Si pour les Européens, l'enjeu est de contrôler le Net, pour les pays en voie de développement, c'est plutôt l'accès aux nouvelles technologies qui préoccupe. Quelque 15.000 participants, 192 nations concernées, dont 155 ont déjà confirmé leur participation. Parmi ces pays, plus d'une cinquantaine seront représentés au plus haut niveau. Les présidents libanais, Emile Lahoud, nigérian, Olusegun Obasanjo, et sénégalais, Abdoulaye Wade, sont arrivés hier à Tunis pour assister à ce rendez-vous planétaire, où l'Algérie sera présente à travers le chef de l'Etat, ainsi que par deux entreprises versées dans les TIC, Mobilis et l'Eepad. Organisé sous l'égide de l'ONU par l'Union internationale des télécommunications (UIT), le Smsi a été initié en 1998 à l'initiative de la Tunisie qui a appelé à l'organisation d'une rencontre au niveau international. L'appel de Tunis a débouché en 2003, sur la tenue de la première phase du Sommet qui a eu lieu à Genève. Il en est sorti un plan d'action que la phase de Tunis devrait affiner pour passer sérieusement à l'action. Le rendez-vous d'aujourd'hui a été précédé par quatre réunions au niveau des experts qui ont eu lieu à Genève et Tunis dans le premier semestre de l'année 2004. Suivie de rencontres à l'échelle régionale à Damas, Akra et Rio de Janeiro, la préparation de la seconde phase du Smsi a considérablement défriché le terrain et permis d'ouvrir de sérieuses perspectives d'exploitation du numérique, tant au plan législatif que commercial au niveau planétaire. Cependant, tout ce travail se heurte à un sérieux blocage des Etats-Unis qui refusent de partager leur prérogative. Le débat engagé hier au niveau des experts s'est prolongé tard dans la soirée et risque de déborder sur l'ouverture même du Sommet qui se verrait donc, peut-être, reporté de quelques heures, faute de consensus. Il faut savoir que le contrôle du Net relève actuellement d'une entité américaine privée, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann), chargée d'attribuer les «noms de domaine» tels que .com, .org, .fr ou encore .ch. Une majorité de pays redoutent que cet organisme, lui-même chapeauté par l'administration américaine, puisse par exemple bloquer les adresses d'un pays entier pour des raisons économiques ou militaires. Washington, quant à elle, dit redouter qu'un changement du dispositif actuel ne donne un pouvoir indu à des pays qui répriment chez eux les «cyberdissidents». Cela dit, les observateurs estiment pour leur part que la «guéguerre» est essentiellement d'ordre économique. L'Internet représente, en effet, un marché immense, «dont l'importance va être décuplée dans les cinq à six années qui viennent», relève un diplomate européen qui prévoit que «la quasi-totalité des activités humaines sera à l'avenir traçable via l'Internet», notamment le commerce, à travers la généralisation des puces électroniques. Si pour les Européens, l'enjeu est le contrôle de la Toile, pour les pays en voie de développement, c'est plutôt l'accès aux nouvelles technologies qui préoccupe les dirigeants qui participeront au Sommet. En effet, l'un des aspect primordiaux du rendez-vous de Tunis, ce n'est pas tant le risque d'éclatement de la Toile numérique qui est important, mais la nécessité d'intégrer le XXIe siècle et ne pas rater le train de la numérisation. La Tunisie, autant que les autres nations émergentes, présentes au Sommet, a l'intention de défendre le principe de la réduction de «la fracture numérique» entre le Nord et le Sud. La participation au Sommet des compagnies majors en matière de technologies de l'information et de la télécommunication constitue, dit-on sur place, un atout important pour garantir un transfert de technologies, d'autant que la société civile est fortement représentée à Tunis. Cette présence relève d'ailleurs d'une volonté politique clairement exprimée par Zine El Abidine Ben Ali qui a mis en place un fonds international destiné à financer le séjour des associations et entreprises participantes qui viennent des pays pauvres. La Tunisie a alimenté ce fonds à hauteur de 400.000 dollars. C'est dire donc que la détermination de la Tunisie de faire profiter les sociétés du tiers-monde des bienfaits de la révolution technologique ne relève pas seulement du discours. Un pays qui place les TIC au centre de sa politique de développement. Ainsi, plusieurs pôles technologiques ont vu le jour dans ce pays. Une idée nouvelle dans les pays en voie de développement que la Tunisie semble avoir adoptée comme une option stratégique. Des dizaines de sociétés tunisiennes existent et réalisent un travail conséquent dans le domaine de l'Internet. Aussi, il est entendu que l'organisation de la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l'information à Tunis n'est pas le fruit d'un quelconque hasard. La Tunisie est l'un des rares pays africains et arabes à avoir montré une réelle volonté politique, des ressources humaines et organisationnelles de rang international. Une expérience qui donne un sérieux coup aux idées reçues qui veulent que les nations en développement ne peuvent prétendre à la révolution numérique.