Trump n'a rencontré aucun dirigeant irakien «La Constitution irakienne rejette toute utilisation de l'Irak comme base pour frapper ou agresser un pays voisin», a martelé hier à Baghdad le président Barham Saleh. Les 5000 soldats encore stationnés en Irak sont-ils vraiment les bienvenus? Il semble que ce ne soit plus le cas depuis la déclaration du président américain Donald Trump, selon laquelle le maintien des troupes en Irak est nécessaire pour «surveiller l'Iran». Propos qui a engendré une foule de réactions indignées non seulement au sein de la population irakienne, mais également parmi les formations politiques et les dirigeants les plus en vue du pays. «La Constitution irakienne rejette toute utilisation de l'Irak comme base pour frapper ou agresser un pays voisin», a martelé hier à Baghdad le président Barham Saleh. «Les forces américaines sont présentes en vertu de la loi et dans le cadre d'accords entre les deux pays, toute action menée hors de ce cadre est inacceptable», a-t-il tenu à rappeler en guise d'avertissement. Il n'aura pas fallu beaucoup de temps après la diffusion dimanche dernier de l'entretien accordé par le président américain à la chaîne CBS pour que des députés comme Sabah al-Saadi, du bloc que dirige le leader chiite Moqtada Sadr, montent au créneau. Al Saadi a ainsi considéré que ces déclarations belliqueuses faisant de l'Irak une base d'agression contre un pays voisin rendaient le «départ des troupes américaines d'Irak une obligation nationale». Il faut savoir que ce même député a déposé dernièrement une proposition de loi en ce sens, et il n'a cessé depuis, de plaider pour son adoption de toute urgence, arguant non sans raison que l'Irak est actuellement pris en étau entre ses deux grands alliés, les Etats-Unis et l'Iran, alors qu'ils sont deux grands ennemis. Hassan al-Kaabi, numéro deux du Parlement et proche de Moqtada Sadr, s'en est pris pour sa part à ce qu'il qualifie de «nouvelle provocation» du président américain, décidément inspiré quand il s'agit de jeter de l'huile sur le feu, aux yeux de nombreux Irakiens. Lors de sa dernière visite aux troupes basées dans ce pays, à la fin du mois de décembre 2018, Trump s'était exhibé sur la base aérienne d'Aïn al-Assad en prenant soin de ne rencontrer aucun officiel irakien. Un geste ressenti comme une véritable offense par des dirigeants conscients que le message était on ne peut plus clair, en ce qui concerne leur vassalité. Officiellement, les Irakiens estiment qu'ils n'ont accordé aucune base sur leur sol aux Etats-Unis, ces derniers ayant fourni essentiellement des instructeurs chargés d'accompagner les troupes irakiennes dans leur lutte contre le groupe Etat islamique. Or, le président Trump a déclaré sur CBS qu'il entend «garder» la base aérienne de Aïn al-Assad, pour, dit-il, «surveiller l'Iran» voisin. Parmi ses divers arguments, le fait que «si quelqu'un cherche à faire des armes nucléaires, nous allons le savoir avant qu'il le fasse». «L'Irak n'est pas votre terrain familial et nous n'acceptons plus aucune force étrangère sur notre sol», a répliqué vivement le député Hassan Salem, membre d'une coalition d'ex-combattants antiterroristes proches de l'Iran, au Parlement. «La mission de l'armée américaine en Irak est d'aider les forces de sécurité irakiennes contre le terrorisme, pas de 'surveiller'' d'autres pays», s'est aussi révolté, sur Twitter, Sarkawt Chemseddine, député du parti kurde d'opposition Nouvelle génération. «Nous attendons des Etats-Unis qu'ils (...) évitent de pousser l'Irak dans un conflit régional», a-t-il souligné, tandis que les commentaires pleuvaient sur les réseaux sociaux pour dénoncer des propos significatifs d'une «force d'occupation». Tout cela ne constitue pas, à vrai dire, une nouveauté puisque depuis l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis en 2003, la présence américaine ne cesse de nourrir de violentes polémiques. On a compté jusqu'à 170.000 militaires américains présents officiellement pour conforter la lutte contre l'insurrection puis, ces dernières années, le retrait s'est effectué à une cadence de plus en plus accélérée, les quelque milliers de soldats encore présents ayant pour «mission» de conduire la coalition internationale mobilisée contre Daesh.