Le président Ben Ali confirme d'ailleurs cet état de fait dans son message aux participants au Sommet qui «doit préparer le terrain à une société dans laquelle règnerait l'égalité des chances, de mise à profit des bienfaits des technologies de l'information et de la communication, en permettant l'accès de tous aux sources du savoir et de l'information, pour que soit jeté ce faisant un pont solide de développement et d'échanges culturels entre les différentes cultures et civilisations, et pour que se concrétisent les nobles valeurs de solidarité et de coopération», souligne le chef de l'Etat tunisien. Il faut également reconnaître que la volonté de la Tunisie de faire profiter les sociétés du tiers-monde des bienfaits de la révolution technologique ne relève pas seulement du discours. Une intense activité diplomatique est en cours pour aboutir à cet objectif stratégique. Ainsi, fort de l'expérience de son ministre des Affaires étrangères, M. Abdellah Abdelawahab, la Tunisie est en train de réussir l'un des paris les plus importants de ce début du XXIe siècle. Nommé au poste qu'il occupe présentement, M.Abdelawahab qui a occupé de très importants postes au sein des structures de l'Etat, dont directeur général à l'Agence de presse officielle tunisienne (TAP) et plusieurs fois ambassadeur en poste dans des capitales occidentales, cumule un savoir-faire d'une rare efficacité. Un exemple à suivre L'action politico-diplomatique de la Tunisie a été déterminante dans la prise de conscience de nombreux pays quant à la nécessité d'intégrer la donne numérique comme une option stratégique de la politique de développement. Et ce pays donne l'exemple en la matière. En effet, la Tunisie est effectivement entrée dans l'ère du numérique. Avec une télédensité exceptionnelle pour le monde arabe en matière de téléphonie mobile et fixe, le payement électronique qui est une réalité dans le pays, une pénétration très avancée de l'Internet dans les foyers, la Tunisie est à la pointe de la technologie, en comparaison avec d'autres nations de même niveau de développement. Ne s'arrêtant pas seulement aux aspects de consommation du numérique, les pouvoirs publics se sont lancés dans une vaste et ambitieuse entreprise de «mise à niveau» de l'économie nationale sur le plan technologique. Ainsi, l'option des pôles technologiques est en phase de concrétisation, à l'image du pôle El-Gazala qui regroupe en plus d'instituts supérieurs de technologie, une quarantaine d'entreprises activant sur site. Plus encore, dans ces pôles, au nombre de dix, il est prévu de mettre en place une pépinière d'entreprises. Une idée nouvelle dans les pays en voie de développement que la Tunisie semble avoir adopté comme une option stratégique. Cet effort de soutien à la création d'entreprises activant dans les nouvelles technologies est une démarche constante qui commence déjà à porter ses fruits. Des dizaines de sociétés tunisiennes existent et réalisent un travail conséquent dans le domaine. Netcomcept, une jeune entreprise spécialisée dans la réalisation de sites web en est un exemple parfait. En trois ans d'existence, elle a réussi à convaincre des partenaires étrangers et fait plus de la moitié de son chiffre d'affaires à l'export. Une «success story» qui n'est pas une exception dans un pays qui s'est donné les moyens humains à la mesure de son ambition. Et pour preuve, les universités tunisiennes assurent des formations de qualité, donnant aux jeunes le savoir qu'il faut pour concurrencer les Occidentaux sur leur propre terrain. Pour toutes ces raisons, l'organisation de la deuxième phase du Sommet mondial sur la société d'information à Tunis n'est ni un hasard, ni un accident. Bien au contraire, le pays a démontré de grandes capacités politiques, humaines et organisationnelles, à même de donner un sérieux coup de fouet à une façon de voir qui veut que les nations en développement ne peuvent prétendre à la révolution numérique.