Le «triumvirat» franco-américano-russe est aussi encombrant qu'utile pour l'Algérie. Le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Kamynine, a déclaré que «l´approfondissement du dialogue politique avec le Maroc, l´Algérie et la Tunisie sera la question prioritaire de la visite du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov dans ces pays les 22-24 novembre». Dans une interwiew à RIA Novosti, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Mikhaïl Kamynine a également fait état qu'au cours du voyage de Sergueï Lavrov, «l´attention prioritaire sera accordée à l´approfondissement du dialogue politique et de la coopération avec le Maroc, l´Algérie et la Tunisie, les pays dont le prestige et l´influence dans le monde arabo-islamique, sur le continent africain et en Méditerranée ne cessent de grandir». Selon toute vraisemblance, il s'agit là d'une poussée diplomatique russe de grande envergure, et qui a déjà mené Lavrov en Irak et en Egypte, avant de poser pied dans les pays du Maghreb, et spécialement l'Algérie, considérée au plan diplomatique et militaire comme «un allié privilégié et traditionnel de très longue date». On note avec déception du côté russe, qu'en 2004, le volume des exportations russes vers Alger a été de l´ordre de 350 millions de dollars uniquement, alors que des entreprises russes avaient, à maintes reprises, manifesté leur intention d´investir en Algérie dans plusieurs secteurs d´activité. Préparant et défrichant le terrain à son ministre des Affaires étrangères, l'ambassadeur de Russie en Algérie avait, lors de son passage au forum d´El Moudjahid, il y a seulement quelques jours, reconnu une «quasi-absence» de la Russie en Algérie, durant ces dernières années, due à des «considérations pénibles», exprimant par là le contexte sécuritaire extrêmement difficile dans lequel il était très pénible d'évoluer. Il n'a pas omis, en outre, de rappeler l´existence de la «déclaration de partenariat stratégique» signée, en avril 2001 par les deux présidents, Bouteflika et Poutine, pour concrétiser l´ambition politique de hisser la coopération bilatérale au plus haut degré. Cette déclaration, a-t-il rappelé, fera, elle aussi, l´objet des discussions que l´hôte d´Alger aura avec ses vis-à-vis. Car, faut-il le souligner, en dépit de toutes les considérations qui peuvent rapprocher Alger et Moscou, le volume des échanges commerciaux reste en deçà des attentes des uns et des autres. Dans sa livraison du 22 novembre, Ria Novosti ajoute que le porte-parole des AE a noté que "les prochaines négociations entre le ministre russe des AE avec les dirigeants marocains, algériens et tunisiens permettront d´examiner un vaste éventail de questions d´actualité de l´agenda régional et international, ainsi que l´état et les perspectives de la coopération bilatérale". Les parties, a encore dit Mikhaïl Kamynine, «soulèveront les questions relatives au règlement négocié des foyers de tension et des conflits au Proche-Orient et en Afrique, au renforcement de la paix et de la sécurité en Méditerranée, à l´accession au règlement politique acceptable du problème du Sahara occidental sous l´égide de l´ONU». "L´apport de la Russie et des pays nord-africains aux efforts collectifs de la communauté internationale visant à mettre sur pied un monde juste, égal et démocratique, fondé sur le respect rigoureux des normes et des principes du droit international et de la Charte de l´ONU" sera également débattu. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe a aussi noté que Moscou confirmerait son intention de "continuer de participer activement aux efforts coordonnés de la communauté internationale visant à aider l´Afrique à surmonter les problèmes auxquels elle doit faire face et d´assurer la continuité des activités des Huit Grands sur l´axe africain pendant la période de la présidence russe au G8 en 2006". "La problématique des nouvelles menaces avec l´accent mis sur une meilleure coordination des efforts de la communauté internationale en matière de lutte contre ces phénomènes, avant tout le terrorisme, occupera une place importante dans l´agenda des négociations", a encore indiqué le diplomate russe. Guerre d'influence franco-américano-russe s'il en est, cette «course au Maghreb» dénote la volonté de ces trois puissances, d'abord, d'accaparer le marché maghrébin, de poser pied ensuite, sur un espace géostratégique de très grand intérêt et de portée hautement stratégique, car donnant à la fois sur la Méditerranée, devenue subitement une zone de transit des grands méthaniers, et donc, de surveillance, de contrôle et d'interception, sur l'Atlantique et sur la bande du Sahel . Alliée historique de l'Algérie, la France a perdu énormément de terrain depuis une dizaine d'années, mais qu'elle tente aujourd'hui de récupérer grâce à ses ramifications politico-économiques très efficaces. Les Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre sont hyper-hégémoniques au Maghreb et au Sahel, et à la faveur des soulèvements islamistes dont se plaignent les régimes de la région, posent pied aisément là où ils le veulent, moyennant des aides militaires et des dotations en logistiques de guerre. La Russie, premier allié de l'Algérie depuis 1962, premier fournisseur du pays en armement, en logistique de guerre et en experts et coopérants militaires jusqu'en 1990, s'était écroulée après sa perestroïka et la chute de l'empire soviétique, s'occupant surtout de recoller les morceaux épars de sa puissance écartelée. Ce «triumvirat» de superpuissance est parfois encombrant, mais très souvent utile pour l'Algérie, qui a besoin aujourd'hui de «surdoses» pour se remettre d'aplomb.