Dans une seule transaction, un trafiquant a réalisé un bénéfice de 12 millions de dinars. Une cinquantaine d'affaires de vol de câbles téléphoniques et électriques ont été traitées durant les neuf derniers mois de l'année en cours au niveau des différentes compagnies de la Gendarmerie nationale du pays. Il ressort de ce traitement, l'arrestation de quelque 56 individus, membres de plusieurs réseaux activant dans le trafic de cuivre extrait des câbles téléphoniques et électriques. Les mis en cause ont tissé des ramifications dans pratiquement toutes les wilayas du pays. Ce genre de trafic relève bien évidemment de la criminalité organisée. Il s'agit là de cette activité irrégulière qui commence à partir d'une attaque perpétrée contre l'une des installations d'Algérie Télécom ou de la Sonelgaz pour finir dans les marchés mondiaux où, suite à son cheminement illicite, le cuivre algérien est revendu à des sommes qui sont loin de refléter son prix réel. Autrement dit, il existe bel et bien une sorte d'interconnexion entre les réseaux algériens spécialisés dans le trafic du cuivre et ceux d'origine étrangère, issus des pays comme la France, l'Espagne, le Liban, la Tunisie...pour ne citer que les destinations favorites des trafiquants. Et comme preuve édifiante, il n'y a qu'à se référer à cette affaire de saisie d'une quantité importante de déchets de cuivre opérée par la gendarmerie nationale dans un parc de la zone industrielle de Aïn-M'lila, exploité par le dénommé Z.B. Le traitement de cette affaire, remontant au mois de mars dernier, a permis la récupération d'une dizaine de conteneurs d'un poids total de 185 tonnes, chargés de déchets de cuivre. Les vérifications des documents afférents à cette marchandise ont relevé un défaut de facturation, d'où le caractère illicite de l'opération d'exportation. La marchandise était destinée à la France via la port d'Annaba. Une société de droit français, Afmet Recyling, devait réceptionner lesdits conteneurs. Les gendarmes ont aussi découvert au cours du traitement de cette affaire que le dénommé Z.B. agissait en complicité avec un commerçant exerçant à Constantine et un «récupérateur» de déchets ferreux, résidant à Biskra. «Z.B. ne pouvant agir seul dans cette affaire, bénéficie certainement de nombreuses complicités dans différentes régions du pays, chargées de collecter et de lui expédier le cuivre destiné à la revente à l'étranger», a-t-on mentionné, entre autres, dans le rapport de la Gendarmerie nationale. Comment activent les réseaux Il est également inscrit noir sur blanc dans ce même rapport que les services de la Sonelgaz ont apporté leur confirmation au sujet des 185 tonnes de cuivre saisies. Les mêmes sources attestent que cette marchandise provient des câbles dérobés dans différentes localités du pays, dont a été victime le réseau électrique national. A la lumière de ces informations, une question s'impose d'elle-même : quel est le mode opératoire des contrebandiers algériens, sachant qu'ils brassent un immense territoire et bénéficient de multiple complicités à différents niveaux. En vue d'obtenir des éléments de réponse, nous nous sommes rapprochés du lieutenant colonel M.Djarbouaâ de la gendarmerie nationale. Ce dernier nous fera part, d'entrée, que ce fléau est plutôt l'affaire de gangs organisés avec des tâches précises pour chaque membre du réseau. La même source indique que ceux chargés de «la basse besogne», allusion aux délinquants, ont pour tâche de subtiliser les câbles téléphoniques et électriques. Le «butin» est ensuite emmagasiné dans de véritables «centres régionaux». Une fois atteint le «seuil de rentabilité» en termes de tonnage, d'autres membres dudit réseau interviennent pour l'acheminement de la marchandise de divers «lieux régionaux» de stockage à un «centre» national géré par un gros bonnet du trafic. C'est en quelque sorte le «sommet de la pyramide». Et c'est à ce niveau que se négocie le contrat avec un opérateur étranger, intéressé par la récupération du cuivre. M.Djarbouaâ nous informe, en outre que depuis l'année 2000 à nos jours, le nombre d'affaires ayant trait au trafic de