Le clergé chiite a su convaincre Moqtada Sadr, le jeune ayatollah des déshérités, à abandonner son combat contre l'occupant américain. La grande mosquée de la ville sainte entièrement dédiée à Ali, le gendre du Prophète Mohamed, panse ses plaies. Les ayatollahs de Téhéran ont proposé leur assistance pour sa rénovation. Le président iranien Khatami a assuré que l'Iran menait une politique d'apaisement en Irak et ne transposerait pas chez son voisin ses querelles avec les Américains. Depuis l'insurrection chiite en Irak, les accusations des Etats-Unis ont redoublé contre l'Iran. Téhéran, chiite à 90%, a notamment été accusé d'armer la rébellion du chef radical Moqtada Sadr même s'il a ouvertement signifié son soutien à Ali Sistani. Pour Israël, qui menace de détruire les installations nucléaires iraniennes, comme il l'a fait en Irak, les autorités de Téhéran se serviraient du terrain irakien pour signifier leur capacité de nuisance aux Américains. Téhéran n'a cessé de clamer chercher l'apaisement chez son voisin dont il a reconnu les dirigeants malgré les déclarations inamicales de certains membres du gouvernement intérimaire irakien. En effet, Téhéran a même reconnu dans le gouvernement de transition, pourtant installé à l'initiative de Washington, un pas en avant vers l'instauration de la démocratie. En outre, l'Iran s'est gardé de riposter à l'arrestation de ses pèlerins en Irak et aux accusations portées contre eux et a plié bagage sans coup férir lorsque les autorités irakiennes ont fermement décliné ses offres de médiation avec Moqtada Sadr. L'Iran, et Khatami l'a encore rappelé, peut être un grain de sable aussi bien en Irak qu'en Afghanistan. Le président iranien a confirmé la présence d'Iraniens dans ces deux pays phare de la lutte antiterroriste menée sous le panache des Etats-Unis, sans préciser ses propos. Avant que ne s'exprime le président iranien, l'ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani, probable successeur de Khatami, avait conseillé aux Américains de prendre en compte les leçons de la résistance de Nadjaf, faisant l'éloge de la puissance extraordinaire du grand ayatollah Ali Sistani, qui a imposé son plan de paix. Même si Téhéran ne s'est jamais prononcé pour l'instauration d'un régime islamique chez son voisin, Rafsandjani a comparé le retour d'Ali Sistani en Irak à celui de l'imam Khomeiny en Iran qui, 25 ans plus tôt, avait précipité la chute du chah. Téhéran et Washington ont rompu leurs relations diplomatiques en 1980. En janvier 2002, l'Iran s'est retrouvé, par la bouche du président américain George W. Bush, sur l'axe du mal des pays développant des armes de destruction massive et soutenant le terrorisme international. Depuis la mosquée Ali, les hauts dignitaires religieux chiites ont marqué leur opposition à la lutte armée contre la présence américaine en Irak, et la vie a repris le dessus à Nadjaf. Comme le prévoyait le plan de paix élaboré par Sistani et accepté par Sadr et le gouvernement intérimaire, les miliciens chiites ont quitté le mausolée de l'imam Ali qu'ils occupaient depuis cinq mois et l'armée américaine, qui appuie les forces irakiennes à Nadjaf, s'est retirée de la vieille ville, réduite à un champ de ruines. Les miliciens ont cependant refusé de remettre leurs armes aux autorités irakiennes comme elles l'exigeaient. Le Premier ministre irakien, pour sa part, veut l'arrêt de l'ingérence iranienne en Irak. La demande sera faite par le vice-Premier ministre Barham Saleh, en visite à Téhéran. Pour Bagdad, le temps est venu de commencer à bâtir des relations franches et claires basées sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des deux pays. Les habitants de la vieille ville fulminent contre les miliciens de Moqtada Sadr en retrouvant leurs maisons et leurs magasins dévastés par les combats. Sur le plan diplomatique, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell, qui devait assister à la cérémonie de clôture des JO, dimanche, a annulé sa visite à Athènes, officiellement en raison d'un agenda chargé. Mais les opposants à sa venue, altermondialistes et communistes grecs, ont crié victoire, estimant que c'étaient les manifestations qui avaient entraîné sa décision. Le ministre des Affaires étrangères néerlandais Ben Bot, dont le pays préside actuellement l'Union européenne (UE), est arrivé hier à Bagdad afin de discuter d'un renforcement du soutien européen à l'Irak. L'UE souhaite, notamment soutenir le processus de démocratisation, la construction d'un Etat de droit ainsi que la promotion des droits de l'homme en Irak. D. B. Otages français Mobilisation du gouvernement Les autorités françaises étaient mobilisées, hier, après l'enlèvement de deux journalistes français en Irak avec, notamment, une réunion de crise du gouvernement, présidée par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, et une rencontre du ministre de l'Intérieur avec les représentants de la communauté musulmane française. L'Armée islamique en Irak a revendiqué l'enlèvement des journalistes, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, et réclamé l'annulation dans les 48 heures par Paris de la loi sur le voile islamique, dans un texte diffusé par la télévision satellitaire qatariote Al-Jazira. Chesnot, correspondant des radios publiques Radio France et RFI (Radio France internationale ), et Malbrunot, envoyé spécial du journal Le Figaro et du quotidien régional Ouest-France et correspondant de la radio RTL, ont disparu en Irak le 20 août. À l'issue de la réunion de crise présidée par le Premier ministre Raffarin, qui a annulé un déplacement en province, aucun des participants n'a souhaité s'exprimer. Le ministre de l'Intérieur en charge des cultes a réuni en fin de matinée le bureau du Comité français du culte musulman (Cfcm), représentant la communauté musulmane en France qui compte quelque 5 millions de personnes, sur une population de 60 millions. Les autorités religieuses musulmanes, comme la classe politique de tous bords, ont vivement condamné l'enlèvement. Le président du Cfcm, Dalil Boubakeur a affirmé que la communauté musulmane devait se démarquer de ces agissements condamnables par l'islam. Mohamed Bechari, président de la Fédération nationale des musulmans de France (Fnmf) et vice-président du Cfcm, lançant un appel aux ravisseurs pour qu'ils relâchent les journalistes, juge que ces actes ne servent ni la situation irakienne ni la question du foulard. D'Egypte, les frères musulmans, plus ou moins tolérés, ont tenu eux aussi à rappeler que le djihad n'est pas dirigé contre les civils, invitant les ravisseurs à relâcher les journalistes français. La loi interdisant le port de signes religieux ostensibles, dont le foulard islamique, à l'école publique en France doit entrer en application à la rentrée, jeudi prochain. D. B.