Le cycle des émeutes semble reprendre avec les premières pluies. Le misérable quartier de Belaouadi offrait, hier, un piètre visage : route barrée, pneus calcinés, branches et brindilles longeant les deux côtés de la route, jeunes et moins jeunes criant leur ras-le-bol. Au bout de l'émeute, et comme à chaque fois, il y a les revendications sociales, les exclusions, les frustrations. Entamée déjà dans la nuit de samedi, l'organisation de l'émeute s'est mise en place hier matin, et les centaines de jeunes se barricadent et barrent la route qui relie Larbaâ à Baraki. Le président de l'APC de Larbaâ, de laquelle dépend Belaouadi, arrive vers 13 heures, après que les esprits s'étaient déjà chauffés à blanc. Les revendications fusent de toutes parts, les jeunes l'entourent, l'apostrophent, le bousculent: «Nous vivons dans la boue et la vase», «les routes sont trouées, gorgées d'eau boueuse, impraticables, faites quelque chose, l'hiver accentue notre misère», «nous exigeons la venue du wali parce que les promesses des élus de Larbaâ on en a mangé à satiété depuis trois années». Les revendications se bousculent dans la bouche des émeutiers: «Si la wilaya de Blida ne peut pas nous prendre en charge, qu'on nous rattache à Alger. D'ailleurs, on est plus proche de Baraki que de Larbaâ», «regardez les jeunes filles, si innocentes et propres, mais obligées de chausser des bottes de paysan pour regagner le lycée à Larbaâ», «nous ne pouvons faire un tour à Alger-centre sans passer pour des rustres avec les taches de boue qui maculent nos vêtements», «nous habitons un immense bourbier, et si les APC passent leur temps à discourir et à se sucrer, qu'ils nous consacrent au moins mille dinars pour refaire nos routes». Le président de l'APC fait des promesses: «Je suis venu, je vous ai écoutés et pris acte de vos soucis. Je vous promets que je remédierai à tout cela». Cela ne convainc pas. «Quand?». Le P/APC ne s'aventure pas: «Ecoutez, les choses avancent dans le bon sens, les études ont été faites, le nivellement de certaines ruelles a été entamé.» Visiblement dépassées par la tournure des événements et l'inflexibilité des émeutiers, les autorités civiles font appel à la force publique. C'est là qu'interviennent, vers 14 heures, les brigades anti-émeutes de la Gendarmerie nationale. Matraques au poing, le casque sur la tête, godasses flambant neuves et l'air décidé, les brigadiers font la chasse aux émeutiers, et cela provoque des scènes où le cocasse se mêle au tragique. L'intervention est musclée, avec une soixantaine de brigadiers anti-émeutes et une bonne dizaine de véhicules de gendarmerie qui obstruent la sortie sud de Larbaâ. Heureusement, il n'y a pas eu de confrontation directe, ni de blessés, et la route a été rapidement réouverte à la circulation. A la faveur des premières pluies de l'année, il semble bien que le cycle des émeutes a été ouvert. Plusieurs quartiers et villages de la périphérie d'Alger ont été secoués par les émeutes de la misère et du ras-le-bol. Porteuse de tous les dangers, la période hivernale risque d'être particulièrement chaude...