cuivre, traitées par la Gendarmerie nationale, ne cesse de progresser. Le pic a été atteint en 2004 avec quelque 251 affaires recensées et pas moins de 290 personnes arrêtées en 2004. A titre illustratif, notre interlocuteur nous a relaté comment la Gendarmerie nationale a pu procéder au démantèlement d'un réseau de trafic de cuivre ayant à sa tête le nommé M.A qui a reconnu avoir revendu cette matière première à des clients étrangers, de nationalités diverses notamment française, tunisienne, libanaise et palestinienne. Tout a commencé lorsque les éléments de la compagnie de Sidi Boubekeur, dans la wilaya de Saïda ont intercepté le dénommé Z.M. transportant à bord d'une 404 bâchée immatriculée à Chlef, quelque 400 mètres de câbles électriques. Z.M. a tout de suite reconnu avoir cisaillé la quantité de câbles qui se trouvait en sa possession, et ce à partir d'une ligne basse tension au douar de Ain Beida, dans la même wilaya de Saïda. Le mis en cause a aussi décliné aux gendarmes l'identité de ses complices qui l'ont assisté dans sa besogne en précisant que les câbles volés allaient être remis au dénommé M.A. le commanditaire cité plus haut, résidant à Koléa dans la wilaya da Tipaza. Dans l'un des entrepôts gérés par ce dernier, les gendarmes ont mis la main sur une quantité de 22 quintaux de câbles électriques stockés sans le moindre document pouvant démontrer que cette marchandise a été acquise d'une manière conforme à la loi. M.A. a été aussitôt arrêté et c'est à son tour d'avouer aux éléments de la Gendarmerie nationale sa nature de trafiquant de cuivre et que la dernière transaction accomplie avec des Français est évaluée à plus de 12 millions de dinars. Selon ses dires, M.A. entretenait depuis 1999 des relations commerciales avec les sociétés étrangères, toutes les deux basées en France. 18 marchés d'un montant oscillant entre 300 et 800 millions de centimes ont été passés avec ces entreprises. M.A. a enfin déclaré aux enquêteurs avoir vendu en 2003, au niveau de son dépôt sis à Koléa des produits cuivrés et d'aluminium à un client étranger qui s'est chargé lui-même du transport de la marchandise jusqu'au port, en vue de son exportation. Des terroristes impliqués Le lieutenant-colonel nous apprend que le fléau de vol des câbles électriques et téléphoniques remonte aux années de braise où le terrorisme était maître des lieux partout en Algérie. «Les contrebandiers du cuivre ont profité de l'engagement des forces de sécurité dans la lutte antiterroriste pour s'attaquer aux installations électriques et téléphoniques et arracher le plus de câbles», souligne notre interlocuteur. Il citera par ailleurs une des affaires traitées par la gendarmerie remontant à la fin de l'année écoulée et où les trafiquants ne sont autres que des terroristes en activité. En effet, en date du 21 octobre 2004, le commandement de la gendarmerie de Berrahal dans la wilaya d'Annaba a réussi à identifier et localiser le surnommé Azouz auquel les terroristes revendaient du cuivre par l'intermédiaire du dénommé B.D. actuellement en détention préventive. Les terroristes extrayaient ce cuivre dans la région de Aïn Barbar située non loin de la région de Roumanat au nord-est de Annaba, sur le territoire de la commune de Seraïdi, considérée comme le fief des intégristes. Le surnommé Azouz arrêté par la gendarmerie a avoué durant son audition qu'il s'est rendu à deux reprises au maquis de Aïn Barbar où il a effectué des chargements de cuivre qu'il prétend avoir revendu à des récupérateurs de déchets, originaires de Sétif et de Bordj Bou Arréridj, sans plus. Ainsi, il apparaît clairement, à travers ces affaires communiquées par la gendarmerie, que le vol des câbles téléphoniques et électriques nourrissant les besoins du trafic du cuivre représente un fléau engendrant indéniablement un lourd préjudice au détriment des entreprises Algérie Télécom et Sonelgaz. Tout comme il constitue un grave préjudice au Trésor public et au bien de la collectivité. Ce même fléau trouve également écho dans le sillage du dossier des déchets non ferreux, non classé à ce jour par les Douanes algériennes (sic)!