L'Algérie présente bien l'ensemble militaire le plus imposant de la rive maghrébine de la Méditerranée. Le général-major Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'ANP a achevé, hier une visite au quartier général de l'Otan à Bruxelles, qui avait duré du 13 au 15 novembre, sur l'invitation du général Raymond Henault, président du comité militaire de l'Otan. Le chef d'état-major de l'ANP avait pris part à la 3e réunion du comité militaire en session des chefs d'état-major de la défense des pays de l'Otan avec ceux des pays du dialogue méditerranéen, réunion qui s'était inscrite dans le cadre de «la poursuite du renforcement des relations de coopération» entre les pays de l'Alliance et ceux du dialogue méditerranéen. Cette visite du patron de l'armée algérienne est la troisième du genre, après celles du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, en 2003, puis celle de Gaïd Salah, aussitôt après avoir pris ses fonctions de chef d'état-major de l'ANP. S'il faut encore compter les deux visites effectuées par le président de la République lui-même en 2000 et en 2002 et les multiples visites de hauts responsables de l'Alliance en Algérie, ainsi que les dizaines de contacts et exercices militaires conjoints dans le cadre des forces bilatérales ou multinationales, menés en Méditerranée, l'on peut évaluer très poussé et très sérieux le volume des échanges Algérie-Otan. Il y a quelques jours, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, affirmait qu «il reste encore beaucoup d'efforts à déployer en vue d'améliorer les perceptions réciproques et la couverture médiatique auprès des opinions publiques, notamment arabe et musulmane, afin de corriger certains préjugés, nés d'incompréhensions, de manque de transparence et de concertation dans le processus décisionnel. Ce bref exposé qui a clos l'allocution d'ouverture du ministre algérien des Affaires étrangères, résumait de manière claire les soucis de l'Algérie et renseignait en fait sur la nature souvent complexe, mais très importante, des relations que l'Algérie est en train de mener avec l'Otan. La coopération entre l'Algérie et l'Otan «est dense et diversifiée», et l'Algérie y apporte «une contribution substantielle en vue de sa promotion en tant qu'instrument actif, à même de contribuer à la réalisation des objectifs de paix, de sécurité et de stabilité en Méditerranée». Dans ce cadre, il a qualifié le bilan de cette coopération de «très satisfaisant». Evoquant le dialogue méditerranéen de l'Otan, il a rappelé les principes sur lesquels l'Algérie fonde sa politique de coopération en matière de sécurité et de défense régionale, à savoir «l'unité et l'indivisibilité» de celle-ci, «une approche globale et équilibrée» et «le dialogue et la concertation pour favoriser le rapprochement entre les peuples et l'instauration de la paix et de la stabilité dans la région». En réalité, pour Alger, l'essentiel réside dans le fait de clarifier ses positions politiques dans sa coopération avec l'Otan. Ses dernières participations dans des exercices avec le dialogue méditerranéen, où il y avait aussi les forces israéliennes, ont prêté à quiproquo. L'engagement de l'Algérie dans sa coopération avec l'Otan cherche surtout à discuter, à refuser des actions imposées, à entreprendre avec l'Otan un partenariat politique et militaire qui ne serait pas à sens unique et à ne pas recourir à une approche uniformisée en matière de sécurité. Depuis 2000, date de la première visite officielle algérienne au siège de l'Otan, à Bruxelles, une dizaine de manoeuvres militaires avec des forces combinées ont eu lieu en Méditerranée. Il est évident que les Etats-Unis, hégémoniques au sein de l'Otan, ont donné le coup de pouce à la percée algérienne dans la région, au détriment d'autres pays. Pour Washington, et depuis septembre 2001, il y a cette incommensurable crainte d'être encore la cible d'attentats terroristes, et pour l'administration Bush, la notion «zéro mort» devenant absurde, l'impératif est d'assurer sa propre sécurité loin, très loin de ses côtes. Depuis cette date, humiliante, cruciale et déterminante pour Washington, près de 60.000 bateaux ont été interceptés et interrogés par les forces de l'Otan, alors que 75 autres ont été interpellés et 500 escortés: c'est l'opération Endeavour. Pour l'Otan, qui infléchit sous la pression des Etats-Unis, l'essentiel dans cette nouvelle approche est de garantir la sécurité dans la Méditerranée et la vaste bande du Sahel, et dans cette optique, «la coopération avec l'Algérie est extrêmement prometteuse», selon les propres termes de Patrick Hardouin, secrétaire général-adjoint de l'Otan, en visite à Alger, en décembre 2004. En fait, c'est cela même l'intérêt général porté subitement à l'Algérie depuis le 11 septembre: la contribution dans la lutte antiterroriste. D'un côté, elle présente bien l'ensemble militaire le plus imposant de la rive maghrébine de la Méditerranée et d'un autre, elle affiche une expérience majeure dans la lutte antiterroriste dont ne peuvent se prévaloir ses voisins ni même ses partenaires occidentaux. Et c'est ce qui pousse, aujourd'hui, la diplomatie algérienne, menée en premier lieu par l'ancien ministre des Affaires étrangères, aujourd'hui chef de l'Etat, d'user de cette carte pour introduire ses «exigences» politiques. Les aspects techniques et militaires, désormais, suivront et ne sont plus suivis.