Par-delà les manifestations du mouvement des Gilets jaunes, la décision du Conseil d'Etat est tombée, vendredi, pour donner tort à tous ceux qui revendiquent l'interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD), ces armes létales qui ont fait beaucoup de dégâts. Les centaines de photos, vidéos et autres réquisitoires contre cet engin que les forces de l'ordre sont censées utiliser en cas de danger réel et sous condition de filmer les circonstances, à toutes fins utiles, n'y ont rien changé. Le collectif «Désarmons-les» aura donc perdu la bataille face aux chantres du droit des policiers et gendarmes à frapper, même avec des conséquences dramatiques pour les personnes visées. L'exemple le plus médiatisé est cette figure des Gilets jaunes, Jérôme Martinez, dont les médecins ne savent pas encore s'il pourra récupérer son oeil atteint par un projectile contesté, un éclat d'une grenade de désencerclement, crient les autorités dont le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, un tir de LBD, insistent les avocats de la victime munis de «preuves irréfutables». Pour leur douzième samedi de manifestations à travers la France, les Gilets jaunes ont choisi hier de rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui ont déjà payé le prix fort de leur engagement: ils sont près d'une centaine à avoir perdu un oeil, un pied, un visage perforé, des brûlures et même des membres arrachés. Leurs noms, leurs photos et les stigmates qui leur ont été infligés ont été inventoriés dans un «Mur de la honte», sur Facebook. Les députés de la France insoumise les ont cités en pleine séance de l'Assemblée nationale et d'innombrables groupes de soutien, tant politiques qu'associatifs, ont apporté leurs encouragements. Le quotidien Libération, fin 2018, a même dressé une sorte d'inventaire des mutilations subies, montrant les membres arrachés, les organes privés de leur fonction principale, les os fracturés, les pieds et les jambes incrustés d'éclats de grenades, les brûlures graves ainsi que les plaies béantes au niveau des joues et des têtes. 82 blessés graves ont été présentés par le journal qui indiquait qu'ils ont entre 15 et 82 ans et que 10 femmes, toutes atteintes à la tête, comptent parmi les victimes. Le cas d'une femme morte à cause d'une grenade lacrymogène, celui de Fiorina, une jeune fille de 20 ans éborgnée, ou d'une adolescente qui a perdu un oeil permettent de prendre la mesure de ces drames. Le ministère de l'Intérieur reconnaît «environ 1700 blessés du côté des manifestants et environ 1000 pour les forces de l'ordre», non sans une certaine approximation, alors que le Défenseur des droits Jacques Toubon avait anticipé la sentence du Conseil d'Etat en réclamant l'interdiction des LBD à la suite de ces multiples tragédies dont il faut craindre qu'elles poursuivent leur sinistre progression.